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Marché de l’immobilier : toujours dans l’espoir de jours meilleurs

Les prix des biens produits sont inadaptés à la demande des acquéreurs potentiels. Si les classes sociale et du haut standing sont servies, la classe moyenne reste délaissée. Les prix des biens ne devraient pas baisser.

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Contrat immobilier CASA

Le secteur immobilier traverse toujours une zone de turbulence. Un cycle qui dure depuis plus de trois années. Les transactions se font toujours aussi rares aux dires des agents immobiliers, notaires et promoteurs immobiliers. Et comme ce secteur d’activité représente l’un des principaux baromètres mesurant la bonne tenue de l’économie marocaine, son manque de dynamisme tire plusieurs autres secteurs à la baisse, à commencer par la consommation nationale des ciments. A fin 2018, elle a enregistré sa troisième année de baisse consécutive avec un retrait de 3,6% pour atteindre les 13,3 millions de tonnes. Il s’agit du plus bas niveau de consommation depuis 2007 ; cela, sachant qu’elle a accusé un repli de 2,5% en 2017 et de 0,7% en 2016. Pour leur part, les mises en chantier ont affiché un repli de plus de 30% en 2018, tous segments confondus. Même les crédits immobiliers ont marqué un ralentissement.
L’encours a progressé de 3,7% seulement en 2018, à 267 milliards de DH, contre une progression de 4,4% en 2017 et 2,5% en 2016. Cette évolution inclut un accroissement des crédits à l’habitat de 5,7% en 2018 à 207 milliards de DH, 3,8% en 2017 et 5,2 en 2016. L’encours des crédits aux promoteurs, lui, a accusé un recul de 3,5% l’année passée à 58 milliards de DH, contre une augmentation de 8,3% en 2017 et une baisse de 4,6% en 2016. C’est dire que plusieurs d’entre-eux ont donc levé le pied sur la production, en attendant des jours meilleurs, espérant écouler leurs stocks d’abord.

Pourtant, la demande existe. D’ailleurs, le ministre de l’habitat n’a de cesse d’évoquer un déficit de 400 000 logements et que la demande additionnelle porte chaque année sur une dizaine de milliers de logements.

Prix affichés élevés par rapport au pouvoir d’achat

L’offre, aussi, est variée et concerne tous les quartiers de l’axe Casablanca-Kénitra notamment. Alors pour quelles raisons les ventes ne se concrétisent pas ? Il est difficile de répondre à cette question d’une manière ferme. Si d’aucuns expliquent ce marasme par un problème de financement, d’autres préfèrent l’attribuer à d’autres facteurs. Taoufiq Kamil, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FNPI), souligne qu’il s’agit d’une crise de financement : «Les banques se montrent réticentes au financement des particuliers. Et les taux de crédit, aussi bas soient-ils, ne sont pas à la portée de la classe moyenne», ajoute-t-il. En face, Rachid Khayatey, vice-président de la FNPI et PDG de KLK Immobilier, explique: «Ce n’est pas une crise de foncier, encore moins une crise de production. D’un côté, il existe des milliers d’hectares couverts par des documents d’urbanisme. D’un autre, les promoteurs sont bien organisés, avec une ingénierie financière et technique développée. Même les entreprises de BTP sont aujourd’hui à la pointe de la technologie. En fait, la léthargie du marché immobilier tient à la difficulté de faire correspondre l’offre et la demande».

En effet, les prix affichés sont élevés par rapport au pouvoir d’achat de la classe moyenne. Si la classe populaire est relativement bien servie grâce au programme de logement social qui, lui-même, a montré ses limites, et si la classe aisée trouve chaussure à son pied, ce n’est pas le cas de la classe moyenne. Celle-ci reste insatisfaite en termes de logement car son pouvoir d’achat est limité. Même le programme gouvernemental consistant à produire des logements pour la classe moyenne s’est avéré être un échec. «Il n’existe pas sur le marché une offre intermédiaire. Le marché est fait par les logements à 250000 DH et les autres qui sont commercialisés à partir de 1 MDH au bas mot. Or, la classe moyenne a besoin d’un logement proposé à un prix moyen de 500 000 DH», ajoute M.Khayatey. Pour conforter cet avis, Karim Amor, PDG de Jet Group, fait remarquer que les prix pour cette couche de la population varient de 8000 à 12000 DH/m2. D’où la nécessité de définir ce qu’est la classe moyenne et d’identifier le prix moyen que cette couche est prête à débourser. Conséquence : un glissement de la classe moyenne vers le logement social, même s’il n’est pas adapté à ses attentes et ses besoins. Nécessité de trouver un logement oblige.
Et même si les promoteurs peinent à conclure des transactions, ils refusent de baisser leurs prix, tenant fortement tête aux acquéreurs potentiels. «Les prix des biens résidentiels sont en stagnation sur les principales villes comme Casablanca, Rabat et Tanger, mais ont connu des baisses drastiques dans les villes touristiques, dont Marrakech notamment. Toutefois, les biens secondaires commencent à afficher une baisse des prix, notamment ceux situés vers Skhirat et Bouznika», affirme Adil Lakhbizi, entrepreneur en BTP.

