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Idées

Du nouveau code pénal marocain

Parmi les nouveautés à  remarquer, la répression de quiconque aura aidé à  Â«copier» une carte magnétique, sachant qu’elle pourra être utilisée pour un vol. Là  aussi la formulation est incomplète, car que fait-on de ceux qui ne volent pas à  l’aide d’une carte de crédit, mais escroquent des commerçants,
ou font des retraits abusifs ?

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Mis à jour le

fadel 2014 01 27 2015 05 25

Le projet de loi portant réforme du code pénal est bien parti pour voir le jour incessamment. Il était temps, diront les juristes, qui rappelleront que le premier code pénal  marocain date de …1963, et qu’il n’a connu que de légères modifications au cours des cinquante dernières années. Il s’est adapté au développement qu’a connu notre société, et essaye de se mettre au diapason des normes pénales internationales, mais pas toujours avec bonheur. Cette fois, 40 articles ont été abrogés, 187 ajoutés et 576 modifiés. Prenons quelques exemples. Dorénavant, nous dit-on, le harcèlement sexuel sera puni, ce qui est une bonne chose, même dans l’espace public. Mais qui aura autorité pour faire la différence entre une simple remarque ou un compliment galamment adressé à une dame, et le harcèlement consistant à suivre quelqu’un en voiture en l’abreuvant de paroles indécentes ? Qui aura la charge de la preuve, puisque ce sera parole contre parole ? Où s’arrête la séduction et où commence le harcèlement ? Autant de questions délicates, qui vont bientôt se poser et auxquelles il faudra bien apporter une solution juridique. Une autre disposition cible les fonctionnaires coupables d’enrichissement illégal, si «leur patrimoine financier a connu une hausse non justifiée comparée à ses revenus». Or les salaires de la Fonction publique étant ce qu’ils sont, nombre de fonctionnaires ont une activité secondaire (fût-elle au nom de l’épouse ou du frère), qui leur procure l’appoint nécessaire pour faire face au coût de la vie toujours en augmentation. Ne risque-t-on pas de les stigmatiser alors qu’ils ne font rien d’illégal ?

Dans un autre registre, le texte introduit aussi la notion de «mépris des religions», punie de six mois à deux ans de prison. Nous ne sommes pas des adeptes de Charlie Hebdo, et au Maroc on respecte la religion. Fort bien, mais cela n’empêche pas que notre dialecte préféré regorge de phrases expressions, insultes faisant référence à la religion. C’est un fait, les Marocains le savent bien qui utilisent quotidiennement ces expressions, comme la basique «frapper la religion de sa mère»… Deux individus ont un litige, et cette expression est lancée dans le dialogue : on se demande bien pourquoi aller s’attaquer aux convictions religieuses d’une personne absente lors du différend…. D’ailleurs, le texte de loi fait allusion au «mépris des religions», formulation beaucoup trop vague pour être correctement comprise. Une autre disposition fait débat: la répression des relations sexuelles hors mariage. Là, on sent comme une gêne, le législateur semblant naviguer à vue.

D’un côté la répression, avec une peine d’emprisonnement fixée à trois mois maximum (contre un an auparavant), et de l’autre côté une espèce de dissuasion ; côté portefeuille. Ah ! vous aimez batifoler en galante compagnie…, eh bien cela vous coûtera 20 000 DH mon ami ! Ce qui fait chère la relation amicale entre collègues de travail. Mais c’est le charme du Maroc, contrée étrange où un garçon et une fille (ne parlons même pas d’un couple mûr) se verront légalement interdire de prendre UNE chambre d’hôtel, alors que pour deux hommes (ou femmes), cela ne posera aucun problème. De plus cette disposition ouvre un débat dans un pays où une grande partie de la population est encore jeune. Comme le disait une opposante à ce nouveau code pénal : «Mais ils veulent envoyer tous les jeunes en prison ?»…, ce qui n’est pas une bonne idée tant le pays a besoin de la vitalité de sa jeunesse pour progresser davantage et plus rapidement.

Parmi les nouveautés à remarquer, la répression de quiconque aura aidé à «copier» une carte magnétique, sachant qu’elle pourra être utilisée pour un vol. Là aussi la formulation est incomplète, car que fait-on de ceux qui ne volent pas à l’aide d’une carte de crédit, mais escroquent des commerçants, ou font des retraits abusifs ? La notion de «vol» semble dépassée par les nouvelles techniques mafieuses, dont les méthodes connaissent un développement constant. Enfin, s’il faut saluer l’adoption des peines alternatives, on doit aussi se demander comment seront-elles appliquées, car il faudra aussi habituer les juges que le tout-carcéral est révolu, et que l’emprisonnement systématique est passé de mode.

Il semble que c’est cette réforme, celle de la mentalité et des habitudes des magistrats qui devrait être prioritaire, car changer un texte est plus facile que faire évoluer des mentalités, opération concernant des humains et donc plus difficile à réaliser.