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Au Royaume

Israël reconnaît la marocanité du Sahara, à qui le tour ?

La reconnaissance officielle par Israël de la souveraineté du Royaume sur son Sahara a suscité une cascade de réactions. Le Roi Mohammed VI a exprimé ses remerciements au premier ministre israélien, et l’a invité à effectuer une visite au Maroc. Dans l’Hexagone, elle a ouvert les vannes des interrogations.

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Bien qu’attendue, depuis la signature de l’accord tripartite Maroc-USA-Israël en 2020, la décision d’Israël de reconnaître la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud constitue bel et bien un tournant majeur dans le dossier du Sahara marocain. Il convient de signaler tout d’abord que cette reconnaissance n’est nullement une condition pour la reprise des relations entre les deux pays. Elle en est, par contre, la conséquence : elle ouvrira davantage d’horizons pour la coopération multidimensionnelle dont les deux parties sont en train de jeter les jalons. La preuve par la multiplication des visites, mais aussi celle des accords et conventions, aussi stratégiques que diversifiés, signés récemment. La suite logique, qui ne saurait tarder, étant la promotion des représentions des deux pays, les bureaux de liaison, au rang d’ambassades.

Cette inflexion prometteuse dans les relations bilatérales ne manquera certainement pas d’impacter les évolutions futures. Un effet qui rappelle l’impact qu’a eu, en décembre 2020, la reconnaissance par Washington de l’intégrité territoriale marocaine. Et rien que sur les dernières années, à la faveur d’un travail acharné de la diplomatie du Royaume et les positions fermes du Roi Mohammed VI sur ce dossier, nombreuses sont les puissances internationales qui ont fini par se rendre à l’évidence qu’il n’y a de solution à ce différend factice, épave des relents de la Guerre froide, autre que le projet marocain d’autonomie avancée. Aboutissement d’un long processus, à la fois diplomatique et politique, cette reconnaissance israélienne est, en effet, l’expression même d’une tendance de fond dans le processus des dynamiques marquant la série des positions en faveur de l’intégrité du Royaume émanant de plus en plus de pays qui s’alignent sur la vision marocaine. Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Autriche, pour ne citer que ceux-là, font partie de la quinzaine d’États européens qui ont officiellement exprimé leur soutien à la proposition marocaine. Alors que de par le monde, ils sont plus d’une centaine. Au moment où 28 pays (d’Afrique, du monde arabe et d’Amérique latine) ont d’ores et déjà leurs consulats entre Laâyoune et Dakhla. Un nombre qui pourrait être porté à au moins 29 avec l’annonce d’une prochaine ouverture d’une représentation diplomatique de l’État d’Israël à Dakhla. Sans parler d’éventuelles nouvelles ouvertures à venir.

Réagissant à la décision d’Israël, l’ancien ambassadeur américain à Rabat, David Fischer, ne s’y trompait pas d’ailleurs. Tout en saluant cette position, l’ancien diplomate a tenu à «mettre en avant le soutien international grandissant aux droits légitimes du Royaume sur ses provinces du Sud». Au-delà de la relation bilatérale, qui ne cesse de se raffermir, à tous les étages, D. Fischer, dont on gardera, entre autres, ce moment de la signature sur la carte du Royaume (la première éditée par les États-Unis après leur reconnaissance de la marocanité du Sahara), voit dans cette position israélienne un effet de levier «susceptible de promouvoir la paix, la sécurité et la prospérité dans toute la région».

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, abonde dans le même sens tout en soulignant que cette décision ne manquera pas, à coup sûr, de consolider les relations entre les deux États et les deux peuples, et ce, dans le sens de l’approfondissement et de l’élargissement de la paix et de la stabilité. Pour l’American Jewish Committe, cette reconnaissance devrait libérer le potentiel du partenariat bilatéral pour relever les défis existants, mais surtout saisir les opportunités pour aller de l’avant.

Paris à la traîne dérange les Français !
Maintenant, alors qu’elles sont nombreux, les personnalités, les hommes politiques, experts, diplomates qui mettent en avant les perspectives qui s’ouvrent, c’est du côté de l’Hexagone que des voix s’élèvent pour réveiller Paris. En effet, alors que la France défendait, dès 2007, le projet d’autonomie, elle s’est, depuis quelques années, recroquevillée dans une posture qui crée problème au sein même de la classe politique française. Et les réactions de plusieurs politiciens en livrent la démonstration. À l’image d’Eric Ciotti, président du parti Les Républicains, qui, tout en se «réjouissant de la reconnaissance par Israël de la marocanité du Sahara», en relevant que «la souveraineté du Maroc est indiscutable», «appelle la France à résoudre cette question stratégique».
Le secrétaire général adjoint de la même formation politique n’y va pas de main morte en s’interrogeant : «Qu’attend la France pour, à son tour, reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara ?». Pierre-Henri Dumont, également député et membre de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale française assène : «Les plus grandes démocraties du monde ont fait ce choix. Pas la France, pourtant amie historique du Royaume. Incompréhensible et extrêmement dommageable».

Bruno Fuchs, porte-parole du parti MoDem, n’y a va pas avec le dos de la cuillère, en soulignant que «la France qui voit ses relations se dégrader jour après jour avec son allié marocain ne peut plus faire l’autruche». Pour le secrétaire général de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, Paris «doit prendre une position».

Même son de cloche du côté du président du groupe Union centriste au Sénat. Hervé Marseille, sénateur et président du groupe d’amitié franco-italien, a twitté : «À son tour Israël reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara, cette décision devrait inspirer la France. Il est urgent de réparer la relation franco-marocaine».

C’est dire que l’Élysée est doublement concerné. D’abord face à la marche de l’Histoire et face à sa propre opinion publique.


Les experts s’invitent

Dès l’annonce de la reconnaissance par Israël de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, les réactions des experts se sont enchaînées. Ainsi, pour le Washington Institue for Near East Policy, par la voix de son directeur exécutif, cité par l’agence MAP, cette décision est à même de contribuer à raffermir les relations entre deux des partenaires les plus proches de Washington, estimant qu’il s’agit là d’une «contribution positive» à la paix et à la sécurité régionales.
Alors que le président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, Dupuy Emmanuel, estime pour sa part que «par ce geste déterminé et déterminant, le PM israélien clarifie une situation qui devrait nous inviter à aller dans le même sens». Pour Nimrod Goren, président de l’Institut israélien pour les politiques étrangères régionales (MITVIM), cette reconnaissance est synonyme de grandes perspectives de développement entre les deux pays et «il est nécessaire de tirer profit de cela non seulement pour le bénéfice des deux pays, mais aussi pour travailler ensemble en vue de faire avancer le processus de paix israélo-palestinien».