Culture
Jazzablanca 2025 : Seu Jorge, samba de feu et nuit électrisée
Sur la Scène Casa Anfa, Seu Jorge gratte sa guitare et balance sa voix rauque comme une caresse sur l’asphalte brûlant de Rio. Samba, soul, pop : le carioca jongle, magnétique, et transforme Anfa Park en une favela festive. Quelques heures plus tard, il s’assied, sourire en coin, prêt à parler. Rencontre avec un griot moderne qui fait danser les âmes et chanter les cœurs.

Casablanca s’est laissée emporter, ce vendredi 4 juillet, par la vague chaleureuse de Seu Jorge. Le carioca, avec sa voix rauque et son charisme magnétique, a transformé la Scène Casa Anfa en un coin de Copacabana. Quelques heures après son show, gorgé de samba-soul et de groove pop, l’homme s’assied pour une interview, encore porté par l’énergie du public. Entre deux gorgées de Coca-Cola, il lâche un sourire complice, comme s’il partageait un secret avec l’univers.
Né en 1970 à Belford Roxo, banlieue industrielle de Rio, Jorge Mário da Silva, alias Seu Jorge, a grandi loin des clichés de plages dorées. La précarité est son décor d’enfance, et la musique son salut. «J’ai appris la vie dans la rue, et la guitare m’a donné une voix», confie-t-il, les yeux pétillants.
C’est avec Farofa Carioca, groupe de samba-funk déjanté, qu’il a fait ses premières armes dans les années 90. Puis vient la carrière solo, marquée par des albums qui claquent comme des classiques : Cru (2004), América Brasil (2007), Música para Churrasco (2011). Chaque disque est une déclaration d’amour à la culture brésilienne, un mélange de samba, de bossa-nova et de pop qui fait vibrer les hanches et les tripes.
Mais Seu Jorge, c’est aussi un ovni qui transcende les frontières. Le grand public le découvre au cinéma, dans City of God (2002), où il incarne un voyou tragique avec une intensité rare. Puis Wes Anderson lui offre une vitrine mondiale dans The Life Aquatic with Steve Zissou (2004), où ses reprises acoustiques de David Bowie en portugais – Rebel Rebel, Starman – deviennent cultes. «Bowie, c’était un génie. Reprendre ses chansons, c’était comme toucher les étoiles», dit-il, avec une humilité qui désarme.
Une soirée électrique à Casablanca
Ce soir-là, à Anfa Park, Seu Jorge ne joue pas : il incendie. Dès les premières notes de Burguesinha, le public est debout, chaloupant sur des rythmes qui sentent la plage et la caïpirinha.
Sa voix, tantôt suave, tantôt rugueuse, porte des textes qui parlent d’amour, de lutte et de résilience. Entre deux morceaux, il plaisante avec la foule, taquine son guitariste, improvise un clin d’œil à la sono locale. «Casa, vous êtes chauds ce soir !», lance-t-il, déclenchant une ovation.
Kool & The Gang suivront, mais Seu Jorge a déjà mis le feu. Dans l’interview, il évoque cette connexion viscérale avec le public. «Chaque concert est une conversation. Je donne, ils me rendent. Ce soir, c’était magique». Il parle aussi de son lien avec le Maroc, où il sent «une énergie proche de celle du Nordeste brésilien, une chaleur humaine brute». Casablanca, ville de contrastes, lui va comme un gant.
À 55 ans, Seu Jorge reste un passeur de cultures. Ambassadeur du Brésil, il porte haut les couleurs d’un pays complexe, loin des cartes postales : «La musique, c’est ma façon de raconter qui on est, nous les Brésiliens. On rit, on pleure, on lutte, mais on danse toujours».
En quittant la loge, il serre des mains, rigole avec l’équipe, toujours accessible. À Anfa Park, la nuit s’étire, portée par l’écho de ses mélodies. Seu Jorge est un griot moderne, un storyteller qui fait chanter les cœurs et danser les âmes. Casablanca s’en souviendra longtemps.
