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Idées

Retour à la normalité

le ministère de la justice pourra se consacrer à la gestion, la surveillance des multiples tribunaux que compte le pays, et qui doivent être régulièrement entretenus, équipés, et où travaille une armée de fonctionnaires. Il est responsable de la maintenance, des salaires, des constructions nouvelles…

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chronique Fadel Boucetta

La composition du nouveau gouvernement marocain a réservé quelques surprises, au niveau du Département de la justice. Ce dernier a été amputé de la section «droits de l’Homme», ce qui s’apparente au retour à une certaine normalité. La Justice (au sens propre du mot) ne s’accommodait pas toujours des contraintes liées au respect des normes internationales en matière des droits de l’Homme.

Pour les autorités administratives, (en tous pays d’ailleurs), le maintien de l’ordre public passe forcément par l’arrestation de manifestants non autorisés, ou qui s’adonneraient à des actes répréhensibles durant des manifestations diverses.

Pour les défenseurs des droits de l’Homme, ces arrestations s’apparentent à une forme de répression abusive, puisqu’on interpelle des manifestants dont le seul tort est de présenter des revendications sociales ou économiques. Et puis, nommer un ministère de la justice «et des droits de l’Homme» semblait audacieux, intellectuellement parlant.

Ainsi donc, le garant de ces droits est en même temps le chef hiérarchique des procureurs et autres substituts, dont le rôle principal consiste à requérir des peines de prison à longueur de journées, refuser systématiquement toutes les demandes de mise en liberté provisoire, présentées par les avocats, tout en ayant (administrativement parlant), le grade d’OPJ, Officier de police judiciaire ! Ça faisait un peu fort de marc de café, et les différentes associations ne s’y étaient pas trompées, en dénonçant un mauvais mélange des genres. Mais aujourd’hui les choses ont évolué, puisqu’on trouve dans ce gouvernement deux ministères (quasi) similaires : un ministère de la justice, et un ministère d’Etat, chargé des droits de l’Homme. On notera en passant que, hiérarchiquement et sur le plan protocolaire, ce dernier supplante le département de la justice, accédant au rang de troisième personnage du gouvernement.

Il sera intéressant, au-delà des aspects politiques de la question,  d’observer quel sera le rôle de chacun. On peut parier que la répartition des tâches se fera de la manière suivante: Au ministre d’Etat, les grands débats sociétaux, sur les droits et libertés des citoyens, leur application dans les sphères publiques ou privées et la préparation des textes de loi en ce domaine. Le minisètre d’Etat est un titre politique, et donc son titulaire voudra mettre en place une politique pénale, civile ou administrative, obéissant à des convictions idéologiques. Pour cela, il faudra élaborer des textes de lois, les présenter et les défendre devant le Parlement, puis, si elles sont votées, passer à leur mise en œuvre effective. C’est un travail intellectuel et moral. Ce département est aussi en charge des différentes conventions internationales signées par le Royaume, en matière des droits de la Femme, ceux des Enfants, et à ce titre il doit veiller à ce que les législations marocaines en ces matières soient conformes aux engagements du pays.

Pour le ministère de la justice, recadré, c’est un sain retour aux sources. Il pourra se consacrer à la gestion, la surveillance des multiples tribunaux que compte le pays, et qui doivent être régulièrement entretenus, équipés, et où travaille une armée de fonctionnaires. Il est responsable de la maintenance, des salaires, des constructions nouvelles. Il est également en charge de la politique pénitentiaire, avec l’édification de nouvelles prisons, la modernisation de celles plus anciennes, l’application des normes internationales en matière de détention, les problématiques de la réinsertion…, autant de chantiers accaparents, mais d’une importance primordiale. En effet, de nombreuses études ont démontré que la situation du monde carcéral reflétait l’évolution d’une société en général. Et si, par exemple, en Suède, il existe des prisons ouvertes, (on se demande alors à quoi ça sert ?), le Maroc, (comme la France ou l’Allemagne) n’a pas une société où l’on tolérerait de croiser son agresseur dans la rue, quelques semaines après les faits. On ne peut donc que souhaiter bon courage à nos deux ministres, connus pour être des hommes de décision, pour le plus grand bonheur du monde judiciaire marocain.