Affaires
Recrudescence de la criminalité financière
D’une centaine, le nombre de dossiers transmis à la justice est monté à 200 en 2013 et 327 en 2015. Les plaintes avec constitution de partie civile sont aussi en augmentation. Le groupe parlementaire de l’UC prône l’allongement des délais de prescription pour mieux traquer les délinquants.

A bus de confiance, cavalerie, détournement de fonds… Les faits de criminalité financière deviennent récurrents devant les juridictions du Royaume. Si quelques-unes des infractions sont traitées par des organes indépendants (Autorité marocaine du marché des capitaux -AMMC-, Conseil de la concurrence…), la grande majorité est déférée devant les chambres criminelles des Cours d’appel qui interviennent en premier ressort. Ainsi, cette typologie très précise de criminalité, souvent surnommée «délinquance en col blanc», est passée de moins d’une centaine d’affaires par an en 2010, à plus de 200 en 2013 pour atteindre 327 en 2015. Une forte hausse certes, mais ce chiffre reste relativement bas par rapport au reste des infractions et s’explique par la volonté du parquet, seul à décider des poursuites à engager, de n’ouvrir un dossier que si l’affaire le justifie vraiment. «Si le parquet peut maîtriser le déroulement des enquêtes, des instructions au long cours seront vraisemblablement évitées», souligne un membre du parquet de la Cour d’appel de Casablanca. Le parquet veut veiller au respect de délais raisonnables quitte à abandonner des pans de dossiers dont on sait qu’ils ne sont pas susceptibles de constituer des infractions pénales. L’augmentation survenue lors du début des années 2010 est quant à elle corrélée, selon les magistrats consultés, à une hausse «très nette des plaintes avec constitution de partie civile». «Aujourd’hui, observe un juge d’instruction, seules deux raisons existent encore pour saisir un juge : la pression médiatique ou la nécessité technique», comme par exemple le fait de demander une mesure de détention provisoire, option impossible au stade de l’enquête préliminaire.
Souvent, les délais de prescription sont consommés lorsqu’une affaire est détectée
Si tous les magistrats ne sont pas enclins à traquer les crimes et délits financiers, ceux des chambres dédiées à la criminalité financière ne lésinent pas sur leur pouvoir. Mais pour eux, l’un des principaux remparts contre la criminalité réside dans les délais de prescription. En effet, la règle est que le point de départ du délai de prescription de l’action publique est fixé au jour de la commission de l’infraction. Souvent, ce délai est déjà consommé lorsque les auteurs des infractions sont désignés, ou encore quand l’infraction est elle-même découverte. Mais les règles de procédure civile sont malléables et la jurisprudence montre que les juges s’adaptent. Ainsi, pour les infractions présentant un caractère occulte par nature ou dissimulées par leurs auteurs, le juge a pu décider de reporter ce point de départ au jour où les faits sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. Et vu que cette méthode a permis de répondre aux besoins de la répression de certaines infractions astucieuses, tout particulièrement en matière de grande délinquance économique et financière, le législateur a voulu s’en inspirer.
Une proposition de réforme du groupe parlementaire de l’Union Constitutionnelle (qui compte beaucoup de juristes en son sein) veut allonger les délais de prescription pour certaines infractions et les réduire pour d’autres. Le texte veut multiplier les délais de prescription dérogatoires au droit commun, en soumettant certaines infractions à des délais allongés (infractions commises sur les mineurs, actes de nature terroriste, infractions à la législation sur les stupéfiants…) ou abrégés (infractions de presse, infractions prévues par le code électoral…).
Le texte prévoit également de reporter le point de départ de la prescription de l’action publique pour certaines infractions ou catégories d’infractions, soit en raison de l’âge (report à la majorité de la victime pour les infractions sexuelles sur un mineur) ou de la situation de la victime au moment des faits (report au jour où les faits apparaissent à la victime pour certaines infractions commises sur une personne vulnérable), soit pour tenir compte de la spécificité de l’infraction (banqueroute, insoumission ou désertion…).
