Idées
Y-a-t-il un planificateur au ministère de la justice ?
bientôt le Grand Théâtre ouvrira ses portes, flambant neuf, pendant, qu’en face, le tribunal n’en finit pas de panser ses plaies. Sans oublier de préciser, histoire de brouiller définitivement les pistes, que le Tribunal de première instance (oui celui qui jouxte la Wilaya), fait accessoirement aussi office de …Cour d’appel sociale : tout dépend par quelle porte on entre !

C’est donc la nouvelle année. Le pays attend toujours la formation d’un nouveau gouvernement, et c’est avec curiosité que l’on attend de savoir à qui sera dévolu le ministère de la justice. Quelle que soit la personnalité qui héritera de ce ministère régalien, à Casablanca, on espère aussi qu’il se penchera sur les problèmes que connaît le Tribunal de première instance de la ville. Rappelons pour mémoire que c’est le plus grand tribunal du pays, et que des milliers de dossiers y sont traités chaque année. Les fonctionnaires y sont nombreux, les professionnels du droit aussi, les plaideurs affluent en masse…et l’on remarque même parfois quelques touristes, qui essayent de comprendre à quoi correspond cette immense bâtisse à l’architecture originale qui attire l’attention. Ce tribunal est devenu, il faut bien l’admettre, obsolète par rapport au développement qu’a connu la cité blanche. Conçu au début du siècle dernier, par la volonté du Maréchal Lyautey, il ne correspond plus aux normes auxquelles devrait être soumis un bâtiment administratif recevant du public.
Commençons par son accessibilité, et l’on remarquera immédiatement que l’escalier d’apparat donnant sur la grande place est fort joli mais représente un écueil de taille pour les justiciables souffrant d’un handicap, les malades ou les personnes âgées. L’accès au tribunal devient alors un parcours du combattant, mais pas que l’accès. On constate en effet que le tribunal est parsemé de marches, d’escaliers, de niveaux différents, et les bureaux principaux, ceux du greffe, par exemple, ou les bureaux des magistrats sont toujours situés dans les étages supérieurs. Il n’y a évidemment pas d’ascenseurs, et les couloirs ou escaliers desservant ces étages sont exigus, mal conçus, ce qui génère souvent des «embouteillages» de piétons, obligés de suivre le rythme du fonctionnaire qui monte, lesté de près de deux cent kilos de dossiers! Outre l’accessibilité, il faut également étudier la fonctionnalité des salles d’audience. Ce tribunal est aujourd’hui un tribunal civil, qui traite en particulier les dossiers de cette branche. Donc, peu de commercial, pas de pénal du tout, et pas d’affaires de statut personnel. Il est donc rare que le public se déplace en masse, et les audiences ont lieu le plus souvent dans des salles relativement grandes, devant un public plus que clairsemé…alors que dans d’autres tribunaux où l’affluence des citoyens est importante, (comme dans le domaine pénal), les salles exiguës ne peuvent contenir toute la foule qui se presse quasiment à chaque audience.
Y-a-t-il un planificateur au ministère de la justice, qui visiterait régulièrement les tribunaux pour relever ce genre d’anomalies ? Il devrait alors remarquer que le long des murs de ce tribunal des milliers de mètres de câbles sortent de tous les côtés. Car il a bien fallu que cette administration évolue au fil du temps, et en parallèle avec le progrès. Il a donc fallu équiper la bâtisse de prises pour les ordinateurs d’audience, de fiches multiples pour les connexions Internet…sans oublier la climatisation et le chauffage. Car ce n’est que vers la fin des années 2010 que les responsables ont admis que les climats au Maroc n’étaient pas si anodins que ça. Lyautey, toujours lui, avait constaté que «le Maroc est un pays froid…où le soleil est chaud», remarque pas si banale que ça. Et donc pour réaliser ces importantes améliorations, de grands travaux ont été entrepris, mais sans aucune coordination. Là où ces travaux auraient pris quelques mois, à Casablanca cela a nécessité des années: une fois c’est le ravalement des peintures, une autre fois c’est la sonorisation des salles (un échec), où alors le remplacement des bancs, ou des luminaires ! Donc bientôt le Grand Théâtre ouvrira ses portes, flambant neuf, pendant, qu’en face, le tribunal n’en finit pas de panser ses plaies. Sans oublier de préciser, histoire de brouiller définitivement les pistes, que le Tribunal de première instance (oui celui qui jouxte la wilaya), fait accessoirement aussi office de …Cour d’appel sociale: tout dépend par quelle porte on entre ! Et Bonne année 2017 à toutes et à tous.
