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Archives LVE. 1994, Soros-ONA, locomotives d’une émergence
Il y a 30 ans, le séjour de George Soros au Maroc et la prise de participation de son Fonds dans le capital de l’ONA ont fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel financier marocain.
Ce que quelques personnes bien informées savaient depuis plusieurs semaines mais dont on ne pouvait faire état pour des raisons bien compréhensibles, est désormais officiel. Mardi, après-midi, une dépêche de l’AFP précisait que George Soros, le «gourou» de la haute finance internationale, était à Marrakech et que son fonds, le «Quantum Emerging Fund», prenait une participation dans le capital de l’ONA, premier groupe privé marocain, ainsi que dans sa holding financière Diwan. Cela, d’ailleurs, était confirmé par le volume des transactions boursières de cette semaine durant laquelle 1.235.000 actions Diwan ont été échangées au cours de 159 dirhams l’action. La veille déjà, tout le landerneau économico-financier bruissait de rumeurs et de commentaires sur la présence du financier américain d’origine hongroise, puisqu’à Marrakech il avait eu plusieurs entretiens avec des personnalités marocaines, officielles ou non, en marge de la tenue du conseil d’administration du «Soros Fund Management» qui est la structure mère du groupe financier qu’il anime depuis 1969. Comme devait l’indiquer un communiqué de presse de l’ONA le lendemain, c’est une participation de plus de quarante millions de dollars qu’exprime ainsi l’intérêt de Soros pour le groupe que dirige Fouad Filali.
Soros, bien entendu, n’est pas le premier venu dans le monde très fermé de la haute finance internationale. Fondateur en 1969 du «Quantum Emerging Fund» qui réalise depuis un rendement supérieur à 35% par an, l’américano-hongrois «pèse» plusieurs milliards de dollars, puisque le «Soros Fund Management» gère plus de onze milliards de dollars de fonds en actions, titres de créances, etc. Ses interventions sur les marchés intermédiaires sont célèbres et il peut, comme l’a fait remarquer l’un des spécialistes financiers marocains les plus avisés, «gagner autant d’argent qu’il peut en perdre», et lui-même, selon la presse internationale, aurait reconnu avoir perdu 600 millions de dollars en spéculant dernièrement sur le yen. Les Français, pour leur part, ne le portent pas trop dans leur cœur, l’accusant d’avoir été l’un des principaux animateurs de la violente offensive qui avait fait vaciller le Franc l’an dernier. Quoi qu’il en soit, Soros n’est pas n’importe qui et ses bénéfices nets en 1993 étaient de 4 milliards de dollars! Comme a pu le faire remarquer une personnalité marocaine de la finance qui a rencontré plusieurs fois à Marrakech Soros, aux côtés notamment de Fouad Filali, PDG de l’ONA, Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances, Abderahmane Saïdi, ministre délégué auprès du Premier ministre, en charge de la privatisation, Saâd Kettani, vice-président de la Sopar, Amin Alami, de CFG, et beaucoup d’autres, le financier américain est une véritable «locomotive», un catalyseur, un homme dont la présence constitue un incitatif puissant pour les groupes financiers internationaux à l’affût d’opportunités d’investissement là où cela peut s’avérer rentable. Car, et c’est là toute la nuance, Soros, en achetant 2% des actions de l’ONA et 15% de Diwan, ne réalise pas une opération à court terme ou à caractère purement spéculatif, avec toutes les implications de volatilité des fonds que cela peut supposer. Le Fonds Soros achète des actions de l’ONA, parce que le financier international, convaincu sans doute par Fouad Filali, mise sur le développement de l’économie marocaine, son ouverture, son expansion et sa croissance. Le phénomène est en soi particulièrement significatif, traduisant le réel intérêt que les milieux financiers internationaux portent enfin au Maroc et à sa politique d’incitation à l’investissement étranger. C’est donc un clignotant particulièrement puissant qui s’est ainsi mis à émettre et cela devrait dans les prochaines semaines amener d’autres fonds d’investissement et de participation à s’intéresser aux opportunités marocaines actuelles, soit par le biais des opérations de privatisation, soit par celui d’achat d’actions d’entreprises qui ne manqueront pas d’être introduites en Bourse. Parce que le Maroc a réussi à retrouver la confiance des milieux financiers internationaux, au prix d’un Programme d’ajustement structurel qui n’a pas fait que des heureux d’ailleurs, il paraît quasiment acquis aujourd’hui qu’il est en voie de constituer ce que l’on appelle un marché financier en émergence. L’«emerging market» a comme spécificité principale d’offrir de hauts rendements aux placements qu’il accueille, contrairement à ceux des marchés aussi anciens que prestigieux comme ceux de New York, Londres, Paris ou Francfort.