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Hassan Fekkak: «Nous avons des athlètes capables de créer la surprise»

Nos chances de médailles, les conditions de préparation des athlètes, les primes olympiques, les leviers pour développer le sport de haut niveau…, la participation marocaine aux JO de Paris décortiquée par le directeur technique du Comité national olympique marocain (CNOM).

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Au total, 60 sportifs (42 hommes et 18 femmes) défendront les couleurs nationales aux JO de Paris, dans 19 disciplines sportives. Comment en sont-ils arrivés là ? Quelles ont été les étapes de leur préparation ? Des questions comme tant d’autres auxquelles Hassan Fekkak, le directeur technique du CNOM, a bien voulu répondre. Entretien.

Comment s’annoncent les Jeux olympiques de Paris ?
La ville a intégré d’une façon exceptionnelle les jeux et cette édition 2024 promet d’être exceptionnelle. Pour la première fois, la cérémonie d’ouverture va sortir des stades pour se tenir au cœur de la capitale. Le défilé de toutes les nations aura lieu sur la Seine, ce fleuve qui traverse tout Paris. Donc au lieu d’avoir 80.000 spectateurs dans un stade, il va y avoir certainement dans les 500.000. En plus, les monuments historiques de la Ville des lumières (Tour Eiffel, Arc de Triomphe, Concorde, Champ de Mars, Grand Palais…) vont servir de décor pour les JO. Évidemment, cela demande beaucoup de moyens logistiques et sécuritaires et nous sommes ravis que le Maroc via la DGSN va contribuer à la sécurité de cet événement planétaire. En plus, il y a cette parité obligatoire pour les Jeux olympiques : 50% des athlètes qualifiés sont des femmes.

Quelles sont les nouvelles disciplines olympiques auxquelles participera le Maroc lors de cette édition ?
Le breakdance est pour la première fois admis comme sport olympique et le Maroc a décroché une qualification continentale aussi bien chez les garçons (Bboys) que chez les filles (Bgirls). Il y a aussi le skateboard à travers la participation d’une jeune Marocaine. Les autres nouvelles disciplines pour le Maroc sont le concours complet du sport équestre et le BMX en cyclisme.

Quelles sont nos chances de médailles ? Et dans quelles disciplines ?
La compétition sportive à ce niveau-là n’est pas une science exacte. Donc on ne peut jamais prédire les résultats. Cela dit, nous avons des sportives et des sportifs marocains qui ont un réel potentiel d’aller chercher une médaille olympique. Ils ont décroché des titres lors des derniers Championnats du monde en 2023 et en 2024. Sofiane El Bakkali, par exemple, a été champion du monde d’athlétisme.

Idem pour Khadija Mardi dans la boxe, discipline où Yasmine Moutaki a été médaillée de bronze aux Championnats du monde. Dans d’autres disciplines, nous retrouvons Mathis Soudi, médaille de bronze aux Championnats du monde de canoë-kayak, Ramzi Boukhiam, médaillé d’argent aux Jeux mondiaux de surf, Fatima-Ezzahra Gardadi, médaille de bronze aux Championnats du monde du marathon, ainsi que Fatima-Zahra Aboufaras, championne olympique de la jeunesse en taekwondo.

Être médaillé aux Championnats du monde est un potentiel de médailles aux Jeux olympiques. Vous avez d’autres sportifs marocains qui ont préparé sérieusement ces Jeux olympiques. Ils ont la capacité de créer la surprise le jour J. Et au niveau du CNOM, nous mettons tous les moyens à leur disposition pour les soutenir. Se qualifier aux Jeux olympiques est déjà une performance en soi. Quel que soit le résultat, nos sportifs doivent représenter dignement notre Royaume. Nous devons les soutenir, les encourager et croire en eux.

Comment prépare-t-on un athlète olympique ? Quel est l’apport du CNOM justement ?
La préparation aux Jeux olympiques peut prendre de 4 à 8 ans et parfois jusqu’à trois olympiades. Au sein du CNOM, nous avons commencé à accompagner les différentes fédérations au lendemain de la clôture des Jeux olympiques de Tokyo, soit en septembre 2021. Nous avons rencontré toutes les fédérations concernées pour établir bien sûr le bilan de la participation à Tokyo, mais surtout pour se pencher sur la question de comment préparer au mieux nos athlètes et nos sportifs pour l’échéance de Paris 2024. Les fédérations nous ont ainsi présenté leur projet sportif : liste des athlètes potentiellement qualifiables, ainsi que le staff technique. Évidemment, la Fédération est souveraine dans ses choix, mais le Comité olympique peut donner un feed-back sur les sportifs parce que nous avons une cellule de veille qui piste chaque sportif marocain par rapport à ses résultats, son palmarès et sa progression. La Fédération nous fournit également son programme de stages de préparation au Maroc et à l’étranger et de compétitions, et après étude par le CNOM, nous proposons une convention avec un budget pour financer le programme de la Fédération. Le Comité olympique met également à disposition de tous nos sportifs un accompagnement médi-cal pour la prévention et pour le traitement quand des blessures surviennent. Et bien sûr, avec l’équipe médicale, il y a aussi des préparateurs mentaux, un nutritionniste, des ostéopathes, des kinésithérapeutes… Bref, tout un staff mobilisé pour améliorer la préparation et la performance de nos sportifs.

