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Archives LVE. 1973, Le Roi promeut le socialisme

Il y a 50 ans, la participation ouvrière à la gestion des usines et l’exploitation des terres récupérées… telles sont les bases d’un socialisme authentique marocain.

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A l’occasion de son anniversaire, S.M. Hassan II a prononcé une très importante allocution dans laquelle il a jeté les bases d’un socialisme authentique marocain.

Mais le Souverain n’entend pas engager un processus irréversible. Il s’agit tout d’abord de procéder à des expériences dans deux domaines particuliers où la situation est assez favorable pour permettre ces essais et c’est à la lumière obtenus que l’opération envisagée pourra être poursuivie plus intensément.

La première expérience sera entreprise avec deux sucreries, celle de Beni Mellal dans le Tadla et celle du Beth dans le Gharb. Ces deux usines ont été choisies parce qu’elles ont franchi le seuil de rentabilité et qu’après avoir réglé toutes les créances sont actuellement bénéficiaires. L’État mettra en répartition les 2/3 des actions de ces sociétés.
D’une part et pour la majorité, ces actions seront réparties entre les agriculteurs-fournisseurs de l’usine. L’autre partie sera versée à un fonds constitué par les ouvriers et employés, car il est apparu anormal de répartir les actions des sucreries aux seuls fournisseurs et non pas aux ouvriers.

Pourquoi un fonds? C’est que la main-d’œuvre industrielle n’est pas aussi stable que la paysannerie et on risquerait, en répartissant des actions individuellement, de voir des ouvriers quitter l’usine en emportant leurs actions.
Le Souverain n’a pas indiqué comment les agriculteurs paieraient leurs actions. Il a envisagé plusieurs systèmes de crédit sur 4 ans, prêt de CNCA ou règlement par des prélèvements sur les bénéfices.
L’État qui restera actionnaire pour 33% pourra ainsi participer à l’orientation de l’activité de l’usine, défendre les petits particuliers. «La comptabilité et la marche de l’usine, a précisé le Souverain, seront tenues et orientées suivant les procédures des sociétés privées avec leur conseil d’administration au sein duquel la discussion est totalement libre».
L’expérience tentée à Sidi Slimane et à Beni-Mellal, en créant un précédent, va peut-être inciter les syndicats à déclencher des actions pour la généralisation de ce système.
Ce danger n’a pas échappé à S.M. HassanII qui a lancé un appel à la classe ouvrière et aux organisations nationales, leur de- mandant de lui laisser entreprendre cette expérience dans les deux sucreries, car um excès de précipitation «risque de mener les ouvriers eux-mêmes à la catastrophe par la ruine des usines».
Il est indispensable, a poursuivi le Souverain, d’agir par étape afin d’éviter un échec. Le Souverain a d’ailleurs précisé que l’expérience, si elle s’avère concluante, sera étendue.
Ce sera l’État qui dira si une usine répond sans inconvénient aux conditions nécessaires pour que des ouvriers y participent, compte tenu de ses bénéfices, de sa comptabilité, de la qualité de ses actions, de son capital, de ses rapports avec les banques, du nombre de ses ouvriers, de son marché et de sa production. Mais l’État n’est pas disposé à agir sous la contrainte. Il est au contraire disposé à travailler et à préparer le cadre avant de demander aux ouvriers de bénéficier de cette préparation. «Tout cela constitue un premier chapitre de la relance sociale et économique que nous entendons promouvoir dans le cadre de l’édification du socialisme de notre pays.»
La deuxième expérience qui va être tentée mais sur une vaste échelle : la socialisation de la gestion des terres récupérées.
Cette gestion a posé depuis plusieurs années de difficiles problèmes au gouvernement. S.M. le Roi a reconnu avec franchise que le fait d’avoir confié cette gestion aux provinces a conduit dans certains cas à des catastrophes, l’association de l’administration et des particuliers incitant les uns et les autres à se couvrir mutuellement.
Le Souverain a donc décidé de procéder à une plus large décentralisation et c’est aux jemaa que sera confiée la gestion des terres récupérées. Les jemaa sont constituées, on le sait, par des assemblées désignées jadis dans le cadre des tribus. Ces jemaa sont analogues aux communes rurales actuelles. Il est possible que les conseils d’administration des terres récupérées soient désignés comme l’étaient autrefois les jemaa : «Il convient de préciser, a dit SM. le Roi, que nous n’allons pas nous baser sur les jemaa en tant que quantité géographique mais en tant que concept philosophique comme doctrine et comme moyen d’action.»