Idées
La formation des magistrats face aux contraintes du droit international
Le monde actuel est en fait un grand village, où tout se sait instantanément, où une certaine transparence est de mise. Chaque pays oberve le système du voisin, s’en inspire et cherche à en tirer «la substantifique moelle» afin de s’améliorer.

Dans la vie, le but de tout individu est d’améliorer ses conditions de vie, et de progresser dans l’échelle sociale. Pour ce faire, pas de secrets, il faut avoir fait de bonnes études, puis choisir la bonne orientation, et le bon métier. Beaucoup de personnes choisissent ainsi d’intégrer le prestigieux corps de la magistrature, qui offre bien des potentialités, en matière d’avancement divers. Mais comment devient-on magistrat, peut-on se demander, sachant que l’accès à la profession est très réglementé, voire fermé ? Il faut, d’abord et avant tout, réussir de bonnes études juridiques, et, donc, se classer parmi les meilleurs. Car, ensuite, se profile le redoutable concours d’accès à la profession, parmi les plus difficiles de la Fonction publique. Une fois cet écueil franchi avec succès, se pose la question de l’affectation, avec une interrogation, opter pour la magistrature assise, celle qui juge les gens dans un tribunal, ou la magistrature debout, celle qui requiert les peines à appliquer. Choix cornélien s’il en est, car toute la vie ultérieure en sera affectée. Etre juge offre bien des avantages, certes, mais c’est loin d’être une sinécure. On est, certes, classé d’emblée parmi les hauts fonctionnaires, mais on demeure tributaire de la hiérarchie normale dans toute administration. Un magistrat voyage (presque) autant qu’un diplomate. Aujourd’hui juge à Tétouan, demain procureur à Zagora, ce qui ne va pas sans engendrer des perturbations au niveau de sa vie personnelle. Lesquelles n’iront pas sans affecter le rendement professionnel.
Du coup, dans le corps de la magistrature, on relève que les fonctionnaires proviennent pratiquement tous de filières arabophones, ce qui semble de prime abord normal, puisque la justice au Maroc, depuis la décision de l’arabisation, se rend uniquement en langue arabe. Ce fut un choix politique, mais l’on peut s’interroger aujourd’hui sur le bien-fondé de telle décision.
Le propos n’est pas de dénigrer telle ou telle filière de formation, elles ont toutes la même valeur, mais les enseignements suivis vont préfigurer ce que sera la vocation professionnelle. Une formation à l’Occidentale mettra l’accent sur les notions des droits de l’Homme, sur l’équilibre entre accusation et défense, et sur l’utilisation quotidienne de la jurisprudence. Une formation arabophone sera beaucoup plus conservatrice, insistant sur les valeurs classiques, le respect de la famille et de l’autorité patriarcale, et sera bien plus sévère au niveau des arrêts rendus. Et on le constate dans les tribunaux, il y a peu de magistrats ayant suivi un parcours estudiantin en droit, version française. Ce n’est pas plus mal, diriez-vous, pour un pays arabo-musulman, sauf que l’on constate que les magistrats, et à côté de leur formation de base, demeurent des hommes et des femmes de leur siècle, de leur temps. Ils travaillent sur des ordinateurs, font des recherches sur la Toile, et s’inspirent souvent des arrêts rendus par des juridictions étrangères. Le monde actuel est en fait un grand village, où tout se sait instantanément, où une certaine transparence est de mise.
Chaque pays observe le système du voisin et cherche à en tirer «la substantifique moelle» afin de s’améliorer. Ce qui n’est pas toujours aussi simple pour des raisons évidentes. Ainsi, par exemple, si la polygamie est (encore) tolérée au Maroc, partant de principes religieux, elle est formellement interdite en Occident…. Un Marocain légalement marié dans son pays à deux, voire trois épouses, pourra difficilement faire prévaloir ce droit en Europe… Ce qui pose de nombreux problèmes d’adaptation ou de la compréhension d’autrui. Des faits que l’on rencontre souvent dans les revues juridiques occidentales. Pour illustration, un Marocain résidant et travaillant en France a récemment eu des démêlés avec une préfecture française lorsqu’il a réclamé un titre de séjour pour son épouse. Alertée, la gendarmerie locale est venue l’interpeller sur son lieu de travail pour «tentative de fraude au titre de séjour», l’administration française ayant déjà précédemment émis ce document au profit d’une autre personne. Renseignements pris, il n’y avait aucune fraude, juste un cas de bigamie, classique sous nos cieux, honni sous d’autres. C’est tout le problème qui se pose en droit international privé, où les dispositions de la loi nationale sont censées s’appliquer en territoire étranger, … ce qui n’est pas toujours évident !
