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«La commission des intermédiaires n’a pas évolué depuis plus de 40 ans !»

• La crise a mis à nu la réalité des agences qui ont déjà du mal à supporter les protocoles de remboursement des impayés qui leur ont été imputés.
• Le client reste méfiant quant à l’achat de son assurance sans le conseil de son agent ou courtier.

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Salim Kanouni directeur général de CQ Risk Assurances

Salim Kanouni nous dévoile les difficultés que traversent les intermédiaires en assurance, notamment durant cette période de crise sanitaire…

• Comment avez-vous accueilli les mesures prises conjointement par la FMSAR et la FNACAM pour venir en aide aux intermédiaires d’assurance fragilisés par la pandémie ?
Dans le cadre des mesures d’aide au réseau lors de la pandémie, la FMSAR a pris ses décisions sans aucune concertation avec le réseau d’intermédiaires et indépendamment des autres intervenants. D’autant plus que ces mesures ont été tardivement prononcées et n’ont pas été à la hauteur des pertes subies par les agences.
De leur côté, les amicales se sont réunies en avril dernier et ont demandé aux compagnies de prendre leurs responsabilités vis-à-vis de leurs agents généraux, durant cette période de crise. Parmi ces requêtes il a été demandé de prendre en charge les frais d’exploitation de l’agence, ainsi que les valeurs impayées de la période. Elles ont également demandé la suspension d’envoi des mises en demeure aux clients et l’assouplissement des dispositifs de reversement des primes, étant donné la complication du processus de recouvrement. En guise de réponse, la FMSAR s’est contentée d’un timide communiqué de presse portant sur le mode de paiement de la période prorogée.
L’autre mesure prise, dans l’optique d’aider les agences à se redresser, a été d’organiser des challenges commerciaux pour inciter les agences à réaliser un certain taux de renouvellement récompensé par des gratifications par pallier en numéraire.
Enfin, les compagnies ont «offert» aux agents un crédit sur 12 mois avec un taux d’intérêt de 2%…
Ces «mesures» sont très loin d’être satisfaisantes. Sous d’autres cieux, les compagnies mandantes ont été bien plus généreuses avec leurs agents et courtiers. En France par exemple, le conseil d’administration de CGPA, assureur spécialiste de la responsabilité civile professionnelle des intermédiaires d’assurances a décidé d’aider le monde de l’intermédiation en débloquant la modique somme d’un million d’euros.

• Quelles sont les difficultés rencontrées durant cette crise sanitaire ?
La crise a mis à nu la réalité des agences qui ont déjà du mal à supporter les protocoles de remboursement des impayés qui leur ont été imputés. Toutes les opérations de gestion leur ont été déléguées en plus de charges de fonctionnement et de gestion dépassant largement leurs capacités financières.
Actuellement, 1200 agences risquent de faire faillite ou de fermer définitivement. Non seulement les compagnies d’assurance n’ont apporté aucune aide financière, mais elles ont contribué à la baisse du chiffre d’affaires des agences en réduisant leur commission proportionnellement au «soi-disant» rabais de 30 % accordé aux assurés sur la période de confinement.

Les représentants de la profession au fil des années...• Quelles sont les leçons à tirer de cette période de pandémie ?
La période de pandémie a confirmé deux points essentiels, à savoir l’insuffisance de la commission qui n’a pas évolué depuis plus de 40 ans! Pourtant le secteur de l’assurance se caractérise par un chiffre d’affaires en constante évolution et une rentabilité des compagnies maintenue à deux chiffres.
Cette pandémie a également démontré à quel point l’intermédiaire était le maillon faible de tous les intervenants de ce secteur. Il doit user de tous les moyens mis à sa disposition pour recouvrer sa dignité auprès de ses partenaires

• Quels sont les chantiers les plus urgents pour les intermédiaires ?
Il est impératif de procéder à une révision des traités de nomination (caution personnelle, collaboration avec d’autres compagnies pour les risques ne rentrant pas dans la politique commerciale de la mandante …). Il faudrait également prévoir une déductibilité de la TVA de la commission qui devrait augmenter d’au moins 25% sur toutes les branches, avec l’accord d’une commission de gestion de la production et du sinistre. Cette commission devra être réglementée par l’autorité de contrôle. A noter que le taux de commissionnement de l’assurance automobile est actuellement de 12% brut, soit 9,60%nets.
En outre, certains abus qui nuisent à la profession devraient être dénoncés, notamment le lobbying exercé par les grands courtiers. Ces derniers sont favorisés par des conventions tacites avec les compagnies qui leur accordent des tarifs préférentiels et des conditions souples en matière de souscription et de reversement des primes.
En terme de gestion, les cabinets devraient être plus indépendants. Les compagnies devraient cesser d’intervenir dans leur gestion interne.
Dernier point et non des moindres, la sensibilisation des juges quant au traitement des litiges opposant l’intermédiaire à la compagnie. Les dossiers devraient être traités équitablement, car nous sommes tous égaux aux yeux de la loi.

• Votre avis sur le courtage en assurance en ligne ? Pourquoi peine-t-il à décoller au Maroc ?
D’après un rapport établi par la société WEBEUZ, il existe au Maroc 17,8 millions d’internautes.
D’après le même rapport, les requêtes de recherche sur Google en rapport avec le secteur de l’assurance au Maroc sont en forte augmentation (+78%)
De plus, le confinement a démontré l’intérêt de la vente en ligne concernant divers produits.
Ces données laisseraient penser que la digitalisation de ce secteur est déjà bien installée.
Si certaines branches sont déjà opérationnelles, elles concernent surtout la consultation à distance (dossiers maladie, échéanciers…)
Des actions ont également été testées concernant l’expertise des véhicules à distance, uniquement pour les extensions de garanties.
Ceci dit, même si la vente en ligne a été louée par les compagnies d’assurance, elle n’a pas eu le succès escompté. Elle attise leur convoitise mais en face elle suscite des craintes auprès des intermédiaires. Les premiers voudraient améliorer leur rentabilité en encaissant dirLa circulaire de tropectement auprès du client. Tandis que les seconds craignent justement la perte de leur commission s’ils venaient à être court circuités par le digital.
Quant au client, il reste méfiant quant à l’achat de son assurance sans le conseil de son agent ou courtier. Déjà, qu’il a du mal à déchiffrer les faces cachées des clauses et exclusions chez son assureur conseil, imaginez-le livré à lui-même au milieu d’une série de cases de garantie à cocher !
Il s’expose d’autant plus au risque de se faire inclure des produits dont il n’a même pas connaissance. C’est ce qu’on appelle dans le jargon l’assurance inclusive.
En Europe et notamment en Grande-Bretagne, l’assurance inclusive a été pour beaucoup d’acteurs une opportunité pour glisser dans une opération centrale des produits déclinés. Ce qui a entraîné des procès et des condamnations particulièrement élevés.
En ayant recours à l’intermédiaire, la relation de confiance qui s’installe rassure les deux parties (intermédiaire/client). Etant donné que le pivot dans l’histoire reste le client, la réussite de la digitalisation dans le secteur de l’assurance va encore se mesurer en dizaines d’années.

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