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Archives LVE. 1933, le tourisme peine à décoller à Casa

Il y a 90 ans, 2.000 touristes se rendaient, en moyenne, par jour au Maroc. Chacun y laissait 100 francs de dépenses.

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Nous avons tous été frappés de l’affluence des touristes au printemps. Si nous avions un service des statistiques organisé, nous connaîtrions déjà leur nombre exact, leur nationalité, nous saurions à peu près l’argent qu’ils ont laissé, nous pourrions faire des calculs pour l’année prochaine. Espérons, sans trop y compter, que le Maroc saura mettre sur pied cette organisation qui lui manque : à tous les pays évolués, les statistiques sont utiles, elles le sont plus que jamais en période de crise, car les liens se resserrent entre les entreprises, entre le pays et les particuliers, on se sent solidaire des autres et de la situation générale, on veut et doit connaître celle-ci afin de déterminer les chances de succès ou les risques d’échecs que l’on court.

N’ayant pas de renseignements officiels sur le mouvement du tourisme à Casablanca pendant la saison qui se termine, nous sommes allés voir quelques hôteliers de la place et les avons interrogés.
Le tourisme en 1933 a profité à quelques hôtels : les grands hôtels, non seulement plus confortables que les autres, mais munis de restaurants. En effet, les plus forts contingents de touristes ont été fournis par les agences de voyages qui, pour ne pas disperser leurs caravanes, les font descendre dans les hôtels dont les chambres sont nombreuses et qui offrent en même temps le coucher et la nourriture. Les petits hôtels, ceux qui n’ont pas de restaurant et dont le nombre de chambres est une vingtaine ont reçu quelques touristes isolés et le trop-plein des grands hôtels. Plusieurs hôteliers nous ont affirmé ne pas avoir fait plus de 1.000 à 1.500 fr. de recettes supplémentaires au mois d’avril, ce qui est peu et ne suffit pas à rétablir l’équilibre de leur budget assez compromis par la crise.

Les grands hôtels sont tous d’accord sur un point : le mouvement touristique en avril et pendant la première quinzaine de mai a été sensiblement supérieur à ce qu’il était l’année précédente et surtout les mois précédents de cette année. Il avait malheureusement le tort de venir après des mois très creux.

Un hôtel qui possède une centaine de chambres et restaurant a reçu 500 touristes au mois d’avril ; ils sont restés en moyenne deux jours et lui ont procuré une recette supplémentaire de 30.000 francs: il se hâte d’ajouter qu’en mars 1933, il a fait une recette inférieure d’environ 30.000 à celle de mars 1932.(…).
Si le tourisme à Casablanca a été moins intéressant cette année que les précédentes jusqu’en avril et mai, ce mois et demi, sans permettre aux hôteliers de faire une année brillante, a rétabli l’équilibre. Ce qu’ils réclament presque tous c’est des organisateurs de voyages un plus long séjour à Casablanca.

Ils regrettent qu’on laisse les touristes quelques heures à peine à Casablanca, qu’on les emmène immédiatement déjeuner à Rabat et ailleurs et qu’au lieu de leur faire visiter les endroits intéressants de notre ville, on se contente de leur faire un petit tour à Bousbir et de les envoyer dans une autre direction.

Il ne nous était pas possible de ne pas demander l’avis des compagnies de voyages. Nous avons vu la plus importante. Son champ d’action dépasse Casablanca et s’étend au Maroc tout entier. Si, nous a-t-elle dit, les touristes ne restent pas plus longtemps à Casablanca c’est qu’ils préfèrent aller le plus rapidement possible sur les grandes villes indigènes du Nord ou du Sud: «Toutefois, nous nous gardons de les expédier contre leur gré, en dehors de Casablanca, c’est ainsi que dernièrement sur une caravane organisée par nous, 169 voyageurs sont allés à Rabat, mais 91 sont restés à Casa. J’estime que le tourisme a fait entrer au Maroc, Tanger comprise, cette année, de 50 à 60 millions; le Maroc a eu tous les jours dans les 2.000 touristes, chacun d’eux laisse aux hôtels, restaurants et compagnies de transports, au moins 100 fr. par jour, ce qui fait 6.000.000 par mois et dans l’année au moins 50.000.000, sans compter ce que reçoivent les cafés et les commerçants avec lesquels nous ne sommes pas en rapport.»

Evidemment, ces chiffres sont assez approximatifs, nous ne pouvons les contrôler, nous croyons qu’ils correspondent à la réalité : les commerçants que nous avons interrogés n’avaient aucun intérêt à faire du bluff.