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«Fausses plaintes» : les juges plus sévères !

Les condamnations pour «dénonciation calomnieuse» augmentent. Les juges appliquent la peine maximale. Le traitement judiciaire reste assez délicat.

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Ternir l’image d’un concurrent ou d’une personne par une plainte en justice est un procédé récurrent dans les arcanes judiciaires. Un comportement prohibé par le code pénal notamment. En effet, la dénonciation calomnieuse est une action pénale qui permet de réagir à des allégations mensongères ayant servi de base à une action en justice. Cela suppose soit que la victime puisse se prévaloir d’une présomption de fausseté des faits dénoncés, soit qu’elle prouve que les faits dénoncés sont faux. Ainsi, les tribunaux correctionnels ont statué sur près de 3 400 affaires en 2014 concernant les «fausses plaintes», et dans la moitié des cas, le demandeur a eu gain de cause. Au niveau des peines prononcées, et alors que pendant des décennies, les plaintes pour dénonciation calomnieuse ne débouchaient que sur de petites condamnations, la tendance est à la peine maximale: 5 ans de prison, 1 000 DH d’amende, ou encore des dommages-intérêts lorsque la victime se constitue partie civile. Autant dire que les juges ne comptent plus se laisser abuser.

Seulement, le traitement judiciaire d’un tel phénomène demeure assez délicat, la Cour de cassation conseillant que les condamnations pour dénonciation calomnieuse doivent être «dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense». Précisément, le code pénal prévoit que «la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n’est pas établie ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée». La condamnation pour dénonciation calomnieuse suppose donc que les juges déclarent non coupable, même au bénéfice du doute, la personne visée par la plainte pénale. Ainsi, les rapports d’instruction démontrent que presque toutes les fois où les enquêteurs ne disposaient pas de suffisamment de preuves matérielles de la véracité des faits reprochés, l’auteur «présumé» engageait une procédure pénale contre la victime «présumée» sur le fondement de la dénonciation calomnieuse.

La Cour de cassation fait une exception lorsqu’il s’agit des affaires de divorce

Dans toutes les affaires familiales, les magistrats déclarent que «les non-lieux pour insuffisance de charges ne permettent pas de présumer la fausseté du fait dénoncé ou restreindre l’étendue de la présomption de fausseté du fait dénoncé car l’impossibilité, pour la personne dénonciatrice, de bénéficier du fait que la fausseté de sa dénonciation n’est pas acquise aboutit à un résultat très dommageable». On comprend bien l’intention des juges, à savoir empêcher que des femmes violentées par leur conjoint dans l’intimité familiale, déposant plainte mais sans que les preuves des violences puissent être suffisamment réunies contre l’agresseur, ne subissent en plus une procédure en dénonciation calomnieuse pouvant renforcer le sentiment de toute puissance et d’impunité de l’homme violent.