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Clauses abusives : la loi commence à  être appliquée avec plus de rigueur !

Des décisions judiciaires récentes ont reconnu le caractère abusif de certaines clauses contenues dans des contrats commerciaux. Cependant, rien pour l’instant n’oblige à  leur suppression définitive des contrats-types. Les décisions n’ont pas encore donné corps à  une jurisprudence cohérente.

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Clauses abusives 2015 03 22

Dans la foulée des «journée nationales des consommateurs», la problématique des clauses abusives a été évoquée encore une fois par beaucoup de juristes, qui pestent contre les conditions contractuelles imposées aux consommateurs par les grandes entreprises dans certains secteurs en particulier. Mais force est de constater que la loi commence à être progressivement appliquée avec plus de rigueur, comme en témoignent plusieurs décisions de justice rendues récemment par les tribunaux de première instance à travers le Royaume. A titre d’exemple, la justice considère que le titulaire d’un abonnement de téléphone portable doit pouvoir le résilier à tout moment, même pendant la première année, pour un motif qu’il estime légitime, l’opérateur ne pouvant décider lui-même des motifs qui autorisent cette résiliation anticipée. En effet, la clause imposant des durées minimales d’abonnement incompressible a été jugée abusive par le tribunal de première instance de Fès, et donc non opposable aux consommateurs. «Seulement, à aucun moment l’opérateur n’a été condamné à supprimer de ses contrats-types la clause litigieuse», explique l’avocat Mohamed Tchiche. Une autre décision de justice, rendue cette fois à Marrakech, a toutefois émis cet ordre à un autre opérateur par ordonnance du président du tribunal. Cependant, la firme a fait appel du jugement et a demandé la suspension de cette mesure.

Autre exemple intéressant: «en cas de vol du portable, l’opérateur peut attendre d’en avoir été dûment avisé par écrit pour suspendre la ligne». Une récente décision du tribunal explique que l’opérateur peut, certes, exiger un courrier officiel de confirmation de la part du client, mais doit tout de même bloquer la ligne sans attendre, pour éviter l’utilisation frauduleuse du téléphone et une facturation pour des communications que le client n’aurait pas effectuées.  
Le relevé de compte bancaire peut être contesté à tout moment

Dans le domaine bancaire et financier, le tribunal de première instance de Tanger a jugé abusives certaines clauses dans les conventions de compte. Parmi ces dernières, la clause indiquant qu’aucune contestation sur le relevé de compte ne peut être acceptée après un délai de 3 mois suivant son envoi, ou encore celle précisant qu’un titulaire de compte ne bénéficie que d’un mois pour refuser des modifications de la convention de compte.

De même, quelques décisions des juges des tribunaux de première instance ou de Cours d’appel ont annulé des clauses de contrats d’assurance jugées abusives. L’une d’entre elles, rendue par la Cour d’appel de Casablanca, annule, dans le cas d’une assurance invalidité, la définition du sinistre comme étant l’invalidité médicalement constatée durant la durée de la garantie. La Cour considère en effet qu’une telle clause peut priver le client de sa couverture en cas de résiliation du contrat de la part de la compagnie avant toute constatation médicale.

Le décret d’application de la loi sur la protection des consommateurs a facilité le travail des juges

Il faut dire que le décret d’application de la loi 31/08  sur la protection des consommateurs, publié en 2014, a facilité le travail des juges en listant les typologies des clauses abusives. Dans les décisions précitées, les juges ont notamment pris pour référence le fait que ces contrats permettaient d’«exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur», ou encore de «prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l’exécution de l’engagement du fournisseur est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté».

D’autres clauses sont d’ailleurs considérées comme abusives, comme celle autorisant «le fournisseur à modifier unilatéralement les termes du contrat et sans en informer le consommateur, de prévoir ou d’augmenter le prix ou le tarif des produits, biens et services au moment de la livraison ou au début de l’exécution du service, sans que le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat».

Si l’avancée est notable, ces décisions éparpillées n’ont pas encore donné corps à une jurisprudence cohérente, et n’empêcheront pas les opérateurs de continuer à les pratiquer.

A titre de comparaison, les opérateurs téléphoniques et les établissements bancaires français ont non seulement le devoir de supprimer ces clauses de leurs contrats, mais également d’en informer toute leur clientèle par SMS…