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Archives LVE 1975. L’État investisseur en force
Il y a 50 ans, la Loi de finances pour 1975, telle qu’elle avait été présentée le 30 décembre, frappait tout d’abord par l’ampleur des crédits qui ont été dégagés par rapport aux budgets précédents.

Loi de finances pour 1975 qui constitue en fait l’expression la plus précise de la politique du gouvernement en matière de finances et d’équipement permet de dégager quelques points particulièrement importants qui constituent d’ailleurs les moyens et les objectifs d’une nouvelle politique économique.
Depuis 1964, le pays a vécu sous un régime de stricte orthodoxie financière et d’austérité. On se souvient qu’à l’époque, les ressources nationales en devises étaient au point le plus bas et l’échec du premier Plan quinquennal avait causé à l’économie un retard considérable qui se traduisait, en particulier, par une diminution du PIB par tête d’habitant.
Le Plan triennal 1964-1967, appelé d’ailleurs plan de stabilisation, permit à la fois de remettre de l’ordre dans les finances et de définir une politique de développement conforme aux possibilités et aux besoins du pays.
Cette politique fut appliquée dans le Plan quinquennal 1968-1972 et on peut dire qu’elle a abouti à un succès incontestable, puisque le PIB par habitant s’est très rapidement redressé.
Aujourd’hui, alors que le monde est en proie à une des crises les plus dramatiques de son histoire, le Maroc se trouve dans une situation relativement bonne par rapport à la plupart des pays, qu’ils soient industrialisés ou en voie de développement.
Certes, pour en arriver là, le Maroc avait suivi scrupuleusement les règles définies par les autorités monétaires internationales et de tous les pays du tiers-monde, il était ce que les économistes ont appelé le bon élève du FMI.
Cette politique de sagesse et d’austérité était valable dans un monde où le système monétaire représentait encore quelque chose de solide. Mais les avatars qu’il a connus et le coup de grâce qui lui a été porté par le renchérissement brutal de l’énergie vidaient cette politique de sa substance. Il fallait donc, devant la situation nouvelle qui se présente, mettre en application une politique nouvelle.
La dépréciation vertigineuse du terme de l’échange avantage incontestablement ceux qui sont non moins endettés, la hausse vertigineuse du coût des matières premières favorise ceux qui s’équipent pour produire. L’inflation est certes un mal en soi, mais elle peut servir ceux qui savent habilement en profiter. Mais faut-il pour cela offrir aux bailleurs de fonds les garanties suffisantes ?
Or, le Maroc, et c’est là un fait fondamental, est l’un des pays du monde qui offre les plus solides garanties à court, moyen et long terme, et ce, grâce aux phosphates.
Avec ce minerai, dont le prix ira sans cesse croissant, puisque le monde en aura de plus en plus besoin, alors que les pays pétroliers seront privés de leurs ressources essentielles, au plus tard avant un demi-siècle, le Maroc peut donc, dès à présent, se lancer non pas dans la politique de ses moyens actuels, mais de ceux de demain.
Abdelkader Benslimane, ministre des Finances, a défini quelques-unes des caractéristiques de cette politique nouvelle sur le plan intérieur : relèvement des salaires, politique budgétaire «plus sélective que restrictive», absence de l’encadrement du crédit, accélération de l’équipement.
Le ministre a souligné également un fait important, négatif celui-là : la réticence des milieux d’affaires à s’associer au mouvement général de l’expansion. «Les dépenses de l’État, a-t-il dit, constituent l’élément moteur et incitateur de l’activité économique».
Nous pensons que cette réticence n’est que provisoire. L’année 1974 a été celle de la marocanisation et les disponibilités existantes ont été utilisées pour mener à bien de nombreuses opérations, mais qui n’ont que très rarement débouché sur des investissements nouveaux.
Les étrangers, de leur côté, se sont tenus sur une réserve compréhensible, attendant de voir se décanter la situation. Enfin, et surtout, l’inflation et la hausse des matières premières ont tari les disponibilités des entreprises et réduit leurs possibilités d’investissements.
Dans cette conjoncture, et grâce surtout aux phosphates, l’État a pu développer un plan d’action qui a connu un essor remarquable. En l’espace de trois ans, dans le domaine de l’investissement, l’effort de l’État s’est trouvé multiplié par 2,8. L’ensemble des dépenses d’investissements prévues par le Plan 73-77 s’élevait en effet à 11,752 millions de dirhams.
La Loi de finances initiale pour 1974, en dégageant de nouveaux crédits, portait ce montant à 12,930 millions de dirhams.
La Vie Économique

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