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Archives LVE. 1963, le tunnel du détroit de Gibraltar

Il y a 60 ans, le projet de liaison entre le Maroc et l’Espagne faisait déjà son chemin. Aujourd’hui, les études sont faites, mais le tunnel est toujours en état de projet.

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Il y a très longtemps que l’idée de faire franchir le détroit de Gibraltar par un tunnel ou un pont avait été lancée. Jusqu’à présent, elle n’avait suscité qu’un accueil réservé ou ironique. Et voilà que, depuis peu, ce projet conquiert de nouveaux adeptes. Que s’est-il donc passé ?

D’abord, la constatation par le grand public de ce fait impensable, incroyable, que bientôt l’Angleterre ne sera plus une île. Alors que, depuis un siècle, le dossier du tunnel sous la Manche disparaissait périodiquement dans les oubliettes. Paris et Londres, en cette fin d’année 1963, vont se mettre d’accord pour la réalisation d’un «ouvrage fixe de traversée de la Manche». Ce sera probablement un tunnel foré, de 51 km de long, avec 37 sous la mer, dont la construction durera moins de six ans et qui coûtera moins de 200 milliards d’anciens francs de 1962. Lorsqu’on a décidé de faire un tunnel sous l’eau, lorsqu’on a mis au point des plans et des devis, il n’y a pas de raison que l’on n’y en fasse pas d’autres. Et lorsqu’il s’agit du détroit de Gibraltar, il y a même beaucoup de raisons pour que l’on étudie sérieusement un tel projet. Des raisons psychologiques, politiques, économiques, touristiques aussi. D’excellentes raisons au total, même si, au départ, la rentabilité d’un tel projet apparaît moins assurée que celle d’un ouvrage dans la Manche.

Justement ces temps-ci, on en parle beaucoup du détroit. Nous avons souvent évoqué tout récemment encore (voir la V.E. du 1er novembre) les travaux effectués dans ces parages par le navire océanographique français «Amalthée» et qui visent à trouver le meilleur point de passage sous-marin pour le gazoduc d’Hassi R’Mel. Ces travaux ont montré que si, dans le détroit même, les fonds atteignent 900 mètres, si vers la Méditerranée ils descendent rapidement à 2.000 mètres, il existe cependant, vers l’Atlantique, un plateau continental continu où les fonds entre le Cap Spartel, d’une part, et un point situé entre Tarifa et Cadix, d’autre part, ne dépassent pas 400 mètres. L’idée vient tout naturellement à l’esprit que si c’est un passage privilégié pour le gazoduc d’Hassi R’Mel, cela pourrait l’être aussi pour un tunnel, soit foré au-dessous de la mer, soit pour un tunnel immergé au fond de l’eau. La parole est maintenant d’abord aux géologues, aux géophysiciens et aux ingénieurs. (…). Le Maroc est intéressé évidemment d’une manière particulière à la réalisation d’un tel ouvrage. Il permettrait d’abord sans aucun doute de développer largement le mouvement touristique entre l’Europe et le Maroc, mais aussi le reste de l’Afrique du Nord. Il serait aussi un remarquable instrument de développement économique : il suffit de penser aux tonnages de marchandises, qui, sans transbordement, pourraient gagner rapidement par voie ferrée les marchés européens ou, à l’inverse, les marchés maghrébins. Mais, sur un plan plus large, une telle œuvre serait aussi pour l’Europe et l’Afrique une occasion extraordinaire d’affirmer leur solidarité.
Relier les deux continents, n’est-ce point là concrétiser un rêve ancestral et donner, enfin, un sens réel à l’Eurafrique (…).

Deux options
Deux types d’ouvrages avaient été proposés, on le sait : un tunnel et un pont. Il ne semble pas que malgré l’attrait qu’elle représente pour les usagers de la route, la solution «pont» soit retenue, en raison des dangers qu’elle représente pour la navigation maritime, du fait aussi que sa réalisation ne saurait être entreprise sans un accord international. Pour les mêmes raisons, il paraît logique d’écarter la solution d’un pont sur le détroit de Gibraltar. C’est donc la construction d’un tunnel qu’il faut envisager. Il peut s’agir soit d’un tunnel foré, soit d’un tunnel immergé. Dans le premier cas, le tunnel se trouvera sous la mer, ce qui suppose des études géologiques très précises, permettant d’éviter tous les problèmes au moment de la réalisation. Dans ce cas, le tunnel est placé dans une tranchée au fond de la mer. C’est une technique révolutionnaire qui a été employée déjà avec succès en eau moins profonde aux États-Unis, mais les dangers possibles au cours de la construction en eau profonde (- 400 m dans le détroit) méritent un examen attentif. (…).