Affaires
Fusions : les nouvelles règles de la Chambre de commerce internationale
La clause de garantie du passif désormais nécessaire à toute opération. L’audit juridique comme condition suspensive de toute restructuration. Le régime fiscal transitoire sans effet sur la quantité des fusions-acquisitions.

L’audit juridique est bien l’étape la plus délicate d’une opération de fusion. En effet, il est souvent difficile d’évaluer les risques et les potentiels de responsabilité. Raison pour laquelle la Chambre de commerce internationale est en train de réfléchir à de nouvelles règles, souvent imposées par la pratique elle-même. A commencer par la convention de garantie de passif, facultative, mais qui sera désormais nécessaire selon les normes CCI. En effet, l’acquisition d’un bloc de parts sociales permettant de prendre le contrôle d’une société est généralement assortie d’une convention de garantie d’actif et de passif. Pour faire face à une situation d’un passif inconnu, il convient de stipuler, au moment de la cession, une garantie conventionnelle de passif par laquelle le cédant des parts sociales s’engage à assumer toutes les dettes nées avant la cession. En l’absence d’une telle convention, la garantie légale à laquelle le cédant est tenu à l’égard du cessionnaire se trouve dans le Dahir des obligations et des contrats : l’erreur sur la chose ou sur le prix, et le dol. Des dispositions civiles difficiles à mettre en œuvre dans le cadre d’un rapport de droit des sociétés.
Des exigences particulières sont également posées à la gestion des risques.
L’une des principales tâches d’un investisseur potentiel est de s’intéresser à cet aspect suffisamment tôt, car les connaissances acquises influent grandement sur la réussite ou l’échec d’une transaction, et ce, dès les toutes premières phases. De plus en plus, la réalisation d’une «due diligence» et la mise en place d’une assurance à partir de l’acquisition font partie des conditions préalables pour garantir le financement d’une entreprise par des crédits bancaires, des associés tacites ou en cas de soutien de l’Etat. Sylvain Alassaire, conseil juridique en droit des affaires, rappelle lors d’une rencontre sur les fusions-acquisitions à la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM) que «les opérations de fusions sont des opérations de concentration et non d’addition». Une véritable «purge sociale» s’effectue donc après les transactions. «Les exemples d’Arcelor Mittal en France, ou celle d’Attijariwafa bank au Maroc démontrent que la question sociale est essentielle dans les opérations de fusions. La majorité écrasante des cadres ont été remerciés. Généralement, avec l’ancienneté, ce genre d’opération coûte extrêmement cher. Ce qui est pénalisant à la fois pour la société absorbante que pour les anciens dirigeants», affirme Mohamed Mernissi, président de la Cour marocaine d’arbitrage. Ce mécanisme s’explique aussi par la différence de culture d’entreprise, la société absorbante imposant souvent la sienne.
La parité d’échange toujours problématique
Toujours est-il que le taux d’échec des opérations de fusion est beaucoup plus important en amont. Raja Bensaoud, directeur exécutif chez Stateus Group, affirme que «les deal breakers sont toujours aussi importants et d’actualité». Ces blocages préalables résultent surtout d’une différence de perception. «Deux optiques collaborent dans une opération de fusion, et, souvent, elles s’affrontent. Celle des financiers, avec une perception du profit immédiat, et celle des industriels, plus attachés à la pérennité de leur activité», analyse Mohamed Mernissi. Et c’est bien au niveau de la parité d’échange que les choses bloquent. L’estimation des valeurs d’apport de la société absorbée détermine l’augmentation des capitaux propres de la société absorbante, ce qui pousse généralement à des surévaluations, ou des sous-évaluations.
Du côté de la CCI, l’idée serait de faire de l’audit juridique une condition suspensive à l’opération de transfert des parts sociales, et ce, pour avoir une connaissance précise de l’état et la situation d’une entreprise dans l’objectif de savoir ce qu’il faut prendre en considération soit lors de l’établissement de la convention de passif ou bien tout simplement pour pouvoir déterminer le montant de la caution bancaire. Une telle réforme permettrait d’encourager la multiplication des opérations de restructuration, ce qui n’a pas été fait par la mise en place du régime fiscal transitoire dont elles bénéficient. «Le régime fiscal est extrêmement favorable aux fusions, si elles demeurent peu nombreuses, c’est bien pour des facteurs exogènes», estime Mohamed Mernissi. Selon lui, il s’agit d’abord d’un problème de tissu économique. «Au Maroc, dit-il, la majorité écrasante des structures sociétaires sont des PME, avec un tour de table familial, il est donc extrêmement difficile d’en faire des sociétés cible car elles seront extrêmement réfractaires à une quelconque proposition de concentration». Et d’ajouter : «Face à la conjoncture, de plus en plus concurrentielle sur le marché interne, due à la signature hâtive des accords de libre-échange, les sociétés ont toutes les raisons de s’inscrire dans une optique de concentration».
