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Archives LVE. 1993, Le SOS des entreprises

Il y a 30 ans, les taux d’intérêts dépassaient 18%. Est-ce normal dans un pays en bonne santé macro-économique ? Tout va néanmoins changer.

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Dans l’attente des résultats définitifs officiels enregistrés au cours de l’année 1992 – résultats qui tardent à être publiés -, l’économie se débat dans des difficultés croissantes.

Pourtant, les indicateurs macro-économiques sont satisfaisants et bien que revus en légère baisse, ils soulignent la vigoureuse santé du pays. Oui, mais si au ministère des Finances on affiche la calme sérénité que confère le sentiment du devoir accompli, il en va tout autrement dans l’ensemble du secteur privé, à quelques rares exceptions près.
On a rarement entendu un tel concert de lamentations d’autant plus véhémentes que l’État – il le laisse entendre – est en mesure d’apporter notamment aux industriels les moyens de surmonter une crise qui tient essentiellement aux difficultés de trésorerie des entreprises.
Certes, plusieurs secteurs d’activité connaissent des difficultés pour des raisons qui leur sont propres. Ces difficultés ont évidemment tendance à faire tache d’huile. Mais le mal qui gangrène l’ensemble de l’économie reste, depuis le début de 1992, cette absence de trésorerie qui, comme le Sida, s’étend inexorablement, les défaillances des débiteurs entraînent celles des créanciers. Des mesures ont été prises pour accélérer la circulation de l’argent.

Le Trésor a procédé à des règlements plus rapides, encore qu’il reste de nombreux paiements bloqués dans les rouages administratifs. Mais cela n’a pas suffi.

La flambée de 1991
Pourquoi cette crise ? Du côté du ministère des Finances, on dénonce la sous-capitalisation de la plupart des entreprises, l’utilisation des fonds propres à des opérations qui le sont beaucoup moins, la spéculation…
En fait, tout a été déclenché par le tour de vis donné au crédit après la flambée enregistrée en 1991, flambée qui a fait bondir les experts internationaux qui suivent avec attention le redressement du Maroc.
Pour eux, cette augmentation inconsidérée des crédits mettait en danger l’ensemble du redressement en ouvrant à deux battants les portes à l’inflation.
Ce danger aujourd’hui semble écarté, puisque le taux d’inflation prévu pour 1993 pourrait être de 4% contre 4,9% en 1992.
Certes, conformément au vœu du FMI, le crédit a été désencadré mais, conformément aussi à ses recommandations, il a été assorti de conditions tel qu’il est de plus en plus inaccessible et le taux TTC de 18,4 % est délirant.
Comment en effet investir à un taux pareil ?
Prenons le cas par exemple de l’industrie hôtelière où le nombre de lits est en train de stagner, alors que son augmentation est la condition première du développement touristique. Comment voulez-vous que des financiers se lancent dans une telle aventure en payant le terrain 1.000 DH le m2 dans les meilleurs cas et en empruntant à des taux d’intérêts usuraires?
Nous avons ici même (LVE du 24 juillet 1992) lancé des cris d’alarme pour souligner la nécessité de mesures propres à soutenir les entreprises en difficulté, non pas du fait d’une gestion aventureuse, mais des arriérés grandissants de paiement. Mais à l’époque, la priorité restait macroéconomique et il fallait tordre le cou aux poussées inflationnistes. Mais sans pour autant tordre le cou aux entreprises. On pensait que les choses allaient s’améliorer au début de l’année 1993, mais l’instauration à compter du 1er janvier du Ratio Cooke, c’est-à-dire un coefficient minimum de solvabilité et un coefficient maximum de division des risques, a contraint les banques à respecter en permanence un rapport minimum de 8% entre leurs fonds propres et leurs engagements. Quant au coefficient de division des risques, il impose aux banques un rapport de 7% au plus entre l’ensemble des risques encourus sur un même bénéficiaire et leurs fonds propres nets (…).

La CGEM lors de son entrevue avec M. Mossadeq, directrice de l’Industrie, n’y est pas allée, par quatre chemins. C’est un véritable SOS qu’elle a lancé et dans l’extrême sensibilité qui est aujourd’hui la sienne, elle demande que tout soit fait pour ne pas aggraver sa situation, et, par exemple, qu’une pause soit observée dans le désarmement tarifaire (…).