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Affaires

Impayés bancaires : les réalisations d’hypothèques en baisse dans les tribunaux

Quelque 1 320 cas de mise en œuvre de garantie recensés au premier semestre, en baisse de 20% par rapport à l’année dernière. Les banques recourent de plus en plus aux procédures de recouvrement à l’amiable. 240 délais de grâce accordés par les juges.

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L’achat d’un bien immobilier en milieu urbain est souvent synonyme d’endettement auprès d’un organisme de crédit et donc d’octroi d’une hypothèque conventionnelle sur le bien en question. Le cauchemar de tout ménage est donc d’être confronté à une mise en œuvre de cette garantie, autrement dit à la dépossession du bien puis de sa vente judiciaire. Lors du premier semestre, 1 320 réalisations d’hypothèques -concernant des personnes physiques- ont été recensées par les juridictions, ce qui représente 95% des garanties mises à exécution. Malgré la hausse des impayés bancaires, ce chiffre est en baisse de 20% par rapport à la même période de l’année dernière. «Cette tendance baissière des réalisations est également remarquée au niveau des directions juridiques des banques», explique le responsable juridique d’une banque de la place. Pour lui, elle est due au recours de plus en plus fréquent des banques à deux moyens de recouvrement à l’amiable : la vente à réméré et la dation en paiement. Deux mécanismes réservés généralement aux promoteurs immobiliers mais qui sont de plus en plus appliquées aux particuliers.

Des filiales bancaires pour gérer le patrimoine immobilier

La dation en paiement est une formule de remboursement par laquelle le débiteur remet à son créancier (la banque), en accord avec celui-ci, pour solder tout ou partie de sa dette, une chose différente de celle prévue initialement en règlement. En d’autres termes, la banque acquiert le bien immobilier du débiteur, au lieu de réaliser directement l’hypothèque. Cette procédure est de plus en plus utilisée au point que plusieurs banques ont créé des filiales pour la gestion de ce patrimoine immobilier. Tendance qui inquiète la Banque centrale qui a décidé d’agir pour encadrer le recours à ce mécanisme (voir article en page 14).

De son côté, le réméré est un contrat de vente, établi devant notaire, qui garantit au vendeur la possibilité de racheter son bien ultérieurement. Le vendeur pourra continuer à occuper le bien et devra, dans ce cas, conclure un contrat d’occupation des lieux avec l’acquéreur et lui payer des indemnités d’occupation. Dans un contrat de réméré, on ne parlera pas de bail ni de loyer, mais plus précisément de contrat d’occupation des lieux (ou de convention d’occupation précaire) et d’indemnités d’occupation. Il faut toutefois noter que le prix payé dans le cadre du réméré est inférieur au prix qui aurait pu être obtenu lors d’une mise en vente classique sur le marché immobilier. Par contre, l’indemnité mensuelle d’occupation peut être beaucoup plus élevée que le loyer pour la location d’un bien équivalent.

Enfin, le nouveau propriétaire, devenant le propriétaire définitif, pourra donner congé au vendeur, voire réclamer son expulsion sans délai.

Le débiteur doit apporter les preuves à l’origine de ses difficultés financières pour bénéficier du délai de grâce

Non seulement les réalisations d’hypothèques sont en baisse, mais les magistrats se montrent cléments. Au premier semestre, 240 délais de grâce ont été prononcés, contre seulement 87 lors de la même période de l’année précédente. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle que le président du tribunal accorde par voie d’ordonnance, et qui consiste en la suspension de l’exécution des obligations du débiteur notamment en cas de licenciement ou de situation sociale imprévisible. L’ordonnance peut, en outre, prévoir que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront pas d’intérêt et peut déterminer les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension. Mais une telle brèche ne peut être ouverte sans conditions. «Il convient de mettre la bonne foi de l’emprunteur en avant et de démontrer la réalité des difficultés rencontrées ainsi que leur caractère temporaire, et que ces difficultés l’ont poussé à se retrouver assujetti à l’aléa judiciaire et à l’appréciation des juges», explique un magistrat du tribunal de première instance de Casablanca. Ainsi, doivent être présentées les preuves d’une précarité financière ou d’une situation familiale ou médicale délicate, par le biais d’une expertise, et éventuellement d’une contre-expertise demandée par l’établissement bancaire.

Un jugement du tribunal de commerce de Casablanca indique, en sus, que «ces expertises doivent non seulement lui permettre de convaincre le juge qu’il a de véritables difficultés économiques mais que, surtout, passé ce délai de deux ans, ce dernier sera en mesure d’y faire face et de repartir sur des bases saines». Ainsi, si l’organisme de crédit n’exige pas le remboursement immédiat du capital, il se réserve le droit de majorer le taux d’intérêt du capital restant dû jusqu’à la régularisation des échéances. Comme pour le cas particulier du «crédit gratuit». En effet, en cas de défaillance de l’emprunteur, certains juges reconnaissent aux banques le droit d’appliquer un intérêt qui, toutefois, ne peut excéder le plus élevé des taux d’intérêt maximaux des prêts conventionnés garantis par l’Etat, applicable au moment de l’offre de prêt.