CAN 2023
Un unique titre, dont le souvenir commence à s’estomper dans les mémoires
Près d’un demi-siècle, l’objectif du Maroc est toujours de remporter une deuxième Coupe d’Afrique des Nations.

C’était en 1976, en Éthiopie, lors de sa deuxième participation à une phase finale de la CAN que le Maroc avait gagné le trophée. En Éthiopie, les Lions se retrouvent dans le groupe B, basé dans la ville de Dire Dawa, et héritent du Nigéria, du Soudan et du Zaïre, tenant du titre.
Les conditions de jeu, dictées en partie par l’altitude (1.276 m), obligent l’entraîneur des Lions à modifier ses plans. Le 4-3-3 était privilégié, il fallait s’habituer à l’altitude et donc jouer de manière différente. Il fallait gérer les efforts. Le Maroc parvient à se qualifier pour le tour final, réunissant également la Guinée, le Nigéria et l’Égypte. Après, on jouera une demi-finale en 1980, une autre en 1986 et une finale en 2004. Des faits qui semblent bien lointains en ce début de 2024, au moment même où la compétition commence à prendre de la vitesse en Côte d’Ivoire. A cette occasion, plusieurs protagonistes de la CAN 1976 et celle de 1986, ainsi que la CAN 2004, la dernière fois où les Lions de l’Atlas avaient joué une finale continentale, livrent leurs impressions sur le passé comme sur le présent. Ils donnent leur avis sur la sélection nationale actuelle avec ses stars et ses énormes moyens.
ÉTHIOPIE 1976
«L’auteur du but qui donna la Coupe au Maroc à Addis Abeba» BABA
Comment était l’ambiance avant le début de la compétition ?
Avant le déplacement vers l’Éthiopie, nous étions d’abord allés en Arabie saoudite pour une concentration dans un camp d’entraînement. Après, on arrivait à Dire Dawa où nous avions pu dépasser nos adversaires grâce à une équipe très forte et un sélectionneur national d’une grande trempe, à savoir le Colonel Mehdi Belmejdoub qui était d’une aide très précieuse pour l’entraîneur des Lions de l’Atlas, le Roumain Mardarescu.
Et la finale contre la Guinée, comment vous la décriviez-vous ?
Un grand match qui allait devenir plus compliqué lorsque Smatt, notre défenseur, écopa d’un carton rouge en première mi-temps. Surtout que la Guinée a pu marquer un but, ce qui signifiait notre élimination. Mais nous avons résisté et nous avons lutté de toutes nos forces même avec une infériorité numérique, jusqu’au moment où j’insistais sur notre capitaine Ahmed Faras pour me passer une balle au milieu du terrain. J’ai frappé avec une force que je soupçonnais en moi, et ce fut le but de l’égalisation qui nous offrira le premier trophée, sachant que la CAN à cette époque se jouait sous forme de mini-championnat. Jamais je n’ai oublié ce but qui a complètement changé ma vie et celle des héros qui ont réalisé cet exploit.
Quelles sont les chances de l’équipe nationale actuelle en CAN de la Côte d’Ivoire ?
Je peux dire que les choses ont beaucoup changé depuis 1976, de mieux en mieux. Des joueurs professionnels de haut niveau, une bonne présence de la FRMF à tous les niveaux et bien d’autres avantages dont notre génération ne pouvait même pas rêver. Je pense que cette équipe de Walid Regragui, avec les grands moyens mis à sa disposition, et malgré les difficultés, peut remporter cette Coupe. Le Maroc est devenu un leader du football africain, notamment après avoir joué la demi-finale du Mondial 2022 au Qatar. Ce qui veut dire que le Maroc est la quatrième équipe au monde jusqu’à 2026.
