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Idées

Des tribunaux aux installations peu ergonomiques

Des familles entières attendent là durant des heures, dans l’espoir de voir, d’apercevoir furtivement, qui un frère, qui un mari ou un ami. Là aussi, aucune protection n’est prévue, et le spectacle de cette foule anxieuse, stoïque sous des trombes de pluie, où par 40° à l’ombre est pathétique.

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chronique Fadel Boucetta

Un nouveau gouvernement est en passe d’être formé, et le monde de la Justice s’interroge : Qui sera le prochain titulaire du ministère de la justice? Car, à Casablanca en tout cas, il aura du pain sur la planche. En effet, dans cette administration, on aime bien construire, notamment de beaux palais de justice à travers toute la ville. Mais si les architectes sont bons, y a-t-il quelqu’un qui est chargé des questions pratiques, car, édifier un tribunal, c’est fort bien, se préoccuper du confort des fonctionnaires et usagers serait mieux. Nous remarquons, à travers des visites fréquentes en ces lieux, comme un désintérêt général pour les citoyens.

Petite revue de détail, non exhaustive. A la Cour d’appel de Casablanca (communément désignée sous le qualificatif «Comanav», du nom de la grande compagnie qui lui fait face), les hiatus sont nombreux.  Comme tout tribunal marocain qui se respecte, sa  façade doit être majestueuse, et l’entrée se trouve en haut d’une volée de marches, à essouffler un marathonien ! Une fois arrivé dans le grand hall qui sert de salle des pas perdus, on constate aussitôt que les bureaux des greffiers et magistrats se trouvent dans les étages supérieurs, mais l’ascenseur prévu pour les justiciables est en panne depuis des lustres, sans que nul ne songe à le réparer. Celui des magistrats fonctionne très bien, merci pour eux, et il est sous la garde permanente d’un planton ; chargé d’éconduire les manants de justiciables. Une rampe à l’entrée ne serait donc pas superflue, et rendrait service à tous les handicapés qui fréquentent ce tribunal pour régler leurs affaires courantes.

Mais il n’y a pas qu’ici où la désinvolture à l’égard des contribuables est visible. Le Tribunal social d’Al Oulfa, par exemple. Les marches et les escaliers sont ici aussi inévitables, et l’on ne peut y accéder, (ainsi qu’aux cabinets des juges), qu’après l’épreuve des escaliers. Le parking (citoyens/avocats) est une espèce de terrain vague, poussiéreux l’été, boueux l’hiver, situé à bonne distance de l’entrée du tribunal, où l’on arrive souvent trempé par la pluie, sinon ruisselant de sueur sous un soleil torride. Mais peu importe, les magistrats eux jouissent d’un traitement de faveur, et une aile du palais de justice abrite discrètement les belles berlines de ces messieurs! (Berlines, dont, soit dit en passant, le prix dépasse largement les moyens d’un haut fonctionnaire du ministère de la justice, mais c’est là un autre débat !).

Rendons-nous ensuite au Tribunal pénal d’Ain Sebaâ. Là sont jugées les affaires correctionnelles ou criminelles, et donc il y a souvent une foule compacte de gens qui se pressent à l’extérieur du bâtiment. Pas n’importe où, mais juste devant la porte d’accès, par laquelle entrent les fourgons de police, convoyant les inculpés qui seront jugés dans la journée. Des familles entières attendent là durant des heures, dans l’espoir de voir, d’apercevoir furtivement, qui un frère, qui un mari ou un ami. Là aussi, aucune protection n’est prévue, et le spectacle de cette foule anxieuse, stoïque sous des trombes de pluie, où par 40° à l’ombre est pathétique. Pourtant, pour aménager ce lieu, l’investissement ne serait pas énorme: quelques bâches, des bancs, des distributeurs d’eau… ce qui empêcherait les fréquents évanouissements dans la foule, dus à ces conditions d’attente extrême. Oui, il serait urgent que le ministère embauche un monsieur, dont le rôle consisterait à vérifier que les installations sont accueillantes pour les justiciables (après tout, c’est avec leur argent qu’on construit ces administrations) et à veiller à ce que certaines bizarreries ne se reproduisent plus, comme le fait d’installer des climatiseurs à huit mètres du sol au Tribunal de commerce, inaccessibles lorsque la télécommande est égarée, comme ce fut le cas il y a quelques mois ! Bon courage Monsieur le ministre.