Vidéo. FICAM, un événement conjugué à une ambition

La production du film d’animation est en train de faire sa place dans le paysage audiovisuel marocain. L’investissement se développe certes, mais il faut investir davantage dans le savoir-faire.

Le film d’animation, c’est tout un univers où la passion se conjugue à la raison. Une industrie qui pèse lourd, avec 30% de parts dans l’industrie cinématographique à l’échelle mondiale et dont les deux grands champions sont les états-Unis et le Japon. D’autres pays ont bien saisi son importance et s’y mettent en investissant, lourdement, autant dans la production que dans la formation à ses métiers.

Les prémices d’une dynamique prometteuse
Au Maroc, on est au stade de la prise de conscience et tout porte à croire qu’il y a une «réelle volonté» pour investir dans ce secteur porteur de plus-values et pourvoyeur d’opportunités d’emploi. Preuve en est que cela fait un peu plus de deux années que les deux chaînes de télévision publiques, nous dit Mohamed Beyoud, directeur artistique du FICAM, investissent de plus en plus dans la production des séries d’animation marocaines. Une tendance qu’on a particulièrement relevé au cours de la parenthèse de la pandémie, matérialisée surtout avec les multiples capsules de sensibilisation auxquelles il faudrait ajouter celles de vulgarisation, tous sujets confondus. Et à en croire des responsables de ces chaînes, on compte bien promouvoir davantage les productions dans le secteur avec les effets d’entraînement que cela suscitera.
Au niveau du département de la Jeunesse, de la culture et de la communication aussi, on dit prendre très au sérieux la nécessité de développer ce secteur. Notamment en misant sur la promotion de la formation aux métiers de l’animation qui se trouve être au carrefour de plusieurs disciplines et est à même de faire tourner la machine de tout un écosystème, assure-t-on. Des actions sont prévues et devront être déclinées dans les maisons de jeunes et de la culture dans plusieurs villes du Royaume.
Or, dans cette dynamique d’ensemble, force est de constater qu’il y a un événement annuel qui, à sa manière, participe dans la mise sur pied de cet édifice. A savoir le FICAM qui venait de tenir sa 21e édition, du 3 au 8 mars, dans la capitale ismaélienne. Un rendez-vous qui se positionne de plus en plus parmi les plus importants. Unique dans son genre en Afrique et dans le monde arabe, ce Festival, porté par la Fondation Aïcha, s’est imposé au fil des éditions par sa programmation, ses invités de marque et des activités parallèles qui s’y tiennent. Celles-ci allant des ateliers de formation, 5 pour cette année recevant une centaine d’étudiants, au Forum des métiers ouvrant les portes aux porteurs de projets ou d’idées pour rencontrer les studios qui recrutent, en passant par les mises en relation pouvant déboucher sur des partenariats entre les professionnels qui font le déplacement.
En effet, pour ce FICAM 2023, l’engouement des publics est tel au point de faire dire aux organisateurs que le Festival a atteint l’âge de la majorité, pour reprendre les termes de Matricée Devico. Pour le président de la Fondation Aïcha, l’ambition a toujours été et demeure de «créer autour du Festival une industrie de l’animation». Ce qui, selon M. Devico, sera de nature à participer au rayonnement de la ville de Meknès en particulier et, par ricochet, à celui du Maroc en général. D’ailleurs, le networking développé, depuis le lancement de ce rendez-vous en 2010, avec les professionnels et les formateurs internationaux, nous indique M.Beyoud, pourra jouer en faveur de cette ambition de faire de la ville la capitale régionale et continentale du cinéma d’animation.

L’argent oui, mais la formation avant tout !
Pour ce faire, il s’avère nécessaire d’investir pas seulement dans la production et la diffusion, mais aussi et surtout dans la formation des jeunes. L’objectif étant d’aider à l’éclosion des talents qui ne demandent qu’à être accompagnés. Rencontré en marge du Festival qui lui a rendu hommage, Kristof Serrand versera dans le même sens en mettant l’accent sur la transmission du savoir-faire comme base. Bien qu’évitant de se mettre dans l’habit du conseiller, l’artiste, fort de pratiquement quatre décennies de métier, dont 25 ans dans les studios-référence de DreamWorks à Los Angeles, estime que le socle de toute industrie réside dans la capacité de former les jeunes aux métiers du cinéma d’animation. Certes, la passion compte mais plus porteuse elle est quand elle est adossée aux formations techniques. D’où l’importance de disposer d’une vision claire devant être traduite en plans d’action adéquats. Pour le diplômé des Gobelins, actuellement animateur superviseur chez Netflix en charge de l’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient, «il ne s’agit pas uniquement d’injecter de l’argent, mais de le mettre au bon endroit». Sans omettre de vue, bien entendu, les volets techniques et technologiques à prendre en compte pour inculquer aux jeunes talents le know-how nécessaire pour réussir. De même, confie-t-il, qu’il est important de suivre de près ce qui se fait sous d’autres cieux où le cinéma d’animation connaît un développement fulgurant. Sachant qu’il s’agit d’une tendance planétaire qui touche tous les pays. Qui plus est, avec le développement des plateformes et autres, il va falloir disposer d’une démarche holistique qui embrasse les différentes facettes d’un domaine parti pour marquer le présent et le devenir de l’industrie du divertissement dans son acception générale.

Ici et ailleurs !

Au FICAM, on se fait plaisir en regardant des œuvres, on suit des formations, on assiste à des ateliers et on découvre des talents.
L’un des moments forts de cette édition était la Master Class animée, samedi 4 mars, par Kristof Serrand. Outre la profondeur du propos, la présence massive du public en disait long sur l’envie d’apprendre des dizaines de personnes restées scotchées à leurs sièges pendant pratiquement deux heures.
Si l’événement a lieu à Meknès, on a aussi pensé aux publics de onze villes du Royaume où sont programmées des projections. En plus des compétitions, une résidence d’écriture du film d’animation de Meknès, créée en 2016, accueille durant un mois des auteurs pour un séjour consacré à l’écriture de leur projet d’animation.