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Idées

Est-il possible d’améliorer l’accueil des citoyens dans les tribunaux ?

on trouve souvent des attroupements devant les tribunaux locaux, surtout le pénal, dans des conditions d’attente souvent pénibles. Mais tout ceci n’est que la routine d’une administration fortement sollicitée, et qui ne dispose pas toujours des moyens adéquats pour remplir efficacement sa mission

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chronique Fadel Boucetta

Les années se suivent et se ressemblent dans les tribunaux casablancais. Dans les couloirs, des personnes de toutes catégories sociales sont aux abois, en attente d’un jugement, d’un proche incarcéré, d’une audience où tout peut basculer. Dans les bureaux tout le monde se croise, justiciables, professionnels du droit, badauds ou encore policiers, avec des situations parfois incompréhensibles pour les profanes. Prenons un exemple, la réception du public dans les tribunaux. Elle fait l’objet de certains procédés dont l’efficacité paraît douteuse. Les citoyens ne sont donc pas toujours les bienvenus dans un système qui a ses propres codes. Donc, ils ne sont reçus par les fonctionnaires que le vendredi, jour où ils peuvent, en principe, consulter leurs dossiers au greffe. Les autres jours leur sont interdits car, après les audiences quotidiennes qui finissent en général vers 11heures, le secrétaire–greffier… se repose. C’est l’heure de son café matinal et d’une pause… qui peut s’éterniser. Il disparaît de son bureau, laissant ostensiblement sa veste accrochée au dossier de son fauteuil, signe qui permettra au fonctionnaire complice de dire aux gens: «Il reviendra, il est juste parti faire un acte de procédure». Les plus patients patienteront, les autres s’en iront, et c’est toujours ça de gagné.

Va donc pour le vendredi, sauf que, chacun le sait, c’est jour de prière, et donc aussi le jour où toutes les administrations fonctionnent au ralenti. Avec un peu de chance un justiciable pourra espérer mettre la main sur un fonctionnaire qui pourra l’aider dans ses démarches. Car celles-ci sont parfois complexes. Ainsi, pour quelqu’un qui, après avoir pu ( une grande réussite) mettre la main sur le fonctionnaire adéquat qui accepte de lui sortir le dossier  n° Y pour consultation, demande à faire une photocopie d’une pièce du dossier ; il va créer un problème pour le fonctionnaire car la situation est ambiguë : d’un côté il ne peut confier une pièce originale à l’une des parties, surtout quand c’est l’adversaire qui la  réclame ; il ne peut lui refuser d’en faire une copie, mais la plus proche machine se trouve toujours au rez-de-chaussée, alors que les bureaux du greffe sont dans les étages ; le fonctionnaire ne peut non plus quitter son bureau, surtout pour faire des photocopies : il n’arrêterait jamais. Que faire alors dans ce cas? Les stratèges du ministère ont inventé une parade originale. Des personnes en provenance de l’Entraide nationale font office de «chaouchs préposés aux photocopies» : on leur confie les documents, ils en font des photocopies, encaissent souvent la menue monnaie… et tout le monde est content.

Notons aussi en passant que chaque tribunal ne dispose que d’une seule machine, ce qui crée souvent des tensions entre les usagers, qui ont tous une priorité quelconque à faire valoir pour passer avant les autres. Relevons aussi, tant qu’on y est, que le service photocopie génère des sommes importantes, dont la destination finale demeure on ne peut plus confuse. La même remarque est valable pour les gardiens de parkings de certains tribunaux, dont celui de commerce, dont la situation est plutôt originale vu le droit en général. Ce n’est pas un fonctionnaire de l’Etat, mais il gère une propriété de l’Etat qui lui assure de confortables revenus. Lorsqu’il ouvre la grille du parking du tribunal, il ouvre l’accès à une propriété de l’Etat, en l’occurrence la parcelle de terrain abritant le tribunal… de commerce ; et c’est aussi, peut-être, ce qui lui donne l’idée de rentabiliser son poste. Entre 100 et 200 voitures par jour, entre 3 et 5 DH la place…en quelques années, notre débonnaire gardien a pris de l’embonpoint, tellement les affaires marchent bien !

Mais revenons à la réception des usagers pour relever qu’elle fait aussi l’objet de contradictions. En principe, l’application de la justice doit être publique, donc l’accès au tribunal doit être libre, ce qui est le cas. Mais, comme il faut aussi prendre des mesures de sécurité, l’accès est limité par les policiers en faction qui filtrent les entrées, et donc les limitent drastiquement. Raison pour laquelle on trouve souvent des attroupements devant les tribunaux locaux, surtout le pénal, dans des conditions d’attente souvent pénibles. Mais tout ceci n’est que la routine d’une administration fortement sollicitée, et qui ne dispose pas toujours des moyens adéquats pour remplir efficacement sa mission.