Affaires
La réforme de la propriété industrielle pourra-t-elle endiguer la contrefaçon ?
Seulement 600 affaires jugées devant les tribunaux, alors que le phénomène coûte 0,7% de point du PIB. Procédure de dépôt de brevet mieux verrouillée, renforcement de l’arsenal répressif…, ce que la loi prépare.

Une perte estimée entre 6 et 12 milliards de DH pour l’industrie, soit 0,7 point du PIB, un manque à gagner fiscal d’un milliard et 3 000 emplois perdus ou informels… Ce sont, en substance, les principaux impacts de la contrefaçon sur l’économie marocaine. L’étude présentée par l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale(OMPIC) en février dernier a révélé les dysfonctionnements avérés du système de protection de la propriété industrielle et commerciale.
Seulement 595 affaires de contrefaçon ont été jugées par les tribunaux de commerce des régions de Tanger, Oujda, Agadir et Casablanca sur la période 2010-2013 ; le Comité national pour la propriété industrielle et anticontrefaçon (CONPIAC) estime qu’il en existe pas moins du triple! Autant dire que le Maroc, signataire de l’ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) et qui prépare son adhésion au Traité de Singapour et à l’Arrangement de La Haye, est aujourd’hui sous pression. D’où la réforme concoctée en mars 2013 et adoptée en première lecture.
En conformité avec l’accord de validation des brevets européens au Maroc, le système d’enregistrement des brevets va connaître une procédure nouvelle.
Ainsi, les dossiers de demande de brevets d’invention déposés auprès de l’OMPIC feront désormais l’objet d’un rapport de recherche préliminaire accompagné d’une opinion sur la brevetabilité. Un système de validation voit aussi le jour. Un brevet d’invention (ou une demande) émanant d’un organisme étranger (d’un Etat ou d’une communauté d’Etats) aura les mêmes effets qu’un brevet déposé auprès de l’OMPIC. Le projet d’amendement prévoit la mise en place d’un système de rejet des demandes d’enregistrement de marques. Ainsi, l’OMPIC pourra rejeter par décision motivée les demandes lorsqu’il considère que «le signe est dépourvu de caractère distinctif, ou qu’il est de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit».
Les dépôts pourront se faire par voie électronique
Ces normes nouvelles permettront ainsi de scinder une marque sur une partie des produits et services désignés par la demande initiale. En cas d’opposition sur la demande initiale, une demande divisionnaire permettra au requérant d’enregistrer la partie qui n’est pas visée par l’opposition sans attendre le règlement du litige.
Et afin d’assouplir la procédure de dépôt des demandes de titres de propriété industrielle, le nombre de pièces à fournir sera réduit. De même, toute personne aura la possibilité de déposer des observations sur les demandes de dépôt. Ces dernières seront publiées, sauf demande expresse du déposant. Si la procédure d’opposition ne fait l’objet d’aucun aménagement, le système de datage pourra désormais faire foi. Il permettra aux auteurs et créateurs de se constituer une preuve de leur création à la date de la remise d’un dossier à l’OMPIC. Et pour être en conformité avec l’arrangement de La Haye, les opérateurs pourront désormais déposer directement les demandes d’enregistrement des dessins et modèles par interface électronique.
Les réaménagements introduits par le projet de loi concernent aussi le renforcement de la dissuasion. Les peines encourues pour contrefaçon seront désormais allongées (deux à six mois d’emprisonnement et une amende de 50 000 à 500 000 DH). Les titulaires des droits auront le choix entre l’action civile ou pénale. En outre, le président du tribunal peut autoriser la saisie ou une autre forme de rétention des matériaux, des instruments et des éléments de preuve documentaires.
