SUIVEZ-NOUS

Idées

Séparation des pouvoirs

La langue de Molière regorge d’expressions, incitant, pour le moins, à une certaine retenue dans le langage, du moins en ce qui concerne des personnes occupant de hautes fonctions au sein d’un Etat. On sait bien qu’il est prudent de tourner sa langue 7 fois dans la bouche avant de parler ; et que si la parole est d’argent, le silence, lui, est d’or.

Publié le


Mis à jour le

chronique Fadel Boucetta

Un ancien ministre français, Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat chargé du budget et des comptes publics, a récemment publié un livre intitulé: «Un ministre ne devrait pas dire ça». Par ailleurs, la langue de Molière regorge d’expressions, incitant, pour le moins, à une certaine retenue dans le langage, du moins en ce qui concerne des personnes occupant de hautes fonctions au sein d’un Etat. On sait bien qu’il est prudent de tourner sa langue 7 fois dans la bouche avant de parler ; et que si la parole est d’argent, le silence, lui, est d’or.

Tout ceci pour revenir au procès d’Al Hoceima qui se déroule en ce moment, retenant l’attention de nombreux observateurs, autant, du moins, que les déclarations pour le moins curieuses du ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme. D’autant plus étonnantes qu’elles émanent d’un juriste averti, et d’un homme politique aguerri. Ce responsable a donc rappelé, au préalable, que «le rôle d’un ministre d’Etat n’est pas de s’exprimer tout le temps, ou de se taire» ; (Le Site Info, 03/06/2018). Puis, appelé à donner son avis sur diverses questions, notamment sur le procès en cours, il a déclaré «espérer des verdicts plus justes en appel», avant de préciser qu’il espérait «des condamnations plus équitables».

Ce qui amène inévitablement à soulever certaines questions. D’abord ces déclarations portent atteinte à la justice, en ce qu’elles semblent critiquer des décisions rendues légalement et publiquement par un tribunal. Certes, la critique est communément admise, sauf que venant d’un haut fonctionnaire, cela fait quelque peu désordre. Car, s’il espère bien ce qu’il a dit, cela revient à dire que les peines prononcées sont injustes et inéquitables : un responsable doit-il vraiment dire cela, jetant ainsi le discrédit sur une Institution indépendante ? Car, il faut le rappeler ici, en sciences politiques, il existe un concept nommé «séparation des pouvoirs» ; le premier exécute, le second légifère et le troisième juge. Et si ces trois pouvoirs commençaient à se chercher respectivement des poux dans la tête, c’est tout l’édifice de l’Etat qui s’en trouve menacé. Ensuite, il y a là, comme un message subliminal adressé aux magistrats qui auront à statuer sur cette affaire devant la Cour d’appel.

On leur suggérerait à demi-mot que le premier verdict n’ayant pas été conforme à leurs attentes, il serait raisonnable de se montrer plus cléments en appel. Et il y aurait alors comme une légère interférence entre les pouvoirs cités. Dans la pratique gouvernementale, il serait judicieux de préciser les rôles de chacun, entre le ministre de la justice, et celui des droits de l’Homme, sachant que hiérarchiquement, le premier supplante le deuxième. Au ministère de la justice, donc, reviendrait la gestion des ressources humaines (magistrats, greffiers, promotions, mutation…), foncière (le très vaste parc de bâtiments en tous genres), ainsi que l’élaboration de textes de lois en tous les domaines, et leur présentation au gouvernement ; au second appartiendrait la responsabilité de veiller à ce que ces textes en tout genre soient conformes aux conventions internationales en matière de respect des droits de la personne, libertés individuelles… Cela servirait, en délimitant les champs d’action, d’éviter des interférences toujours dommageables.