Idées
Pour des tribunaux plus accueillants
L’architecte en charge des tribunaux prévoit toujours une bibliothèque, l’agent-comptable du ministère de la justice veille à fournir les fonds nécessaires pour son approvisionnement en manuels et revues de droit… Mais les imperturbables présidents des tribunaux, avec une unanimité qui force le respect, veillent à ce que cet endroit soit inaccessible, tant au public qu’aux professionnels.

C’est le début de l’été, traditionnelle période de ralentissement des activités, d’une manière générale. Les palais de justice ne dérogent pas à cette coutume, mais les plus anciens vous parleraient «d’un temps que les moins… de quarante ans ne peuvent pas connaître.»… et encore. Il fut un temps, en effet, où les tribunaux casablancais n’étaient pas qu’un lieu ou se rendait la justice, mais également un endroit de rencontres, convivialités et échanges divers. Construit sous le Protectorat, le tribunal fut édifié sur un modèle français, pour ce qui est des différents services et annexes, tout en gardant le cachet arabo-mauresque, avec jardins intérieurs, fontaines et arcades à tous les niveaux. Il abritait également un café-snack, où se retrouvaient avocats, juges, greffiers, entre les audiences, permettant ainsi des échanges fructueux… qui n’existent plus de nos jours, faute d’endroit calme où se rencontrent les différents métiers qui œuvrent au sein d’un tribunal, comme les juges, greffiers, avocats, ou experts.
Il semblerait que, de nos jours, la mode est à la démolition, voire à la suppression, de ce qui jadis contribuait à l’animation d’un bâtiment administratif. Ainsi, pour d’obscures raisons, la bibliothèque principale du tribunal de Casablanca est fermée…tant au public qu’aux professionnels du droit. Pour l’avoir fugacement et rapidement visité un jour, je sais qu’elle est fort bien pourvue en ouvrages de droit, en toutes langues : le français côtoie l’arabe, l’espagnol, l’anglais et même l’allemand.
Dans les tribunaux de par le monde, ce genre de bibliothèque est en permanence ouverte, offrant ses prestations non seulement aux professionnels, mais accueillant aussi étudiants universitaires, chercheurs et doctorants. Ce qui permet également à des jeunes, en cours de formation juridique, de se plonger dans l’ambiance d’un tribunal, endroit où, vraisemblablement, ils auront à officier dans le futur. Cette propension à la fermeture est généralisée dans tous les tribunaux marocains. L’architecte en charge des tribunaux prévoit toujours une bibliothèque, l’agent-comptable du ministère de la justice veille à fournir les fonds nécessaires pour son approvisionnement en manuels et revues de droit… Mais les imperturbables présidents des tribunaux, avec une unanimité qui force le respect veillent à ce que cet endroit soit inaccessible, tant au public qu’aux professionnels.
On ne peut que se demander alors, pourquoi ces bibliothèques sont fermées. Constat identique pour les salles d’attente, quasi inexistantes dans nos tribunaux ; comme si le justiciable, une fois arrivé dans l’enceinte du tribunal, allait voir, illico presto, ses doléances reçues, écoutées et réglées….
Alors que dans la vraie vie, ce justiciable devra arpenter des kilomètres de couloirs, à épuiser un marathonien, escalader des centaines de marches d’escalier, puis être trimballé de service en service et d’étage en étage : un petit coin où se reposer un instant n’aurait pas été superflu : pour cela, le concepteur du tribunal a prévu quelques bancs parcimonieusement répartis à travers tout le tribunal et judicieusement plantés en plein soleil…
Pour ces diverses raisons, il semblerait tout à fait raisonnable que les planificateurs de nos tribunaux utilisent ce répit estival pour réfléchir un peu à l’aspect pratique, et qui sait, envisager certaines solutions pour faciliter la vie aux nombreux utilisateurs de ce service public d’importance et améliorer les conditions de travail des nombreux fonctionnaires, qui peinent à trouver des sanitaires en état de fonctionner. L’administration de la justice est un tout, et ne se résume pas aux arrêts et jugements prononcés dans les salles d’audiences climatisées. Et tant qu’à faire, autant profiter du ralentissement de l’activité des lieux, pour entreprendre certains aménagements, attendus et souhaités depuis des lustres par les utilisateurs des tribunaux.
