Idées
Vacances judiciaires et continuité du service public
Prenons le cas d’un contribuable ayant un contentieux locatif : lui, il est pressé de récupérer son local, ainsi que les montants des loyers impayés. Il dépose une requête en ce sens début juillet, …et ne comprend pas que la première audience soit fixée au 15 octobre ! Il faudra beaucoup de patience pour lui expliquer que les audiences obéissent à des calendriers précis, en fonction de paramètres divers, comme la disponibilité des magistrats ou celle des salles d’audience.

Nous sommes en juillet, et, déjà, les vacances judiciaires se profilent à l’horizon. Dans les différents palais de justice, on sent bien que l’activité a diminué, du fait des départs en congé annuel d’une bonne partie des magistrats ; et à leur retour, ce seront les greffiers et autres auxiliaires de justice qui partiront profiter d’un repos annuel. Cependant, il est un endroit qui ne connaît pas de répit, durant la période estivale : il s’agit de la Chambre criminelle de la Cour d’appel, là où sont jugés les délinquants les plus retors. Ces derniers ne chôment pas durant l’été, pas plus que les forces de police d’ailleurs, et des fourgons entiers de prévenus sont débarqués chaque matin au greffe du tribunal. Situé au sous-sol, juste à côté des parkings, il s’agit en fait d’une véritable gare de triage des voyous en tous genres. Le scénario, immuable, est bien rodé, rapide, voire expéditif : les substituts de service n’ont pas beaucoup de temps, mais ont par contre beaucoup de dossiers à régler. Alors, les auditions s’enchaînent, liberté pour celui-là, mise en détention pour l’autre, astreinte pécuniaire ici, ou contrôle judiciaire ailleurs, le tout en une chorégraphie fort bien réglée. Les dossiers les plus sensibles seront déférés devant la Chambre criminelle, et donneront lieu à des procès en bonne et due forme. Mais dans tout cela, il y a une chose difficile à comprendre pour le citoyen ordinaire. C’est bien cette notion de vacances judiciaires. Prenons le cas d’un contribuable ayant un contentieux locatif : lui, il est pressé de récupérer son local, ainsi que les montants des loyers impayés. Il dépose une requête en ce sens début juillet, …et ne comprend pas que la première audience soit fixée au 15 octobre ! Il faudra beaucoup de patience pour lui expliquer que les audiences obéissent à des calendriers précis, en fonction de paramètres divers, comme la disponibilité des magistrats ou celle des salles d’audience : il ne comprendra pas, et protestera d’autant plus contre ces fameuses vacances judiciaires.
En fait, il n’y a pas de vacance, au sens propre du terme, car, par définition, un service public ne s’arrête jamais, la fameuse continuité et permanence dudit service. Mais, comme dans toutes les administrations publiques ou entreprises privées, les mois d’été enregistrent une vague de départs en vacances, qui contribuent à un certain ralentissement des tribunaux. Ce qui signifie qu’il y aura toujours des audiences (mais moins nombreuses), toujours des magistrats (pas à tous les postes), et toujours une administration en état de marche. Et donc, si on considère que les contentieux locatifs, sociaux ou administratifs peuvent attendre un ou deux mois de plus dans leur traitement, on estime, en revanche, que les dossiers criminels, touchant à l’intégrité physique des citoyens, doivent impérativement être traités sans délais. C’est pourquoi la Chambre criminelle siège en permanence, parfois même prolongeant les audiences jusque tard dans la nuit. Le spectacle est alors saisissant, que celui de voir un palais de justice, fonctionner en soirée : tout est surprenant, les éclairages, les ambiances de couloir, les personnes habilitées à être présentes. La plupart des bureaux sont fermés à clé, le public qui d’habitude remplit les vastes salles et les espaces immenses est absent, ainsi que la majorité des fonctionnaires : seules sont animées quelques salles, autour desquelles s’agglutinent les professionnels de la justice, les policiers des escortes, et les familles des prévenus. Cette période est également utilisée par l’administration pour «retaper» certains bâtiments, certaines salles d’audience, donner un coup de peinture par-ci, ravaler une façade par-là, ou encore remplacer des équipements défectueux, micros, éclairages, photocopieuses , bancs, ou portes et fenêtres : car , en effet, il y a aussi beaucoup de dégradations à l’intérieur des tribunaux, là ou bien des justiciables expriment leur colère en cassant une vitre ou une fenêtre, devant une décision de justice qu’ils estiment infondée. Tel est donc le quotidien d’un tribunal durant les «vacances d’été»….
