Pouvoirs
Divorce et don de consolation
Je souffre chaque jour en raison des mauvaises relations avec mon mari. Je voudrais divorcer mais j’ai peur de la privation du don de consolation si je demande le divorce pour discorde. Pourtant ma décision est réellement motivée par les sévices corporels que je subis chaque nuit, lorsque mon mari rentre ivre mort. Ma question est de savoir ce que prévoit la loi par rapport à ce don de consolation ? Est-ce qu’il est dit littéralement que si la femme demande le divorce pour discorde, elle perd son droit à cette indemnité ?
Non, il n’est nullement dit dans le code de la famille que la femme perd son droit à l’indemnité de consolation si elle demande le divorce pour discorde. L’article 84 du code de la famille qui reconnaît le don de consolation à la femme et uniquement à la femme dispose : «Les droits dus à l’épouse comportent le reliquat du «sadaq», le cas échéant la pension de la retraite de viduité (idda) et le don de consolation (mout’â) qui sera évalué en prenant en considération la durée du mariage, la situation financière de l’époux, les motifs du divorce et le degré d’abus avéré au recours au divorce par l’époux.
Durant la retraite de viduité (idda), l’épouse réside dans le domicile conjugal ou, en cas de nécessité, dans un logement qui lui convient et en fonction de la situation financière de l’époux. A défaut, le tribunal fixe le montant des frais de logement qui sera également consigné au secrétariat-greffe du tribunal au même titre que les autres droits dus à l’épouse».
Ceci étant, le législateur vous reconnaît le droit à ce don de consolation lorsque vous demandez le divorce. Pour apprécier le montant de cette indemnité, il a mis en place quatre critères et à titre cumulatif pour permettre au juge de le fixer dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.
C’est en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de votre époux, des motifs de votre demande de divorce et du degré d’abus qui vous est imputable ou imputable au mari.
Par ailleurs, l’article 97 du code de la famille rajoute un autre critère qui entre en ligne de compte pour déterminer le don de consolation, c’est la responsabilité de chacun dans les causes du divorce, et ce, à même d’apprécier le préjudice subi par la partie lésée, ce qui nous renvoie au champ de la responsabilité civile, avec ses trois éléments constitutifs, à savoir la faute, le préjudice et le lien de causalité.
Ainsi, pour que vous soyez totalement privée de votre indemnité de consolation, il faut que la période de mariage soit très courte, voire inexistante, que votre époux n’ait pas les moyens financiers pour supporter ce don, et que votre demande de divorce soit manifestement abusive.
A défaut, le tribunal, s’il veut faire une application saine de ces dispositions, et surtout en prenant en considération les sévices dont vous avez été victime, avec preuves à l’appui, et en revenant également à l’esprit du code de la famille et l’équilibre recherché, à travers ce droit, de permettre à la femme de demander le divorce pour discorde sans avoir à prouver quoi que ce soit, va certainement et sans doute vous accorder cette indemnité dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose.
D’ailleurs, c’est généralement l’orientation de la majorité des tribunaux compétents au Maroc, qu’ils soient du premier degré ou du second degré, à moins que la Cour de cassation n’ait rendu un arrêt contraire à cette orientation.