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Idées

Pourquoi les juges hésitent-ils à libérer un prévenu présumé innocent

pourquoi refuse-t-on la liberté provisoire ? Tout simplement pour des raisons juridiques, mais pas seulement. Cette mesure dépend du magistrat instructeur. Il peut décider de l’octroyer (ou pas) pour des raisons qui relèvent de son intime conviction.

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chronique Fadel Boucetta

Ces derniers temps, les péripéties parisiennes d’une star nationale sont suivies à la loupe par des milliers de fans marocains, qui ne comprennent toujours pas les tenants et les aboutissants du dossier judiciaire, ni les finesses et astuces du droit pénal en la matière. Ne nous préoccupons pas des faits en eux-mêmes, et contentons-nous, à ce stade de l’affaire, d’affirmer que le concerné bénéficie toujours de la présomption d’innocence. Alors pourquoi, diront les observateurs, lui refuse-t-on la liberté provisoire ? Tout simplement pour des raisons juridiques, mais pas seulement. Cette mesure dépend du magistrat instructeur. Il peut décider de l’octroyer (ou pas) pour des raisons qui relèvent de son intime conviction. En général et dans tous les dossiers touchant au droit pénal, l’octroi de cette mesure dépend de trois conditions. La première dispose que le prévenu doit rester à la disposition de la justice et donc répondre à toutes les convocations du juge d’instruction. La seconde impose qu’il ne se mette pas en contact avec les protagonistes du dossier, en l’occurrence son accusatrice, de peur, par exemple, qu’il ne la soudoie ou la menace afin qu’elle retire sa plainte.

La troisième, enfin, repose sur la certitude qu’a le magistrat, que le prévenu libéré ne récidivera pas à la première occasion.

Fort bien, diront certains, mais alors, où est le problème, et pourquoi le chanteur reste en prison ? D’abord il faut comprendre et admettre que le statut des femmes en Occident est…relativement «sacré», et  que l’on ne comprend pas bien comment dans une société ouverte, tolérante et permissive, on puisse vouloir abuser d’une femme qui ne répond pas à des avances. Ensuite, chez les juges occidentaux, et français en particulier, il y a toujours cette histoire du pot de terre contre le pot de fer. L’accusatrice est une jeune femme normale, alors que son (présumé) agresseur bénéficie du statut de vedette incontestée, aux multiples succès musicaux, au portefeuille bien garni et aux innombrables fans et soutiens.

Alors, logiquement, les magistrats prennent la défense du plus faible…. (ou supposé tel), surtout qu’il s’agit d’une ressortissante française opposée à un ressortissant marocain.

D’un autre côté, et d’un point de vue technique, pourquoi ne lui accorde-t-on pas cette liberté provisoire, en l’assortissant de mesures d’encadrement. J’ai lu quelque part que le juge pouvait remettre le chanteur en liberté, et lui confisquer son passeport, afin d’être sûr qu’il ne quittera pas le territoire français. Sauf que l’Europe de Schengen, si elle facilite la vie des honnêtes gens, est aussi une aubaine pour tous ceux qui ont maille à partir avec la justice parce que les frontières de la République sont de plus en plus poreuses…. (Sauf pour les malheureux travailleurs immigrés, mais cela est une autre histoire). Et l’on conçoit très bien qu’une fois relaxé, n’importe quel mis en examen à Paris peut très bien se retrouver trois heures plus tard à Bruxelles ou Amsterdam, où il n’est ni recherché, ni fiché. Le temps qu’un mandat Interpol soit émis, puis diffusé et transmis aux frontières, la personne en délicatesse a mille fois le temps de prendre le large.

Mais il me semble que les juges avaient un autre moyen de concilier les deux impératifs : la mise en liberté et la certitude que le prévenu ne s’envolerait pas vers d’autres cieux. Pourquoi n’ont-ils pas choisi la voie de la liberté sous caution ? Le principe est simple : on consigne auprès du tribunal une somme X, et on sort de prison. Si l’on manque une convocation, ou que l’on décide de changer de pays (ou fuir), le montant de la caution est perdu, au profit du Trésor public. L’individu concerné dispose de moyens financiers certains, et donc une caution de, par exemple 50 000 euros (voire 500000), ne devrait pas poser de problèmes majeurs. Ensuite, le reste est à l’avenant, et nul ne pourrait dire ce qui pourrait arriver. Mais en extrapolant, et en supposant  que l’intéressé disparaisse du territoire français, la justice, tout en le constatant, le condamnerait par contumace, verserait le montant de la caution à la victime (supposée), et l’affaire s’arrêterait là n