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Idées

Pas de repos pour les juges stagiaires durant la période estivale

Pour l’instant, ils sont une demi-douzaine, revêtus de leurs robes d’audience, qui terminent leur stage de juges. On les aperçoit, assis, derrière le président qui dirige l’audience du jour. Deux obligations impératives: ne proférer aucun mot, et ne prendre aucune note. Ils sont là pour observer comment se déroule une audience.

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chronique Fadel Boucetta

La période estivale est traditionnellement dévolue aux repos, congés et vacances en tous genres. Les différentes composantes de la société profitent de l’été pour se ressourcer, se reposer et se retrouver en famille. Mais il n’en va pas ainsi pour tout le monde, et certaines catégories professionnelles ne chôment pas vraiment durant l’été. Prenons par exemple le corps des magistrats : il y a bien ce que l’on appelle «les vacances judiciaires», durant lesquelles les tribunaux fonctionnent au ralenti, mais ce n’est pas forcément que tout le personnel judiciaire se dore au bord de la plage.

Ce ralentissement est essentiellement dû à des raisons techniques. En effet, l’Administration profite du répit offert par ces mois pour se refaire une beauté. On voit ainsi apparaître dans les couloirs des tribunaux une armada de corps de métiers divers, qui procèdent à diverses réparations…car dans les tribunaux aussi, hélas, le vandalisme gratuit existe : bris de vitres des salles d’audience, ( à Casablanca, des indélicats les prennent pour cible à la nuit tombée…et la proximité de débits de boissons fortes n’arrange pas les choses !) ; graffitis et inscriptions diverses sur les bancs ; sans compter les innombrables objets et autres détritus abandonnés dans les salles d’audience. Il s’agit également de saisir l’occasion du calme estival pour remplacer certaines machines qui ont rendu l’âme, comme les photocopieurs qui finissent la saison quasi à l’état d’épaves, ou les systèmes de sonorisation des salles, qui à force d’être brutalement manipulés ne tiennent pas plus d’une saison.

Tout ceci concerne les matériels, mais il y a également du sang neuf au niveau des fonctionnaires, car l’été est la saison propice pour lancer dans le bain des cohortes de jeunes magistrats à travers tout le Royaume. Le rituel est bien rodé, à l’instar de ce que l’on voit à la télévision, lorsqu’il s’agit de l’installation de nouveaux gouverneurs. Les juges et procureurs débutants vont enfin avoir l’occasion d’exercer leurs talents….(si l’on peut appeler talent, le fait d’embastiller son prochain…), et pour eux, le moment est solennel, car il marque le début d’une carrière, qui peut, soit les conduire aux sommets, soit aux enfers, selon les comportements.

Pour l’instant, ils sont une demi-douzaine, revêtus de leurs robes d’audience, qui terminent leur stage de juges. On les aperçoit, assis, derrière le président qui dirige l’audience du jour. Deux obligations impératives : ne proférer aucun mot, et ne prendre aucune note. Ils sont là pour observer de visu comment se déroule une audience, alors pas question de les laisser perdre du temps à gribouiller sur une feuille : tous leurs sens doivent être en alerte, pour enregistrer tous les détails, et ils sont nombreux, partant de l’ambiance générale qui prévaut dans la salle, aux soutiens bruyants de certains prévenus (qui essayeront un peu plus tard de déstabiliser le président, voire de perturber l’audience, pensant ainsi venir en aide à leur «copain» qui va passer en jugement). A ce niveau de leur formation, les apprentis magistrats ne savent pas encore quelle sera leur future carrière: juges du siège ou du parquet? Elle sera déterminée en partie par le classement final de l’Ecole supérieure de la magistrature, mais pour l’heure, ils peaufinent le métier. A côté des magistrats opère le corps des greffiers, éléments essentiels du mécano judiciaire.

Les juges jugent…mais ne le pourraient pas sans l’aide des greffiers; alors ces derniers profitent également de l’accalmie estivale, d’abord pour souffler un peu, ensuite pour mettre à jour certains dossiers, préparer les audiences de la rentrée, et établir un calendrier précis de l’enrôlement des dossiers : ceux à juger en urgence, ceux auxquels il manque un document, et d’autres qui n’en sont qu’en début de procédure. Autant de «petites mains» qui œuvrent dans la discrétion, invisibles du grand public. Et c’est ainsi, qu’en septembre, au moment de la traditionnelle rentrée judiciaire, le tribunal démarrera au quart de tour, tout ayant été soigneusement préparé dans ce but durant ces fameuses «vacances judiciaires»