Idées
Le rôle d’un président de tribunal
dans la nomenclature des tribunaux marocains, celui de Casablanca occupe une place particulière : c’est un Tribunal de première instance, à mi-chemin entre les tribunaux normaux et les Cours d’appel ; c’est le tribunal qui traite le plus grand nombre d’affaires (annuellement) au Maroc ; c’est aussi un monstre administratif, avec ses centaines de fonctionnaires de tous niveaux.

Une page vient d’être tournée au Tribunal de grande instance de Casablanca, le plus important du Royaume, dans cette catégorie des primo-tribunaux. Son président a été admis à faire valoir ses droits à la retraite après une carrière bien remplie au service de la Justice. Homme affable et courtois, le partant laisse derrière lui une unanimité et un consensus, rares en ce domaine, tant les affaires sont nombreuses, compliquées et souvent sensibles. Et pour nous, c’est l’occasion de revenir sur le rôle d’un président de tribunal. Au départ, c’est un juge comme les autres, sorti du même cycle de formation : licence en droit, puis concours de la Magistrature, ensuite stage pratique dans une juridiction, avant d’être affecté à un tribunal du Royaume.
Cette nomination se fait en général par étapes : l’apprenti magistrat est d’abord nommé dans une juridiction comme simple juge débutant. Auprès de ses pairs chevronnés, il apprendra à mieux connaître les rouages de l’appareil judiciaire, lequel est assez complexe, entre les tribunaux d’arrondissement (qui ont été supprimés), les tribunaux de première instance, les Cours d’appel et enfin la Cour de cassation. Il verra en pratique comment se gère un dossier juridique, avec l’aide et le soutien du greffe, un rouage important dans un tribunal, chargé de la mise en ordre des dossiers, leur classement et leur archivage, mais qui se charge aussi de l’envoi des convocations aux parties, du suivi de l’affaire et enfin de la rédaction effective des jugements rendus.
Au tribunal de Casablanca, le président se chargeait en général des dossiers/référés, dont la particularité est de connaître des jugements rapides, après seulement deux ou trois audiences, là où les dossiers classiques requièrent au moins cinq ou six audiences. La pratique du référé est exigeante car elle suppose une parfaite connaissance des affaires qui seront traitées en audience publique : tel dossier doit être reporté car manquent des pièces ou documents essentiels; tel autre dossier, en revanche, ne pourra être renvoyé si le magistrat estime qu’il est en état d’être jugé, et c’est ce qui crée de nombreux accrochages avec les avocats de la défense qui, eux, estiment pour leur part que la procédure est inachevée et que des actes de procédure demeurent nécessaires.
L’ancien président savait manœuvrer habilement, veillant à ne léser aucune partie, mais se montrant ferme et intransigeant lorsque la situation l’exigeait, expliquant avec tact aux avocats concernés les raisons de ses décisions, ce que bien peu de magistrats prennent la peine de faire! Une autre caractéristique de ce président était de circuler en permanence dans les allées du tribunal: ici pour s’enquérir du bon déroulement d’une audience, ailleurs pour vérifier la présence ou l’absence des fonctionnaires qui a souvent posé problème à Casablanca, dont le Tribunal de première instance possédait cinq ou six portes d’entrée, ce qui incitait les fonctionnaires à être absents plus que de coutume. Les justiciables casablancais se souviendront donc de ce haut fonctionnaire, dont le calme et la pondération venaient à bout de tous les problèmes techniques ou juridiques soulevés. Cependant, une chose est sûre et rassurante : la relève est assurée, car l’ancien président avait su s’entourer d’une cohorte de jeunes magistrats, ses vice-présidents, formés à l’aune de la compétence et du savoir-faire juridique. Car, il faut aussi le préciser, dans la nomenclature des tribunaux marocains, celui de Casablanca occupe une place particulière : c’est un Tribunal de première instance, à mi-chemin entre les tribunaux normaux et les Cours d’appel ; c’est le tribunal qui traite le plus grand nombre d’affaires (annuellement) au Maroc ; c’est aussi un monstre administratif, avec ses centaines de fonctionnaires de tous niveaux : entre un juge et un greffier, on trouve aussi des appariteurs, des chaouchs, des vigiles, des préposés à différentes tâches ou encore des secrétaires dactylo. Une page est donc tournée, mais le tribunal continue d’assurer sa mission de service public, dans des conditions qui s’améliorent de jour en jour.
