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Faute professionnelle : la Douane ne peut plus échapper à la condamnation

En 2015, 436 condamnations à réparation ont été prononcées contre l’Administration des douanes et des impôts indirects. A l’origine, une jurisprudence qui engage la responsabilité administrative sans faute lourde.

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La condamnation des administrations n’est pas chose rare dans les annales judiciaires. Cependant, ces affaires portaient exclusivement sur des fautes directes des agents ou des personnes morales. Ce n’est plus le cas puisque les juges admettent aujourd’hui la responsabilité de l’Administration des douanes. A l’origine, une jurisprudence datant de septembre 2014 qui a contribué à augmenter en flèche son implication dans des affaires judiciaires. Au total, cette administration a fait l’objet de 436 condamnations en 2015, soit une hausse de 30% par rapport à l’année précédente. «Le fait que l’Administration des douanes et des impôts indirects ait laissé un véhicule étranger entrer sur le territoire national sans carte verte ni assurance internationale est une faute professionnelle. La constatation de tout dommage causé par ce véhicule implique le versement par l’administration d’une indemnité réparatrice», tranche Mustapha Farès, premier président de la Cour de cassation, dans sa présentation des nouvelles tendances jurisprudentielles de 2015.

La victime ne peut être ni appauvrie ni enrichie

Le juge administratif a décidé de condamner l’Etat à verser une somme au titre du préjudice moral, eu égard à la durée des procédures engagées. En l’espèce, le véhicule étranger a été à l’origine d’un accident de la circulation relativement grave. Après avoir mené l’enquête, les services de police judiciaire ont constaté que le camion ne disposait pas d’une assurance internationale. Le juge du tribunal administratif a immédiatement mis en cause la Douane, qui a fini par être déboutée en cassation après avoir perdu en appel. La Haute cour a alors renvoyé l’affaire devant le juge administratif, en précisant toutefois que l’indemnité versée ne soit pas excessive : «Il appartient au juge administratif, s’il estime qu’il y a faute de service de nature à engager la responsabilité de la personne publique, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l’indemnité allouée par lui, les mesures nécessaires en vue d’empêcher que sa décision n’ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu’elle a pu ou peut obtenir devant d’autres juridictions à raison du même accident, une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi». Ainsi, la victime ne peut être ni appauvrie ni enrichie.

«Il est fréquent que l’administration soit condamnée à réparer des dommages causés par les fautes de ses agents qui peuvent être considérés comme fautes personnelles. Mais il est assez rare qu’elle se retourne contre eux. En revanche, si l’administration exerce l’action récursoire, la différence retrouve son importance. Il arrive qu’elle soit, elle-même, victime de la faute personnelle d’un de ses agents. Le cas échéant, elle peut poursuivre le fautif, mais seulement devant les juridictions administratives», explique-t-on du côté de la direction juridique de la Douane.

Le principe retenu par les magistrats pour qualifier la faute est celui de la «faute de service anonyme». C’est la faute commise par l’administration anonyme que l’on ne peut individualiser. Elle est impersonnelle et peut résulter des conditions d’organisation et de fonctionnement du service. On considère que tout agent placé dans les mêmes conditions aurait été susceptible de commettre la même faute. Il faut cependant préciser qu’il faut réunir des conditions particulières pour qu’un préjudice soit reconnu et ouvre donc le droit à réparation. Il doit être «direct, certain, personnel et évaluable financièrement».

Une jurisprudence historique

Ce revirement jurisprudentiel est historique, puisque la responsabilité de l’Etat ne pouvait souvent être engagée qu’en cas de faute lourde. Aussi, le juge administratif, pendant longtemps, n’a pas indemnisé tous les chefs de préjudice. Il refusait de prendre en compte le dommage moral, c’est-à-dire la peine causée par les souffrances ou le décès d’un être cher. La Douane intègre ainsi le club des administrations «facilement condamnable».

En effet, il n’est plus nécessaire d’apporter la preuve d’une faute lourde pour engager la responsabilité des services fiscaux, des établissements hospitaliers, des services d’aide médicale d’urgence, ou encore de la police. Quelques activités administratives seulement demeurent toujours épargnées par le chef d’accusation de la faute lourde en matière de responsabilité administrative. Il s’agit notamment des activités des juridictions judiciaires et administratives, des activités de contrôle ou de tutelle et notamment du contrôle de légalité effectué sur les actes des collectivités territoriales.