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Affaires

Ecrivains publics, fiduciaires, conseillers juridiques…, ces professions sensibles toujours sans cadre légal

L’avant-projet de loi relatif aux agents d’affaires est bloqué pour des considérations corporatistes. L’association de protection des consommateurs UniConso insiste sur la nécessité de garantir la sécurité juridique des citoyens.

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Notaires marocains et francais sont accord pour definir un langage commun

En septembre 2013, le ministère de la justice et des libertés a proposé un avant-projet de loi relatif aux agents d’affaires, une expression large apparue dans le dahir de 1945, tombé en désuétude. Elle englobe en réalité les écrivains publics, les conseillers juridiques et les fiduciaires, c’est-à-dire les métiers qui, de fait, s’occupent de la rédaction d’actes sous-seing privé à date certaine. En effet, contrairement aux notaires et adouls, qui établissent des actes authentiques, ces «agents d’affaires» ont occupé le terrain vide des actes «ordinaires» : baux d’habitation, reconnaissance de dettes, vente de terrains nus ou encore les statuts des sociétés. Seulement, certaines dispositions relatives aux contrats de droits réels ont fait réagir les professions habilitées qui ont bloqué le texte. Résultat, plusieurs praticiens continuent d’exercer sans réglementation, notamment en matière de responsabilité professionnelle. Un état de fait critiqué par l’association de protection des consommateurs UniConso qui appelle à une «réglementation urgente de ces professions, pour garantir aux consommateurs la sécurité juridique adéquate».

L’autogestion comme palliatif

Sans pré-requis académiques et sans prêter serment, ces professionnels continuent tant bien que mal de s’autogérer. A commencer par les écrivains publics qui disposent d’un conseil national. Son président, Ahmed Bensaïd, veut faire bouger les lignes. «Il faut une réglementation des mécanismes du droit foncier coutumier, avec des professions qui lui sont propres», déclare-t-il, un brin jaloux d’un monde sur lequel ils n’ont plus d’emprise à cause de la modernisation des procédures foncières. Il ajoute : «Hors des régions citadines, ce sont bien les écrivains publics qui établissent la majorité des actes de transmission du patrimoine mobilier et même foncier, lorsque les adouls ne sont pas disponibles (ndlr : en effet, la loi n’impose pas d’acte authentique pour les ventes et les hypothèques agricoles)».

Regroupés dans les anciennes médinas des villes ou dans les campagnes, les écrivains publics sont encore une profession techniquement rudimentaire et aux prérogatives limitées par les verrouillages établis par les avocats, les notaires, et dans une moindre mesure les adouls. Souvent, le niveau académique est minimal. «Juste ce qu’il faut pour écrire une reconnaissance de dette», reconnaît, non sans un sourire en coin, Ahmed Bensaïd.

Les conditions d’exercice ainsi que les revenus sont disparates

De leur côté, et bien que ne bénéficiant d’aucun texte réglementaire, les conseillers et autres fiduciaires (ce terme est injustement utilisé par certains praticiens et signifie en fait le conseil juridique, la rédaction et la modification des statuts, la domiciliation ainsi que la comptabilité, ce qui n’a rien à voir avec le contrat de fiducie…), souvent regroupés sous la même enseigne, ne vivent pas la même réalité. Opérant exclusivement dans les villes et très présents dans le monde économique, ils se sont rendus indispensables pour les procédures les plus courantes des entreprises : rédaction et modification des statuts et la déclaration de souscription et de versement. Deux services qui ont longtemps été le monopole de fait des notaires, mais qui ont glissé vers ces nouveaux professionnels (concurrence des prix oblige), puisque le code des sociétés n’impose aucun formalisme. «Les revenus nets dépendent des zones géographiques, mais ils peuvent aller de 150 000 à 350 000 DH par an», explique Abdellah Merzak, gérant d’un cabinet de «conseil juridique et de fiduciaire». Le ministère de la justice et des libertés, «secoué» par la levée de boucliers qu’a suscité son avant-projet de loi sur les agents d’affaires, ne semble pas en mesure de reconduire le texte, même sans ses dispositions polémiques. Pourtant, la réforme avait l’ambition de faire le ménage en mettant en place l’obligation d’inscription dans un registre des agents d’affaires, auprès du Tribunal de première instance. En outre, un lourd contrôle leur a été imposé, notamment via le parquet. Ce dernier, au titre de l’avant-projet, peut engager une procédure disciplinaire à l’égard des agents d’affaires sur plainte des contractants ou suite à leurs propres enquêtes. Au niveau des instances représentatives, la réforme prévoyait l’obligation pour les rédacteurs des actes sous-seing privé d’intégrer une seule association professionnelle, approuvée par le ministère de la justice.