Affaires
Plus de la moitié des litiges commerciaux portent sur les effets de commerce
Légère hausse de l’activité des juridictions de commerce de Casablanca au premier semestre de l’année judiciaire. Pas de revirement jurisprudentiel à signaler, à part quelques innovations en droit des sociétés.
Représentation commerciale : l’absence de texte spécifique laisse le champ d’interprétation libre pour les juges.

L’activité des tribunaux de commerce est un marqueur important de la situation économique. Au premier semestre de l’année judiciaire 2014/2015 (de septembre à février), les juridictions commerciales de Casablanca (tribunal et Cour d’appel de commerce), qui traitent plus de la moitié des litiges commerciaux au niveau national, ont enregistré une légère hausse de leur activité : 12 432 affaires jugées, 10 336 affaires enregistrées et 11 505 affaires courantes, soit une hausse globale de 3% par rapport à 2012/2013 et de 2,3% par rapport à 2013/2014. La majorité des affaires traitées (52%) porte sur les effets de commerce, le reste est équitablement réparti entre les affaires de fonds de commerce, de délais de paiement, d’entreprises en difficulté, du droit des sociétés ou encore du droit des transports (notamment maritime) qui a une place de plus en plus importante dans les litiges.
Contrats de cession de fonds de commerce : des précisions à prévoir
Si, durant cette période, aucun revirement jurisprudentiel n’est à relever, certains jugements et arrêts méritent que l’on s’y attarde. Notamment celui où, dans le cadre des cessions de parts de SNC et de SARL, les juges ont fait fi de l’exigence du double dépôt au RC à la fois de l’acte de cession et des statuts modifiés. Désormais, les juges casablancais considèrent que le dépôt des statuts modifiés est suffisant pour constater la cession et donc pour la rendre opposable aux tiers. Il y a également un arrêt de la Cour d’appel qui autorise une SARL à détenir une autre SARL et un autre qui rend possible pour les SARL de solliciter en justice la prolongation du délai de tenue de l’assemblée générale. Certains juges retiennent aussi que les personnes qui concèdent une location-gérance doivent avoir été commerçants ou artisans pendant 7 années, ou avoir exercé pendant une durée équivalente les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique.
Dans un autre registre, l’importance de la stipulation –dans les contrats de vente de fonds de commerce– que l’acquéreur continue les contrats en cours apparaît de plus en plus car d’après plusieurs affaires portées devant les tribunaux, cette clause devient essentielle pour l’apurement du passif, la volonté implicite des parties tendant certainement vers la réalisation de la cession pure et simple des contrats en cours. Cependant, les juges commerciaux qui se basent sur cette clause se heurtent aux tribunaux civils –qui annulent leurs décisions- car le code des obligations et des contrats ne contient aucune disposition en ce sens. Certains partenariats commerciaux sont également scrutés par les juges, notamment celui de la représentation. Il faut dire que l’absence de texte spécifique aux agents commerciaux (ils sont cependant cités dans le code de commerce qui s’abstient toutefois de définir leur champ d’activité) laisse le terrain libre aux tribunaux d’interpréter et de définir ce type de contrats.
Rupture d’un partenariat commercial : ce n’est pas toujours évident
La majorité des juges définissent l’agent commercial comme étant un mandataire qui, en tant que professionnel indépendant, non lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte d’autrui. C’est au niveau du droit à la commission que le bât blesse. La Cour d’appel de commerce de Casablanca a ainsi eu plusieurs fois l’occasion de souligner que, sauf clause dérogatoire, l’agent commercial «a droit à la même commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat avec une personne appartenant au secteur confié. Ce droit lui est reconnu même si l’agent ne bénéficie d’aucune exclusivité sur le secteur».
Concernant la rupture, dans 3 arrêts rendus par la Cour d’appel de commerce sur des affaires similaires, il a été considéré que «le contrat de représentation commerciale conclu pour une durée déterminée de trois ans renouvelable par tacite reconduction d’année en année ne constitue pas un contrat à durée indéterminée». Les juges estiment donc que «le concessionnaire qui met fin au contrat en respectant le préavis contractuel d’une année ne commet pas d’abus dans la rupture et n’a pas à justifier des motifs de résiliation». Cependant, le fait pour un agent commercial de n’avoir «pas démarché la clientèle pendant deux mois» ne peut constituer une faute grave. L’absence de prospection pendant une durée limitée et qui, de plus, n’a pas empêché la réalisation du meilleur chiffre d’affaires annuel depuis la conclusion du contrat ne peut justifier, à elle seule, une rupture du contrat. En revanche, commet une faute grave l’agent commercial qui cesse de prospecter la clientèle dans la plupart des zones géographiques qui lui avaient été confiées et qui n’est pas joignable et ne répond plus aux demandes téléphoniques de sa mandante. Cet agent a naturellement «failli à son obligation d’information à l’égard de sa mandante en préjudiciant à son activité». La Cour d’appel a considéré que «ces manquements constitutifs de fautes graves justifiaient la rupture de leurs relations».
