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Archives LVE. 1973 , La sardine menacée par l’Amérique

Il y a 50 ans, les industriels de la conserve font face à une concurrence sérieuse de la production américaine. Une nouvelle menace pour le secteur.

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Les industriels marocains de la conserve de poissons sont inquiets : une nouvelle menace commence à poindre. Une concurrence nouvelle se dessine sur le marché de la conserve de sardine et elle risque d’être particulièrement redoutable si l’on ne prend pas dans les plus brefs délais les mesures qui s’imposent. Or, précisément, s’est tenue dernièrement à Bergen, en Norvège, une conférence qui a permis de faire le point sur toutes les difficultés qui nous attendent. À cette réunion, le Maroc était représenté par un délégué de l’OCE, organisme chargé de la commercialisation, et un délégué de l’Industrie de la conserve représentant donc les producteurs. Ces travaux, tenus sous l’égide de la FAO et de l’Organisation mondiale de la santé, sont ceux de l’établissement du Codex alimentaire qui vise à définir les caractéristiques et les qualités de tous les produits alimentaires de consommation courante. L’un des nombreux comités de cette organisation est donc strictement réservé aux produits de la pêche et une ou deux fois par an, une centaine d’experts se réunissent pour examiner les problèmes à l’ordre du jour. La sardine est l’un de ceux-ci. Il s’agit, à la demande du groupe Maroc, France, Portugal, Espagne, de définir les normes de la sardine, de savoir quel poisson peut être vendu sous cette appellation et de protéger ainsi la production de ces quatre pays contre l’industrie extrêmement active et puissante née ces dernières années en Amérique latine. Celle-ci, avec l’appui de capitaux nord-américains, utilise et vend sous la fausse dénomination de sardine des poissons qui ne répondent pas à ces normes, ni par leur morphologie, ni par leur goût, ni par leur qualité.
À la récente conférence de Bergen participaient les délégués de 34 pays, dans les domaines scientifique, technologique, économique et commercial, mais aussi des représentants des consommateurs et de grands organismes économiques, tels que la Communauté économique européenne.
Il est bien certain que tous les pays, et particulièrement les pays en voie de développement, ont pleinement conscience des possibilités des réserves halieutiques et des avantages que l’on peut en tirer pour relancer l’économie de pays qui, comme le Maroc, ont un rivage maritime très étendu. C’est précisément parce qu’ils ont conscience de ces richesses qu’ils veulent éviter d’en effectuer une exploitation anarchique et entraîner des résultats contraires à ceux recherchés. Le Codex est l’une des administrations pouvant permettre de les protéger. «Nous avons implanté sur les marchés mondiaux un produit «sardine» qui répond à des normes bien définies et est connu des consommateurs du monde entier sous cette forme et avec ses qualités, nous entendons donc protéger cette appellation», disent les représentants du groupe Maroc. La sardine est la Sardina Pilchardus Walbaum répertoriée scientifiquement d’une façon bien précise et correspondant au poisson que nous trouvons sur nos côtes.

La concurrence américaine
Pourtant, les Américains qui ont trouvé un poisson approchant (d’assez loin) et dont les qualités et la forme même sont différentes ont commencé à lancer sur leurs marchés ce poisson en lui donnant faussement le nom de sardine. «C’est donc, estiment à juste titre les Marocains, une escroquerie vis-à-vis du consommateur qui ne retrouve pas dans ces fabrications les produits qu’il connaît sous cette dénomination. Ce qui est évidemment très grave, c’est que les puissantes industries installées pour exploiter ces espèces obtiennent des prix de revient considérablement plus bas que ceux que nous pratiquons et risquent, si nous n’y prenons garde, de ruiner complètement notre industrie de la conserve dans un avenir proche. Grâce à leurs très grands moyens financiers, les Américains se sont équipés d’un matériel extrêmement moderne facilitant leur production. Ils investissent aussi des sommes très importantes pour lancer leur fabrication. Déjà, ils débordent du cadre américain pour pousser quelques pointes vers l’Europe, vers les pays qui constituent pour nous les marchés traditionnels. C’est donc par le biais de la classification des espèces que nous espérons freiner cette invasion et nous cherchons à obtenir, entre-temps, que le produit de nos concurrents ne soit plus vendu, comme il l’est actuellement sous une marque qu’il s’est injustement appropriée.»