Pouvoirs
Cliniques privées : le chèque de garantie est-il légal ?
Mon épouse devait être hospitalisée en urgence dans une clinique privée. Mais pour qu’elle soit admise, on m’avait signifié qu’il fallait déposer un chèque de garantie d’un montant de 20 000 DH, non daté, non barré et au porteur. J’ai été choqué, mais je ne pouvais pas refuser parce que sa vie était en danger. Ma question est de savoir si cette clinique a le droit d’exiger ce chèque avec toutes ces conditions.
Il s’agit d’une pratique illégale et contraire aux règles déontologiques de la profession que d’exiger un chèque de garantie, lors de l’admission dans une clinique ou tout autre établissement hospitalier.
Un chèque de garantie est un chèque qui ne sera pas présenté immédiatement à l’encaissement, ce qui est contraire au principe général des chèques à savoir que le chèque est payable à vue, c’est-à-dire quelle que soit la date de son émission le chèque est payable le jour de sa présentation entre les mains du tiré.
Cette pratique est courante et s’explique essentiellement par les difficultés que rencontrent les cliniques, et elles ne sont pas les seules à recouvrer leurs créances après fourniture de la prestation ou des soins. Parfois, les personnes qui ont déjà bénéficié de services sont même insolvables.
Le législateur est clair sur le chèque de garantie. Le code de commerce dans son article 316 punit d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 2000 à 10 000 DH, sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque, toute personne qui, en connaissance de cause, accepte de recevoir ou d’endosser un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie.
Cette clinique n’a pas seulement accepté un chèque remis en garantie, mais c’est elle-même qui l’a exigé. Du coup, elle se retrouve légalement passible de la sanction prévue par l’article cité ci-dessus.
Néanmoins, votre chèque n’est pas daté, et par conséquent, il vous sera difficile, voire impossible, de prouver qu’il sert de garantie car il peut être encaissé à tout moment ; la date de son émission peut être inscrite par le bénéficiaire au moment de l’encaissement.
Devant cette situation, je vous conseille tout d’abord de saisir le responsable de la clinique et lui faire part de votre refus de cette pratique.
A défaut, et s’il vous était donné d’agir en amont, vous pourriez faire constater par un huissier de justice les circonstances et les conditions de remise de ce chèque en garantie. Il est aussi possible de s’appuyer sur le témoignage de personnes qui ont assisté ou étaient présentes au moment où la clinique a demandé ce chèque comme une condition d’admission pour hospitalisation.
Muni du PV de l’huissier ou des témoignages, vous pourriez déposer une plainte auprès du procureur du Roi qui, certainement, après étude du dossier, déclenchera la procédure si les conditions requises sont réunies.
