Affaires
Société Anonyme : la tenue d’un registre de transfert des titres sera obligatoire
Toute cession d’actions doit y figurer. Cette mesure devrait servir à définir un «référentiel» des prix des titres sociaux. Mais les juges ont étendu l’obligation de dépêcher un expert pour l’évaluation des prix, ce qui peut rendre la disposition caduque.

La réforme de la Société Anonyme ressort des méandres du circuit législatif. Les députés de la commission des finances ont finalement ressorti le projet de loi, l’ont examiné et approuvé avec quelques modification par rapport au texte initial. Ce dernier comprenait déjà quelques dispositions phares : comité d’audit obligatoire pour les sociétés cotées, dématérialisation du dépôt des états de synthèse ou encore encadrement plus rigoureux des conventions réglementées. Mais une nouvelle mesure a été adjointe au texte : l’obligation de tenue d’un registre social de transfert des titres.
Désormais, la transmission des actions au sein de la Société anonyme, notamment par suite de cession, mutation par décès, ou donation, doit être inscrite dans l’ordre chronologique sur un registre dénommé «Registre de transfert des titres». Ce dernier ne concerne que les sociétés qui ont émis des actions sous la forme nominative, précisément des entreprises qui ont attribué des actions à des personnes connues d’elles-mêmes, c’est-à-dire leurs actionnaires. Il doit contenir la désignation précise de chaque actionnaire (nom, prénom et adresse), le nombre d’actions appartenant à chaque actionnaire, la catégorie et la caractéristique des actions transférées, l’indication des versements effectués lors de la constitution de la société ou lors des augmentations de capital, les transferts des actions avec leur date (avec désignation précise des noms des cédants et des bénéficiaires) et, enfin, la mention expresse de la nullité des titres.
Toute cession doit être notifiée au conseil d’administration
Toujours est-il que le transfert des titres au sein de la Société anonyme est soumis à des règles très souples (contrairement à la société à responsabilité limitée). La cession des actions peut s’opérer, à l’égard des tiers et de la société, par une déclaration de transfert, signée, du cédant ou de son mandataire et mentionnée sur les registres sociaux. Ainsi, la propriété des actions résulte de leur inscription au nom des titulaires sur lesdits registres qui doivent être tenus au siège social. Toutefois, les statuts peuvent prévoir des conditions plus strictes comme par exemple l’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts. Une telle clause ne peut être stipulée que si les actions revêtent exclusivement la forme nominative en vertu de la loi ou des statuts. Même si la cession est libre et non soumise à autorisation, elle doit être notifiée au Conseil d’Administration.
Si selon les praticiens l’enregistrement des transferts servirait à établir une sorte de «référentiel» des prix des titres sociaux, et ainsi éviter aux juges de dépêcher un expert pour une éventuelle évaluation, la pratique judiciaire démontre qu’il en est autrement. En effet, la loi dispose que «dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible». En effet, alors que cette disposition n’était applicable qu’en cas d’existence d’une contestation du prix de cession de droits sociaux, dans le cadre d’une cession prévue par la loi et non spontanément voulue par les parties, une tendance jurisprudentielle récente a étendu le champ d’application de cet article à «tous les cas où la cession de droits sociaux ou leur rachat sont prévus», c’est-à-dire non seulement dans les cas expressément prévus par la loi, mais également lorsque cette cession ou ce rachat sont prévus par les statuts.
Cette extension et ses conséquences ont conduit les praticiens à «déplacer» la plupart des clauses de cession et de rachat de droits sociaux et les mécanismes de fixation du prix de cession y afférent dans des pactes extrastatutaires et à recourir, le plus souvent possible, à des promesses de vente et d’achat. Des juristes d’affaires vont même plus loin en conseillant à leurs clients d’opter pour une toute autre structure, peu connue: la société anonyme simplifiée (voir encadré). En effet, dans cette forme de société, l’intervention d’un expert ne s’applique qu’en cas de silence des statuts et à défaut d’accord des parties.
