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Archives LVE. 1983, Le Maroc se rêve en pays pétrolier
Il y a 40 ans, le jeune ministre de l’Énergie et des mines, Moussa Saadi, annonçait que le pays était
à la veille d’un décollage en matière pétrolière. Voici pourquoi…

La question des schistes bitumineux se présente plutôt bien. Mais notre action dans le domaine énergétique, contrairement à ce que certains ont prétendu, ne se fait ni dans le désordre ni dans la dispersion. Au contraire, elle se fait selon un schéma cohérent et bien étudié.
Ce schéma est fondé sur nos diverses potentialités naturelles qui sont réelles et sur le partage des risques en évitant comme on dit de mettre tous nos œufs dans le même panier. Il s’agit de mobiliser autant que possible le maximum de nos ressources en fonction des moyens disponibles, des résultats obtenus et des interactions que peuvent avoir ces opérations les unes sur les autres. (…)
Trois formes d’intervention sont actuellement engagées : la mise en œuvre du procédé national d’extraction T3 pour la production de pétrole, la réalisation d’une centrale thermo-électrique à Timahdit et la mise en exploitation d’un projet de grande taille à Tarfaya avec Shell.
Pour ce qui concerne le premier point, l’unité pilote comprend deux fours pouvant traiter 80 tonnes de schistes chacun qui produiront 2.000 tonnes de pétrole par an. Cette unité est essentiellement destinée à éprouver notre procédé national dont la mise au point a exigé plusieurs années de réflexion et d’étude. Il s’agit d’un procédé original mis au point par des ingénieurs nationaux et développé avec l’assistance de bureaux d’étude américains.
Il est simple, économique et astucieux et tient compte des avantages et inconvénients des autres procédés. De plus, il permet d’économiser de l’énergie et de l’eau, et d’utiliser la main-d’œuvre en nombre suffisant. Il repose sur une astuce : dans le four où s’effectue la pyrolyse des schistes, la combustion se fait par le haut plutôt que par le bas. À 500 degrés, la roche laisse exsuder vers le bas, par gravité, le pétrole sans qu’aucune partie ne soit brûlée et perdue comme dans les autres procédés à combustion inférieure. Il y a une deuxième astuce technique : l’utilisation de la chaleur des cendres après la combustion d’un four.
Ces cendres sont à haute température et, laissées à elles-mêmes, elles mettraient près d’un mois à refroidir. Dans le T3, cette chaleur normalement perdue est utilisée pour préchauffer le four voisin en y insufflant de l’air préalablement recyclé dans le four en cours de refroidissement. L’économie énergétique ainsi réalisée est appréciable et valorise le procédé.
De même, c’est la technique qui utilise le moins d’eau. Les cendres, résidus de la pyrolyse, ne devraient pas constituer un problème insoluble pour l’environnement si on prenait des mesures appropriées. Par exemple, en Estonie (URSS) où existent de grandes centrales hydro-électriques à base de schistes, les cendres et les déblais ont été utilisés pour constituer un sol meuble où sont plantées des forêts. Il pourra en être de même à Timahdit d’autant plus que la région y est assez pelée.
Il y a aussi le problème du soufre, mais là aussi la teneur en soufre dans les schistes de Timahdit est suffisamment élevée pour qu’on puisse envisager de récupérer cette substance très demandée par notre industrie phosphatière. Le soufre constituera donc une plus-value intéressante.
Démarrage de production pour bientôt ?
Enfin, pour l’avenir des schistes au Maroc, l’année 1984 sera assez décisive, car si l’unité-pilote T3 donnait de bons résultats comme nous l’attendons, il serait facile de réaliser dès lors des unités de production en série à l’échelle industrielle. Parallèlement à cela, nous suivons avec intérêt le démarrage d’une unité de démonstration qui vient d’être achevée au Colorado aux États-Unis. En cas de succès, le procédé utilisé mis au point par Union Oil pourrait également être utilisé chez nous.
Pour la centrale de Timahdit, les études d’engineering ont été achevées en URSS depuis longtemps et remises à l’Office national d’électricité. Les appels d’offres sont prêts à être lancés, mais la crise financière que nous traversons comme d’autres pays nous conduit à différer certains projets dans le cadre de la révision de la Loi des finances rectificative. Ce retard ne devrait pas excéder une année.
Dans tous les cas, cette période sera mise à profit pour examiner une nouvelle technique de combustion plus performante. Il s’agit de la technique dite du lit fluidisé qui a donné d’excellents résultats dans la combustion des combustibles solides comme le lignite et qui peut être appliquée aux schistes.
Mohamed El Amine Palamino et Marcel Herzog
