Dossiers Spéciaux
8 Mars. Droits des femmes : Tous les espoirs sont permis…
L’évolution sociétale, politique, économique et culturelle pousse inéluctablement à une garantie des droits des femmes. Pouvoirs publics et associations féminines s’y attèlent : réforme de la Moudawana et programmes d’autonomisation socioéconomique des femmes. L’objectif est d’instaurer une culture de l’égalité…
Des injustices envers les femmes, il y en a. Et c’est sans équivoque. Si en 2004 le nouveau Code de la famille avait donné de l’espoir au mouvement de défense des droits des femmes, celui-ci a, au fil des années, déchanté. En effet, au cours des vingt dernières années, des dysfonctionnements et des lacunes ont apparu et ont révélé la nécessité d’une révision de la Moudawana afin de mettre ses dispositions en adéquation avec l’évolution de la société marocaine.
La réforme est annoncée fin juillet 2022, à l’occasion de la fête du Trône. Le Roi Mohammed VI consacre une partie de son discours aux droits des femmes et appelle à une réforme du Code de la famille pour instaurer plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Le 1er novembre 2023, l’Instance chargée de la réforme de la Moudawana entame ses premières consultations avec les divers acteurs concernés par la question pour recueillir leurs propositions de révision du texte. Ainsi, 80 séances ont été tenues et durant 100 heures ont été auditionnés 6 institutions, 1.500 associations, 21 partis politiques et 10 associations des droits de l’Homme. Tous ont présenté leurs perceptions et propositions concernant la réforme du Code de la famille.
Début 2024, l’Instance annonce la fin des auditions, ce qui laisse prévoir que, pour l’heure, le processus est entré dans sa deuxième phase : la formulation des propositions d’amendements devant être présentées au Souverain et servir, après validation, de base à l’élaboration de la nouvelle Moudawana. Rien ne filtre encore et une grande discrétion entoure les contours de la réforme. Mais l’on peut d’ores et déjà constater, et ce depuis le démarrage du chantier, que la révision du Code de la famille divise la sphère politique. Si les progressistes souhaitent voir sauter les verrous d’une société conservatrice, de l’autre côté, l’on reste fermé au changement et à la consécration de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. L’équation s’annonce alors complexe, car les associations féministes sont en ordre de bataille pour obtenir des avancées réelles au moment où des voix conservatrices plaident pour le statu quo au nom de la défense des fondements de l’Islam.
La dignité des femmes et des enfants, une priorité
Auprès du ministère de la Justice, on se garde de parler des amendements et des changements qui seront apportés au Code de la famille, «car c’est un sujet sur lequel on ne peut pas communiquer, mais l’on peut dire que le rythme du travail est soutenu et le délai de six mois sera respecté». Ce même département tient à souligner que «la réforme s’opérera selon une approche marquée du sceau de la modération, de l’Ijtihad ouvert, de la concertation et du dialogue en tenant compte à la fois des mutations de la société marocaine, en écoutant la voix de la société civile et en adéquation avec les valeurs de la religion et des conventions internationales ratifiées par le Maroc». Le ministère promet des amendements qui permettront de remédier aux dysfonctionnements et limites du Code de 2004 en vue de garantir une dignité pour l’ensemble des membres de la famille.
Certes, la réforme de la Moudawana est le sujet qui monopolise actuellement le débat politique et social, mais il importe de souligner que d’autres actions, dans des domaines différents, ont été menées pour l’émancipation et l’intégration socioéconomique des femmes. Plusieurs chantiers et actions gouvernementaux ont été initiés visant tous la lutte contre les inégalités et les discriminations et pour la défense des droits des femmes. Ainsi, le ministère de la Solidarité, de I’insertion sociale et de la famille a mis en œuvre des initiatives pour améliorer la situation des femmes et promouvoir leur autonomisation. Des actions qui s’inscrivent dans le cadre des engagements du programme gouvernemental 2021-2026.
On citera alors la stratégie GISSR : Green Inclusive Smart Social Regeneration. Celle-ci vise à répondre aux attentes de toutes les couches de la société, en mettant un accent particulier sur les personnes vulnérables, notamment les femmes en situation difficile. L’objectif est de les autonomiser pour participer activement au développement socioéconomique. Le ministère poursuit ses efforts en faveur de la création et du soutien des centres d’écoute, d’hébergement et d’orientation juridique pour les femmes et filles victimes de violence. Parallèlement, il s’est engagé dans la création des Espaces multifonctionnels pour les femmes victimes de violence dans toutes les régions du pays. À cette fin, 105 accords de partenariat ont été conclus avec les associations chargées de la gestion de ces établissements afin de garantir aux femmes en situation difficile des services complets de prise en charge, d’hébergement d’urgence et d’autonomisation. Le tout a bénéficié d’un financement total de 21 millions de dirhams en 2023 et de 25 millions de dirhams en 2024.
Il convient de souligner que le programme GISSR est actuellement en cours de déploiement, en collaboration avec les régions, les wilayas et les provinces en s’appuyant sur les composantes du pôle social. L’objectif est de déployer un écosystème territorial d’incubateurs sociaux pour l’autonomisation économique et pour accompagner les femmes et les aider à sortir du cycle de la violence. L’insertion socioéconomique de 36.000 bénéficiaires au niveau national avec une moyenne de 3.000 femmes par région et un budget de 386 millions de dirhams. Actuellement, plus de 83.000 femmes se sont inscrites dans toutes les régions et suivent des formations en ligne sur les soft skills et l’entrepreneuriat. Le «Prix Tamayuz de la femme marocaine» a été médiatisé davantage, notamment dans les régions pour encourager les entrepreneuses et professionnelles à présenter leurs projets et initiatives. En 2023, une inscription importante a été enregistrée avec 753 projets candidats provenant principalement du monde rural, contre 65 projets en 2021.