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Dans un “monde fragmenté”, le Maroc est l’un des rares “pays connecteurs”, estime Bloomberg
Le Vietnam, la Pologne, le Mexique, le Maroc et l’Indonésie sont considérés comme des pays “connecteurs”, qui profitent du réaménagement des chaînes d’approvisionnement en réponse aux tensions entre les États-Unis et la Chine.
“En collaboration avec Bloomberg Economics, Bloomberg Businessweek s’est plongé dans les données commerciales et d’investissement et a identifié cinq nations qui se trouvent à cheval sur les nouvelles lignes de faille géopolitiques : le Vietnam, la Pologne, le Mexique, le Maroc et l’Indonésie”, écrit le média spécialisé américain. En tant que groupe, ces pays ont enregistré 400 milliards de dollars de production économique en 2022, soit plus que l’Inde et presque autant que l’Allemagne ou le Japon. “Malgré leurs politiques et leurs passés très différents, ils partagent le désir opportuniste de saisir les opportunités économiques qui se présentent en se positionnant comme de nouveaux maillons entre les États-Unis et la Chine, ou entre la Chine, l’Europe et d’autres économies asiatiques”, poursuit la même source.
“L’emplacement géographique de ces cinq pays et leur capacité à faciliter le commerce les ont érigés en points de jonction cruciaux”, estime Bloomberg. Ils ont un impact supérieur à leur poids : ils représentent 4 % du produit intérieur brut mondial, mais ils ont attiré légèrement plus de 10 %, soit 550 milliards de dollars, de tous les investissements dits “greenfield” depuis 2017. (Le terme désigne les dépenses pour de nouvelles usines, bureaux et autres installations par une entreprise étrangère établissant ou développant ses opérations dans un autre pays.) Tous ont vu leur commerce avec le monde accélérer au-dessus de la tendance au cours des cinq dernières années, selon une analyse de Bloomberg Economics.
“Le Maroc, qui abrite les plus grandes réserves mondiales de phosphate, est en train de devenir un acteur clé dans la transformation de l’industrie automobile mondiale”, souligne le média new yorkais. “Ce minéral est un ingrédient essentiel des batteries au phosphate de lithium-fer (LFP), une variété de cellules rechargeables en croissance rapide utilisées dans les véhicules électriques (VE)”, poursuit-il.
Bloomberg rappelle par ailleurs que le Royaume possède déjà un secteur automobile en plein essor, avec des usines appartenant à Renault SA et Stellantis NV produisant des milliers de voitures par jour, avec le soutien de dizaines de fournisseurs américains établis. “Parmi eux, on compte Lear Corp. de Southfield, dans le Michigan, et Commercial Vehicle Group Inc. de New Albany, Ohio, qui ont annoncé des projets d’expansion cette année”, souligne le journal.
En mai, la société chinoise Gotion High-Tech a signé un accord avec le royaume pour construire une usine de batteries de 6,4 milliards de dollars, qui serait l’une des plus grandes au monde. En septembre, CNGR Advanced Material Co., un fabricant chinois de composants de batteries, a annoncé un projet de 2 milliards de dollars pour produire suffisamment de batteries LFP pour équiper éventuellement 1 million de véhicules par an. “Le PDG de CNGR Europe, Thorsten Lahrs, affirme que le Maroc occupe une “position idéale” pour fournir les batteries de voiture du futur”, note le média économique.
“Pourtant, les minéraux et l’accès aux marchés ne sont qu’une partie de l’histoire : la politique industrielle américaine a également un impact. En septembre, LM Chem de Corée du Sud et Youyshan, une filiale du groupe chinois Huayou, ont annoncé leur intention de faire du Maroc leur base mondiale dans le marché LFP, avec une production de masse prévue pour 2026”, nuance Bloomberg, et d’ajouter: “Dans l’annonce, les partenaires étaient explicites sur la justification économique : le choix du Maroc a été influencé par les dispositions de la loi américaine sur la réduction de l’inflation de 2022. Cette loi offre des rabais fiscaux sur les ventes de VE dont le contenu respecte les seuils “fabriqué en Amérique”. Les pièces, ainsi que les minéraux, provenant de pays ayant des accords de libre-échange avec les États-Unis sont pris en compte pour répondre à ces exigences”.