NIGÉRIA 1980
L’amertume d’Aziz Bouderbala, virtuose du ballon : «On nous a privés d’un sacre hautement mérité»
Parlez-nous de l’atmosphère avant le début de la compétition…
Il y avait une très bonne ambiance, surtout que nous étions déjà qualifiés pour la Coupe du monde de cette même année au détriment du pays organisateur de la CAN. Le Maroc avait effectivement éliminé les Pharaons (0-0 au Caire, 2-0 à Casablanca, buts de Timoumi et Bouderbala).
La même Égypte que vous alliez rencontrer en demi-finale de cette CAN 1986 ?
Tout à fait. Nous étions parfaitement conscients de ce qui nous attendait et nous prévoyions les manigances habituelles des Égyptiens pour déstabiliser leurs adversaires, en plus de leur grande influence sur la CAF de l’époque. Avant ce match, la star des Pharaons, Tahar Abouzayd, avait écopé de deux cartons jaunes, et devait, logiquement, être suspendu pour le match suivant.
Mais la pression des Égyptiens a surpassé les lois, et Abouzayd joue la demi-finale, devant la stupéfaction générale des médias internationaux. D’ailleurs, c’est le même joueur qui allait marquer – directement – un coup franc indirect et le but fut approuvé par l’arbitre. Malgré nos fortes protestations, c’était ça l’arbitrage en Afrique en ces temps-là.
D’après vous, quelles sont les chances des poulains de Walid Regragui en Côte d’Ivoire ?
Sérieusement, la sélection marocaine a de grandes chances, parce que c’est une équipe solide et homogène. Le monde entier respecte cette équipe après son grand exploit au Mondial du Qatar 2022. En plus, Walid Regragui connaît parfaitement tous ses adversaires et je pense qu’il est assez motivé pour réaliser le rêve des Marocains.
ÉGYPTE 1986
L’amertume d’Aziz Bouderbala, virtuose du ballon : «On nous a privés d’un sacre hautement mérité»
Parlez-nous de l’atmosphère avant le début de la compétition…
Il y avait une très bonne ambiance, surtout que nous étions déjà qualifiés pour la Coupe du monde de cette même année au détriment du pays organisateur de la CAN. Le Maroc avait effectivement éliminé les Pharaons (0-0 au Caire, 2-0 à Casablanca, buts de Timoumi et Bouderbala).
La même Égypte que vous alliez rencontrer en demi-finale de cette CAN 1986 ?
Tout à fait. Nous étions parfaitement conscients de ce qui nous attendait et nous prévoyions les manigances habituelles des Égyptiens pour déstabiliser leurs adversaires, en plus de leur grande influence sur la CAF de l’époque. Avant ce match, la star des Pharaons, Tahar Abouzayd, avait écopé de deux cartons jaunes, et devait, logiquement, être suspendu pour le match suivant.
Mais la pression des Égyptiens a surpassé les lois, et Abouzayd joue la demi-finale, devant la stupéfaction générale des médias internationaux. D’ailleurs, c’est le même joueur qui allait marquer – directement – un coup franc indirect et le but fut approuvé par l’arbitre. Malgré nos fortes protestations, c’était ça l’arbitrage en Afrique en ces temps-là.
D’après vous, quelles sont les chances des poulains de Walid Regragui en Côte d’Ivoire ?
Sérieusement, la sélection marocaine a de grandes chances, parce que c’est une équipe solide et homogène. Le monde entier respecte cette équipe après son grand exploit au Mondial du Qatar 2022. En plus, Walid Regragui connaît parfaitement tous ses adversaires et je pense qu’il est assez motivé pour réaliser le rêve des Marocains.
MAROC 1988
Merry Krimau, le buteur des Lions : «L’arbitre mauricien nous a trucidés»
Comment avez-vous vécu l’avant-compétition ?
Tout allait pour le mieux dans la perspective de réaliser un deuxième sacre, surtout que la compétition se jouait chez nous. Malheureusement, il y a eu des imprévus qui ont contré notre volonté. Quelques dizaines de jours seulement avant le début de la CAN, Aziz Bouderbala et Mustapha El Haddaoui avaient subi une intervention chirurgicale à cause d’une pubalgie… Mais tous les deux, ils avaient insisté pour jouer tout de même pour soutenir leurs coéquipiers. En plus, à cette époque, les joueurs professionnels avaient toujours des complications avec leur équipe qui refusait de les libérer pour la CAN. Plusieurs joueurs avaient des problèmes dans ce sens, comme Zaki, El Haddaoui et d’autres.
