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Bracelet électronique, un dispositif pas encore adapté à l’environnement marocain

Le bracelet a fait ses preuves en Europe et aux Etats-Unis, mais n’existe pas au Maroc qui, pourtant, fait évoluer ses procédures en profitant des avancées du système judiciaire français. Pourquoi alors n’a-t-on pas adopté cette méthode au Maroc ?

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chronique Fadel Boucetta

L’on a appris récemment les derniers rebondissements dans l’affaire d’un chanteur marocain poursuivi en France pour des faits divers. On rappellera à toutes fins utiles que dans ce dossier, le prévenu bénéficie toujours de la présomption d’innocence, jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit rendu. Ce qui n’est pas pour demain, vu le calendrier chargé de la Cour d’assises de Paris, ainsi que les différents recours en appel (voire en cassation) qui suivront inéluctablement. L’artiste a donc bénéficié de la mise en liberté provisoire, avec port d’un bracelet électronique et interdiction de quitter le territoire français. Il n’est plus incarcéré, mais soumis à un régime différent : la surveillance est alors dite «fixe» et se fait par le biais d’un bracelet placé sur la cheville du prévenu relié à un boîtier installé à son domicile par le service de probation et insertion de l’administration pénitentiaire (SPIP).

Le bracelet, équipé d’un système de géo localisation (GPS), est paramétré en fonction des jours et heures de sortie autorisée par le juge. Il transmet des signaux au boîtier, qui sont envoyés en continu aux agents de probation et juge d’application des peines. Si l’intéressé tente d’arracher le bracelet ou sort en dehors des créneaux autorisés, une alarme est immédiatement envoyée aux agents de probation et au JAP, qui peuvent alors prendre des sanctions, allant parfois jusqu’à la réincarcération.

Cette mesure est assez courante en France. Elle permet, entres autres, d’alléger la surpopulation carcérale, et ne s’appliquant qu’aux auteurs de faits passibles d’un maximum de cinq ans de prison. Mais son efficacité réelle fait polémique, notamment pour ce qui est des affaires terroristes… Ce qui n’est pas le cas du chanteur. Il pourra donc circuler librement à Paris, si tant est que ce bracelet n’est pas programmé pour interdire les Champs-Elysées par exemple, ou tel ou tel arrondissement de la capitale française. Et si l’envie lui prenait de quitter Paris, faisant ainsi faux bond à la justice, le bracelet enverrait certes tous les signaux possibles, mais l’intéressé serait déjà hors des frontières françaises, sachant que Bruxelles ou Amsterdam ne sont qu’à quelques heures de train depuis Paris. Là, il se trouvera certainement quelques spécialistes en la matière (pas forcément des enfants de chœur,) qui, moyennant le prix fort, se feront une joie de désactiver le système. On ne lui souhaite pas de choisir cette solution, qui serait d’abord un aveu de culpabilité, mais aussi le moyen infaillible de se voir fermer à tout jamais les portes de l’Europe, un mandat de recherches internationales, via Interpol étant immédiatement lancé par le magistrat bafoué !

La méthode du bracelet a fait ses preuves en Europe et aux Etats-Unis, mais n’existe pas au Maroc qui, pourtant, fait évoluer ses procédures en profitant des avancées du système  judiciaire français. Pourquoi alors n’a-t-on pas adopté cette méthode au Maroc ? Car elle repose d’abord, et tout simplement de la conception et de la perception que se font les Occidentaux de la loi : celle-ci est l’émanation de la société, qui possède un droit de vote, et qui envoie à l’assemblée des citoyens chargés de mettre en œuvre des propositions diverses. Et donc la majorité de la population respecte les lois… toutes les lois, dirions-nous : depuis le stop au feu rouge, jusqu’au port d’un bracelet électronique, en passant par le règlement régulier des impôts et autres taxes diverses.

Au Maroc, nous n’en sommes pas encore là et nous œuvrons pour former les citoyens à cette obéissance et respect des textes. L’incivisme et l’égoïsme sont des tares encore présentes dans notre société, et on se doute bien qu’un délinquant marocain auquel on mettrait un bracelet électronique n’aura de cesse que de s’en débarrasser. Les bricoleurs de génie, experts en électronique et informatique ne manquent pas à Derb Ghallef, et, si l’on sait à merveille programmer et régler des paraboles sur des satellites distants de plusieurs milliers de kilomètres, nul doute que ce serait un jeu d’enfant que de désactiver un pareil bracelet! Et cela, nos décideurs qui ne sont pas tombés de la dernière pluie le savent parfaitement!