SUIVEZ-NOUS

Affaires

Filippo Sesia : «En termes de compétences, l’ATC est à la même table que les autres centres du groupe»

Le chef de l’Africa Technical Center de Stellantis revient sur les missions de ce centre unique en son genre au Maroc qui s’impose comme une pièce maîtresse du dispositif R&D du géant mondial de l’automobile. Il explique aussi sa contribution au développement de compétences locales pointues dans les métiers de l’automobile.

Publié le


Mis à jour le

C’est dans les locaux casablancais de l’Africa Technical Center de Stellantis, au milieu de l’effervescence des équipes d’ingénieurs et techniciens, que Filippo Sesia nous reçoit. Ce Turinois, ingénieur en mécanique, est aux manettes de l’ATC depuis sa création en 2017.

Sous sa direction, le centre a vu son importance monter crescendo, élargissant son empreinte géographique tout en montant en gamme et en compétences. «Après 8 années, le bilan est très positif», affirme-t-il. Entretien.

Quel rôle joue l’Africa Technical Center dans le dispositif mondial R&D du groupe ?
Chez Stellantis, il y a huit «Technical Centers» dans le monde : 2 en Amérique du Nord et du Sud, 1 en Chine et 1 en Inde, 3 en Europe, 1 au MEA. Ici à l’ATC de Casablanca, notre mission principale consiste à développer des projets dédiés à la région MEA (Afrique et Moyen-Orient), mais nous travaillons aussi pour les activités globales du groupe, en particulier en Europe, où nous apportons notre contribution dans certains domaines technologiques, notamment pour la France, l’Italie et l’Allemagne. Ces dernières semaines, nous avons aussi noué des collaborations avec le «Technical Center» d’Amérique du Sud.

Quel bilan tirez-vous des 8 années d’activités de l’ATC ?
Aujourd’hui, je peux dire que notre centre technique a un rôle moteur dans la région MEA, pas seulement en développement de produits, mais également en développement de compétences liées à plusieurs technologies innovantes, comme l’électrification, l’intelligence artificielle, l’analyse virtuelle…

Nous sommes vraiment au point de maîtriser une bonne partie de ces domaines. Il y a huit ans, nous avons commencé avec quelque 150 personnes, et nous sommes depuis montés en puissance. Nous avons surtout construit autour de nous un écosystème pour développer des produits dédiés à la région, à l’Europe et au monde.

C’est donc un bilan très positif. Nous sommes toujours en croissance, et pas que sur le plan quantitatif. La croissance se mesure surtout via la complexité des projets et de savoir-faire.

Aujourd’hui, en termes de compétences, nous sommes à la même table que les autres centres techniques. En matière d’effectifs, nous sommes aujourd’hui à 900 ingénieurs en interne et un peu plus que cela en externe, dont presque 100% sont Marocains.

Comment sont recrutés les ingénieurs ?
Ce n’est pas facile de trouver les bonnes compétences. Quand on arrive à avoir des personnes qui ont déjà acquis une certaine expérience chez d’autres industriels du secteur, nous les recrutons. Nous avons aussi une école de formation interne et un plan de formation qui est assez costaud. Nous le faisons ici en local, avec l’aide de formateurs internationaux de Stellantis.

Nous sommes en contact avec des universités et des écoles. Nous avons des collaborations actives avec six universités ici au Maroc. Nous nous sommes mis d’accord sur des programmes de formation dans les domaines que nous ciblons le plus. C’est très important pour nous de prendre des énergies jeunes positives, surtout dans l’intelligence artificielle et l’électrification.

Comment l’ATC contribue-t-il à augmenter l’intégration locale ?
C’est vraiment un point stratégique pour Stellantis et pour la compétitivité de notre région. Le taux d’intégration locale est aujourd’hui à 70%, et nous ciblons encore plus.

C’est une vraie priorité pour nous: avoir des fournisseurs ici, sur le sol marocain, capables de produire et aussi de développer les composants en collaboration avec nous.

Pour les nouveaux développements, nous travaillons en co-design. Cela signifie qu’un fournisseur de la filière automobile développe le composant en collaboration avec le centre technique qui assure le suivi jusqu’au moment où il est capable d’être complètement autonome.

Cela concerne l’intégration locale de premier niveau (Tier 1), mais nous allons plus loin en travaillant aussi avec les fournisseurs Tier 2 qui produisent des sous-composants pour les fournisseurs directs pour en faire des modules, qui sont ensuite livrés à l’usine de Kénitra.

Nous avons aussi des partenaires pour exécuter des essais physiques, à Casablanca (CETIEV) et Oued Zem (Morocco Mobility Automotive Center). C’est très important pour nous.
Nous sommes capables de faire la calibration du moteur, électrique ou thermique, d’évaluer la performance, la consommation et les émissions… Pour résumer, nous allons de la conception de base au développement, à la validation virtuelle et physique dans les centres d’essais. Tout cela, en collaboration avec la filière automobile des fournisseurs.

Au niveau des perspectives, quelles sont les priorités de l’ATC à moyen terme ?
Nous avons de bonnes perspectives en face de nous. D’un point de vue géographique, il y a l’axe Afrique–Moyen-Orient, un marché en plein développement. L’Afrique est le marché qui croîtra le plus dans le monde dans le futur, et nous sommes là. Le deuxième axe c’est la collaboration avec, premièrement, l’Europe.

Ici, aujourd’hui, nous sommes capables de faire des développements d’un bon niveau de complexité, avec un coût plus compétitif qu’en Europe, qui s’appuie beaucoup sur nous.

D’un point de vue technologique, nous sommes en train de nous développer sur des domaines de plus en plus complexes, en parallèle avec ceux «traditionnels», comme les prestations véhicule, la conception carrosserie et la suspension. Sur le volet propulsion, il y a la partie électrique et nous continuons la partie thermique, qui est d’un niveau de complexité plutôt poussé.

On gère en autonomie également des architectures électriques qui impactent plusieurs véhicules au sein de Stellantis, en plus de la partie intelligence artificielle pour laquelle nous avons un bon nombre de projets pour les sujets liés à la sécurité et à la validation des performances virtuelles. Ce sont là les axes les plus innovants. Nous allons grandir en nombre, mais surtout en complexité des projets.