Idées
Arnaques en finesse et sans heurts !
une alléchante publicité, comme nous en voyons tous les jours, de nos yeux ébahis: ici c’est une somptueuse villa au pied (d’après le visuel photographique) des montagnes enneigées, alors que ladite montagne est à deux heures de route ; là c’est un magnifique appartement dans un resort les pieds dans l’eau, etc., mais il est utile de préciser que sur les photos utilisées dans les brochures publicitaires, on trouve en tous petits caractères la mention : «les photos ne sont pas contractuelles». Autrement dit, elles n’engagent que les gogos qui y croient…

Il n’est point nécessaire d’être un truand pour escroquer son prochain en toute impunité, et avec l’aval de l’Etat, en plus ! Dame Z. est tombée dans le panneau le jour (maudit) où elle succomba à une alléchante publicité, comme nous en voyons tous les jours, de nos yeux ébahis : ici c’est une somptueuse villa au pied (d’après le visuel photographique) des montagnes enneigées, alors que ladite montagne est à deux heures de route; là c’est un magnifique appartement dans un resort les pieds dans l’eau ; ailleurs c’est un luxueux duplex en plein golf, «à seulement dix minutes du centre-ville», et à l’orée d’une belle forêt, etc., mais il est utile de préciser que sur les photos utilisées dans les brochures publicitaires, on trouve en tous petits caractères la mention : «Les photos ne sont pas contractuelles». Autrement dit, elles n’engagent que les gogos qui y croient; mais passons.
Notre amie signa donc un compromis de vente et versa une avance de 351 000 DH, soient 10% du prix d’acquisition total, ceci en septembre 2012, le compromis précisant que la livraison interviendrait en décembre de la même année. Ce document lui-même était curieux, entaché d’erreurs, d’approximations, de violations flagrantes de la loi sur la VEFA qui est censée réglementer ce genre de transactions. Pour rappel, cette loi de vente en l’état futur d’achèvement s’applique aux achats de biens immobiliers, sur plans, et avant que les travaux de construction en soient achevés. Puis les contrariétés commencèrent. Peu de temps après avoir versé les arrhes, Mme Z. commença à recevoir des courriers de plus en plus agressifs, lui enjoignant d’acquitter sans délais la totalité du prix de vente. Courriers totalement illégaux au regard de la loi VEFA, qui stipule clairement que les versements devront se faire au fur et à mesure de l’avancée effective des travaux de construction. Or, sur le chantier du promoteur, c’est le calme plat, à part un ou deux ouvriers équipés d’un balai et d’une brouette. Et lorsque Mme Z. s’est risquée à demander des explications, nul ne put lui répondre avec exactitude, ni lui préciser la date de livraison. Plus curieux encore, chez le promoteur, les dossiers des clients semblaient être gérés d’une manière assez anachronique. Ainsi trois personnes contactèrent Mme Z. D’abord une responsable commerciale, tout miel, tout sourires (même au téléphone) qui l’assurait et la rassurait, comme quoi le projet était en phase finale et que les premiers appartements seraient livrés incessamment; puis la responsable financière, qui elle, tout en réclamant le paiement des échéances, affirmait ne rien savoir de l’état d’avancement réel du projet ; et enfin la préposée au contentieux chargée de porter l’affaire en justice, qui estimait (à tort) que les paiements n’avaient rien à voir avec l’avancement ou non des travaux !
Le ton monta entre les deux parties, le vendeur et l’acheteur, et le litige se retrouva au tribunal. L’acheteuse faisait valoir les nombreuses irrégularités à la loi VEFA comprises dans le compromis de vente : absence d’un avocat ou d’un notaire lors de la rédaction de l’acte ; avances perçues illégalement ; retards dans les travaux, puis non-respect des dates de livraison…entres autres, mais suffisants pour obtenir l’annulation du compromis de vente. En face, le vendeur, du haut de sa puissance financière, ne prit même pas la peine de répondre à toutes ces allégations. Son avocat fit quelques pirouettes, arguant de l’incompétence du tribunal de commerce, puis s’en alla. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Le tribunal balaya allégrement l’argumentation de Mme Z. et rendit un jugement concluant en l’irrecevabilité des demandes, laissant tout le monde éberlué. A ce stade de l’histoire, les attendus sur lesquels se base le jugement ne sont pas encore connus, et nous y reviendrons. Mais le fait est que, dans ce dossier, la loi a été complètement bafouée et négligée. Les dispositions de la VEFA sont claires, logiques et impératives, ce qui signifie qu’un juge, chargé de ce genre de dossiers, n’a pas grande latitude : il doit se contenter de vérifier si les dispositions légales sont respectées, et dans le cas contraire annuler ce qui a été conclu. En matière juridique, l’adage stipule : «Est nul tout ce qui repose sur une nullité».
Or, ce cas illustre la connivence (réelle ou supposée) de certains magistrats peu enclins à s’attirer les foudres d’un puissant groupe immobilier, dont les dirigeants peuvent avoir le bras long… et ce sont les simples citoyens qui trinquent, car à ce jour, Mme Z. n’a ni récupéré son argent ni vu la couleur de l’appartement supposé acquis, et se retrouve embarqué dans des histoires de justice et de tribunaux.
