Affaires
La loi protège mieux les victimes des contrefacteurs
En 2015, les affaires relatives à la propriété industrielle ont dépassé le cap des 1500, soit trois fois plus que les années précédentes. Le constat de la contrefaçon ne se limite plus au signe distinctif, tous les éléments de nature à créer des confusions doivent être vérifiés.

Alors que les tribunaux étaient considérés comme l’un des maillons faibles de la lutte contre la contrefaçon du fait des décisions peu contraignantes, l’année 2015 a marqué un tournant dans le traitement judiciaire des falsifications commerciales. Les affaires relatives à la propriété industrielle, presque exclusivement dédiées à la contrefaçon, ont dépassé le cap de 1 500. Un chiffre record puisque cela dépasse ce que les juges ont pu connaître en 3 ans (2012/2014).
Cette évolution s’accompagne d’une tendance jurisprudentielle de plus en plus sévère vis-à-vis des contrefacteurs. «Lorsqu’il existe un conflit entre deux marques similaires mais non identiques ou entre une marque et un autre signe distinctif tel qu’un nom de domaine qui seraient similaires, le titulaire de la marque déposée antérieurement dispose d’un recours en contrefaçon par imitation», explique, pour commencer, Dr Mohamed Darmich, juriste spécialiste en matière de contrefaçon. Il précise qu’il «s’agit d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de la marque et le plaignant doit prouver qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne».
0,7% de PIB perdu à cause de la contrefaçon
Fait nouveau : Alors que les juges se basant sur un signe distinctif pour considérer que les marques diffèrent et que donc l’action en contrefaçon est nulle, la Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel en vue de mieux protéger les titulaires des marques. La Haute cour a en effet considéré que les juges ne doivent pas se limiter à constater les «seules différences ente les signes en conflit pour conclure à l’absence de risque de confusion et rejeter l’action en contrefaçon, mais doivent rechercher si, par une appréciation globale, il pouvait exister un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne».
Une nouvelle tendance saluée par les membres du Comité national pour la propriété industrielle et anti-contrefaçon (Conpiac) qui confirme, via une étude publiée en 2015, la nouvelle tendance jurisprudentielle. «Il existe plusieurs éléments qui peuvent influencer le consommateur dans son appréciation d’une marque et des produis et services qui lui font écho. Au-delà de simples similitudes ou divergences entre les marques, d’autres critères peuvent induire le consommateur en erreur et le porter à croire qu’un produit ou qu’un service provient bien du titulaire de la marque contrefaite. Tel est le cas des spécialités des marques en cause ou encore de la notoriété de la marque antérieure à la marque contrefaisante», lit-on dans le document. Le risque de confusion ne peut donc pas résulter uniquement d’un seul facteur tel qu’un terme différent, mais il doit être apprécié au regard de tous les éléments permettant une appréciation globale de la situation.
Ainsi, les tribunaux deviennent, avec l’administration des douanes, un des piliers principaux de la lutte contre la contrefaçon, qui devient de moins en moins évidente. Le Maroc vient en effet d’être classé 11e exportateur et 6e producteur des produits contrefaits et piratés (avec 0,6% de part de la production mondiale) par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui s’est appuyée sur des chiffres communiqués par les directions des douanes mondiales pour les années 2011, 2012 et 2013
(www.lavieeco.com). Le principal secteur exposé demeure le textile et cuir, suivi des produits électriques, des pièces de rechange et de cosmétiques. D’ailleurs, l’étude précise que les marchés informels locaux de production et de distribution contribuent au même titre que les importations à alimenter le marché intérieur des produits contrefaits. Au total, l’OMPIC parle d’une perte estimée entre 6 et 12 milliards de DH pour l’industrie, soit 0,7 point du PIB, un manque à gagner fiscal d’un milliard de DH et 3000 emplois perdus ou informels…
[tabs][tab title = »L’OMPIC a reçu 1 200 oppositions en 2015« ]La loi 17-97 sur la protection de la propriété industrielle, modifiée et complété par la loi 31-05 en 2006 et la loi 23-13 en 2014, a permis de renforcer la répression par l’allongement des peines d’emprisonnement et l’augmentation des amendes. Le texte ouvre la possibilité au titulaire des droits de choisir entre l’action civile ou pénale pour défendre ses droits sans aucune restriction. Par ailleurs, le texte prévoit que le président du tribunal peut autoriser la saisie ou une autre forme de rétention des matériaux, des instruments et des éléments de preuve documentaire, sous forme d’originaux ou de copies, liés à l’atteinte. Cependant, les procédures d’opposition sont en règle générale -avant 2015- plus activées par les entreprises que les actions en justice, car moins coûteuses et plus rapides. Ainsi, en 2015, plus de 1 200 oppositions ont été déposées à l’OMPIC, dont plus de la moitié par des entreprises marocaines. L’administration douanière est également active puisque le recours aux demandes de suspension de libre circulation d’une marchandise contrefaite connaît un succès grandissant : 750 dossiers soumis en 2015.[/tab][/tabs]