Pour le social, les promoteurs suggèrent l’aide directe aux acquéreurs

Dans cette conjoncture, les prix des biens immobiliers finiraient-ils par baisser ? Tous les professionnels contactés s’accordent sur la même réponse : ce ne sera pas le cas. M.Khayatey argumente : «Les promoteurs ont détaillé les prix de vente appliqués en tenant compte de l’ensemble des éléments qui rentrent dans la production, à savoir le foncier, les études, le coût de la construction, les matériaux de construction, les taxes et impôts, les crédits bancaires et la marge. Dans chaque poste, nous avons procédé à des optimisations pour arriver à un montage financer, et donc à un prix acceptable et qui s’oriente vers la demande». Autrement dit, les professionnels n’ont plus de leviers à actionner pour faire davantage baisser leurs prix. M.Lakhbizi ajoute : «Même dans certains cas où les promoteurs réalisent des marges de 40 ou 50% sur un projet, il faut annualiser cette marge sur le nombre d’années qu’ont nécessité la construction et la livraison. Actuellement, un projet requiert près de 4 années avant sa livraison complète. Ce qui revient à dire que le gain généré est d’environ 10% chaque année. C’est une profitabilité similaire à celle du commerce et la distribution par exemple».

Si les prix ne devraient pas baisser et si les ménages sont dans l’incapacité d’acquérir des biens immobiliers, compte tenu des prix appliqués, de quelle manière le marché immobilier devrait-il s’en sortir ? Le gouvernement ainsi que la FNPI sont en discussion continue en vue de trouver une solution. Pour rappel, le ministère a arrêté une stratégie de relance de l’habitat qui contient plusieurs axes de développement dont la mise à disposition du foncier public, le lancement d’un nouveau programme pour la classe moyenne, la diversification et l’amélioration de la qualité de l’offre… De son côté, la FNPI a émis plusieurs propositions de redynamisation du secteur à court, moyen et long termes, dans un mémorandum adressé aux pouvoirs publics, et se dit toujours en négociation avec l’Etat pour qu’elles soient prises en compte dans ce plan de relance. Cela dit, la revue des documents d’urbanisme tient à cœur aux promoteurs. Dans ce cadre, M.Kamil explique qu’en agissant sur la verticalité des immeubles, l’incidence foncière sera réduite et les prix des biens immobiliers se verront certainement fléchir. Le président de la FNPI propose aussi, dans le cas des logements sociaux, d’abandonner les incitations fiscales dont bénéficient les promoteurs et de substituer ce système de récupération de TVA par une aide directe aux acquéreurs. Le système bancaire doit également jouer le jeu. «Les banques devraient proposer le taux zéro aux primo-accédants à la propriété, en vue d’encourager la classe moyenne à acquérir un bien immobilier», propose M.Khayatey.

Dans tous les cas, sans mesures fortes appliquées tant par les promoteurs que par les pouvoirs publics, le secteur immobilier ne sortira pas de sa torpeur. «Plusieurs pays qui ont connu une crise de l’immobilier encore plus grave que la nôtre s’en sont sortis en mettant en place des réformes encourageantes et incitatives à l’acquisition. Allusion faite à l’Espagne et à la France notamment. Pourquoi pas notre marché ?», indique M.Khayatey.

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[tab title= »Zoom : Le secteur immobilier en bref » id= » »]L’immobilier est l’un des secteurs d’activité les plus prépondérants dans l’économie du pays. Il représente près de 7% du PIB national et une valeur ajoutée de 107,3 milliards de DH. Il emploie 1 million de personnes, soit 10% de l’emploi total au Maroc, et représente 27% des recettes de TVA. L’encours des crédits immobiliers, à près de 270 milliards de DH, correspond à 30% de l’encours global des crédits.[/tab]
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[tab title= »Stratégie : Plusieurs propositions pour réveiller le marché » id= » »]Les propositions de la fédération pour redynamiser le marché immobilier au Maroc ne manquent pas. Ses membres proposent, entre autres, de déduire les intérêts de prêts logements pour les salariés, et ce, dans la limite de 30% du revenu brut imposable contre 10% proposés actuellement, d’assouplir les conditions d’octroi de crédits aux acquéreurs et d’élargir les bénéficiaires des fonds de garantie du Fogalef et Fogaloge à d’autres cibles telles que les jeunes de moins de 35 ans et les commerçants. Pour le Fogarim, la FNPI considère qu’il est nécessaire d’inciter les autres banques à y adhérer à ce mécanisme ou leur imposer un pourcentage donné du total des crédits accordés à l’économie. Par ailleurs, les promoteurs recommandent l’élargissement de la convention public-privé, la digitalisation des procédures, la mise en place d’un guichet unique pour les autorisations administratives ainsi que la création d’un observatoire de l’immobilier.[/tab]
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