Qu’en est-il des bourses olympiques que vous avez commencé à accorder en 2022 ?
Nous avons mis en place depuis septembre 2022 ce programme de bourses olympiques que nous octroyons selon des critères de performance et de palmarès dans une transparence totale. Il y a une première catégorie de sportifs qui regroupe ceux qui figurent dans le top 10 mondial. Ils reçoivent une bourse mensuelle de 10.000 dirhams, virée directement sur leurs comptes bancaires. Il y a aussi la catégorie B de sportifs qui perçoivent une bourse de 6.000 dirhams par mois et un troisième groupe avec 3.500 dirhams par mois. Je précise que ces bourses viennent en complément du financement de tous leurs stages, que ça soit au Maroc ou en dehors du pays, en plus du financement de la participation à toutes les compétitions internationales qui sont sur leur calendrier. Nous avons également mis en place une application pour tous les sportifs, inscrits dans ce programme, qui renseigne sur les horaires d’entraînement et de repos, les blessures, les séances de soins, la consommation d’eau, la diététique… Tous les quatre mois, nous organisons un rassemblement des sportifs avec leur staff technique pour une restitution de ces don-nées de manière à étudier l’évolution de leur préparation.

L’occasion aussi de faire le point individuellement avec chaque athlète et son encadrement technique et rencontrer à nouveau le staff médical pour un check-up. En plus des bourses, le CNOM finance l’achat de certains équipements sportifs spécifiques. Nous sommes à l’écoute de nos sportifs et des fédérations pour investir dans tout ce qui peut les aider à améliorer leur performance. À condition que la demande soit inscrite dans le cadre d’un projet sportif cohérent et transparent.

À combien s’élèvent les primes aux médailles ?
Le Maroc fait partie du top 5 des pays en matière de primes accordées aux sportifs qui décrochent des médailles. Pour un champion olympique, c’est une prime de 2 millions de dirhams qui lui est octroyée en plus d’un autre million accordé à son coach. Pour une médaille d’argent, la prime s’élève à 1,25 million de dirhams, alors que pour une médaille de bronze, celle-ci est de 750.000 dirhams.
Même ceux qui ne sont pas sur le podium mais qui réalisent une belle performance peuvent recevoir des primes. 50% des primes sont octroyées à l’encadrement technique des sportifs.

Quels sont les points sur lesquels il faut progresser pour développer le sport de haut niveau de manière générale ?
Nous avons des pistes de progression qui nous permettront de gagner en performance. Nous devons davantage former nos coachs et nos entraîneurs aux techniques nouvelles et de la haute performance. Le Maroc doit également se doter d’un centre olympique pour la préparation de nos sportifs. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore une infrastructure exclusivement dédiée à la préparation de haut niveau. En attendant, nous veillons à assurer le meilleur cadre de préparation à nos athlètes, dans des lieux répondant aux standards internationaux.

Troisième point sur lequel on peut progresser, c’est l’aménagement du temps scolaire pour permettre à nos jeunes sportifs de suivre leurs études tout en ayant le temps de s’entraîner. Le dernier point concerne le milieu universitaire. Il faut savoir que 75% de nos graines de champions abandonnent à l’âge de 17 ou 18 ans en raison de l’inexistence d’aménagement du temps universitaire pour les sportifs de haut niveau, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays. De leur côté, les jeunes filles sportives abandonnent à cet âge, en raison du harcèlement qu’elles peuvent subir. Nous devons aussi inculquer à nos enfants l’éducation de la «gagne» et de la haute performance par la confiance et la croyance en soi. Je suis convaincu que si on progresse sur la formation de nos cadres, la mise en place d’un centre de préparation, l’aménagement du temps scolaire et universitaire, le respect du sportif et de son bien-être, la confiance et la croyance en soi, les résultats seront au rendez-vous en termes de performances sportives.

Le Royaume peut-il prétendre un jour à l’organisation des Jeux olympiques ?
Le Maroc avance aujourd’hui d’un pas de géant à tous les niveaux. Notre pays accueillera en 2025 la Coupe d’Afrique des nations et en 2030 la Coupe du monde qui est le premier événement sportif planétaire. Le Maroc aura l’occasion de montrer au monde entier qu’il a la possibilité et les moyens d’accueillir un événement tel que les Jeux olympiques. Si on continue sur ce rythme-là et sur cette progression sans nous endormir sur nos lauriers, nous pouvons profiter de cette dynamique impulsée par Sa Majesté pour que le Maroc de demain soit encore meilleur. Mais nous devons travailler encore plus. Nous devons améliorer la relation de confiance entre nous Marocains pour travailler ensemble la main dans la main, en mettant nos egos de côté, parce que la réussite n’est jamais individuelle, elle ne peut être que collective.