Quid de cette fameuse demi-finale contre le Cameroun ?
L’équipe du Cameroun était parmi les meilleures sur le continent à cette date, avec de grands noms comme Roger Milla, Thomas N’Kono et plusieurs autres stars de grandes équipes européennes. Nous étions bien préparés pour les éliminer, mais l’arbitre mauricien nous a littéralement trucidés, omettant de siffler des dizaines de fautes flagrantes et des interventions violentes des Camerounais contre les joueurs marocains. Ils méritaient au moins deux cartons rouges lors de cette rencontre. Tout le monde se souvient de ce coup de tête d’un joueur camerounais contre Hassan Mouhid qui a perdu connaissance et fut immédiatement transporté à l’hôpital. L’arbitre n’avait même pas tiqué, ou presque. C’est dans ces circonstances que nous avons perdu ce match par un but à zéro.
Que pensez-vous des Lions actuels ?
Aucune crainte de ce côté. Notre équipe nationale dispose d’un vaste réservoir de joueurs tous plus performants les uns que les autres. Ils ont assez d’expérience pour devancer tous leurs adversaires et un coach de haut niveau, très intelligent, en la personne de Walid Regragui, qui connaît bien tous ses adversaires et qui a tissé des liens très solides avec les joueurs.
TUNISIE 2004
Badou Zaki, le superviseur de l’épopée de Carthage : «On était trop près du sacre, mais…»
Quel était l’état d’esprit avant le début de la CAN ?
En toute franchise, ça n’allait pas du tout. Personne ne donnait cher de sa peau malheureusement, et on ne s’attendait pas à ce que nous atteignions la finale. Il y en avait même qui disaient que l’avion qui nous a emmenés à Tunis devait rester prêt à nous rapatrier juste après le premier tour.
Certains dirigeants acceptaient sans ciller toutes les demandes des joueurs en cas d’atteinte de la demi-finale, promettant monts et merveilles, tellement ils étaient convaincus qu’on n’y arriverait jamais. Mais en fin de compte, ce manque de confiance de la part des dirigeants nous a vraiment motivés.
Parlez-nous de la finale contre le pays organisateur…
On a joué contre la Tunisie qui a tout fait pour nous provoquer et nous déstabiliser. Pire, comme par hasard, la veille de la finale, une grande fête de mariage a été organisée précisément dans l’hôtel où nous résidons. Tout cela pour affecter le moral des joueurs qui furent effectivement perturbés notamment par l’envahissement de dizaines de responsables de l’hôtel avec des membres de leurs familles pour prendre des photos avec les joueurs, quelque temps seulement avant le coup d’envoi. S’ajoute à cela la présence au stade de l’ex-président tunisien qui a augmenté la pression et transformé le match de la finale en une bataille accentuée par l’arbitre qui n’avait pas d’autre solution que d’«offrir» la Coupe aux Tunisiens.
Comment voyez-vous la présence des Lions de l’Atlas cette année en Côte d’Ivoire ?
Il est vrai qu’il y a des sélections de grand niveau dans cette CAN, comme le Sénégal tenant du titre, la Côte d’Ivoire, l’Égypte ou le Ghana, mais je pense que le Maroc est celui qui a le plus de chances de remporter la Coupe de cette édition. En tant que joueur et capitaine de l’équipe nationale ayant joué la demi-finale trois fois, et une finale en étant entraîneur, je pense que Walid Regragui, qui a joué cette finale en Tunisie en tant que joueur, va la gagner cette fois qu’il est coach des Lions. J’espère qu’il va remporter cette coupe, c’est un cadre national hautement compétent. Et bonne chance aux Lions.
