Fonction publique. A la rencontre des lauréats du concours des personnes handicapées (vidéo)

Parmi les 1000 candidats qui ont passé le concours unifié pour les personnes en situation de handicap, 50 ont été retenus. Nous en avons rencontré trois au Ministère de la réforme de l’administration et de la fonction publique. C’est là qu’ils ont été affectés. Témoignages.
Au Ministère de la réforme de l’administration et de la fonction publique, nous avons rencontré Ayoub Aitougarte, Kaouthar Benchafi et Nawal El Wardi. Tous les trois sont de nouveaux fonctionnaires du ministère. Ces jeunes diplômés font partie de la première promotion des fonctionnaires handicapés, après avoir réussi le premier concours unifié dédié aux personnes en situation d’handicap. Le 25 décembre 2018, ils étaient plus de 1000 candidats parmi lesquels 50 ont été retenus.
Ayoub, Kaouthar et Nawal sont unanimes : “tout ce dont nous avions besoin a été satisfait pour que notre concours se passe dans les meilleures conditions”. Actuellement en tournée, de trois mois, dans toutes les directions du ministère, ils auront à rédiger un rapport. Sur la base de ce document, la direction des ressources humaines décidera du service où ils seront affectés.
Ayoub : son rêve, tous les livres en braille…
A l’entrée principale du ministère, c’est Ayoub Aitougart, malvoyant, 23 ans au compteur, qui nous accueille. Licencié en droit public en 2018 de la faculté de Souissi de Rabat, il a décroché son baccalauréat en littérature à l’institut Mohammed VI pour l’éducation et l’enseignement des malvoyants de Témara, sa ville natale. “La société devrait bannir cette idée selon laquelle une personne handicapée est incapable de créer une valeur ajoutée. Nous avons nos compétences et sommes en mesure d’apporter un plus ”, clame-t-il, en citant la loi-cadre n° 97-13 relative à la protection et la promotion des droits des personnes en situation de handicap. “Le concours d’accès à la fonction publique, dédié aux personnes handicapées était un événement spécial”, a-t-il exprimé. “Je n’ai ménagé aucun effort pour le préparer. J’ai étudié tous les sujets se rapportant à l’administration publique. Tout seul”, témoigne-t-il, non sans fierté. Après avoir réussi le concours écrit et l’épreuve orale, il a été affecté au ministère de la fonction publique et la modernisation de l’administration, après une délibération interministérielle. “Au sein d’une structure, le premier jour est déterminant. Le mien s’est très bien passé”, nous a-t-il indiqué.
Sa contrainte de toujours est l’accessibilité à l’information : aux ouvrages et aux romans, en particulier, qu’il n’arrive pas à lire, car indisponibles en braille – système d’écriture tactile à points saillants. “A la faculté, je devais multiplier les efforts pour pouvoir préparer mes examens”, nous explique-t-il. Il est aussi un fervent lecteur de romans. “Quand je les achètes, ma mère les enregistre en version audio. C’est ainsi que je peux accéder à l’imagination et au savoir” explique-t-il. Et de lancer un appel :“dans tous les projets du pays, il faut intégrer la dimension du handicap”.
Nawal : “Le vrai handicap a trait à l’intellectuel”
Nawal El Wardi, 26 ans, est de Zagora. Elle n’est pas née handicapée. Elle marche à l’aide d’une prothèse après qu’une partie de sa jambe ait été amputée des suites d’une maladie. Pour cette licenciée en gestion des entreprises à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech en 2016, “le vrai handicap est intellectuel”. Autre particularité : Nawal a une expérience professionnelle sur le CV, dans le secteur privé. “J’ai beaucoup appris de mon expérience professionnelle, dans la mesure où je faisais des choses que je n’appréciais pas, sous une certaine pression. Au sein de l’administration, nous travaillons avec une certaine liberté, et c’est motivant”, explique-t-elle. Comme Ayoub, Nawal se sent bien au ministère. “Le jour de mon arrivée était spécial, un 8 Mars”, se rappelle-t-elle.
Comme elle tenait à intégrer la fonction publique, Nawal a, pour sa part, préparé tous les sujets se rapportant à l’administration publique. Mais le jour du concours, un sujet spécial, la concernant personnellement, a été proposé : le handicap. Puisqu’elle a passé une grande partie de sa vie sans prothèse, “j’ai usé de mon cœur pour répondre au sujet”, a-t-elle expliqué. Elle, aussi, rappelle que les personnes handicapées sont doublement pénalisées par le manque des moyens d’accessibilité : dans la rue, les moyens de transport, mais surtout les établissements publics, notamment scolaires. “A la faculté, pour monter au 3ème étage, j’usais toute mon énergie”, témoigne-t-elle.
Kaouthar, la doctorante
A 23 ans, Kaouthar Benchafi a, non seulement, réussi le concours d’accès à la fonction publique, mais aussi celui des études doctorales en droit privé à la faculté Agdal dà Rabat. Après avoir été affectée, “j’ai constaté que tout le monde arrivait à temps”, nous dit cette native de la capitale, qui utilise un fauteuil roulant pour se déplacer. “Tous les fonctionnaires arrivent à 8H15”, précise-t-elle. Fraîchement diplômée d’un master en droit privé, Kaouthar a préparé le concours en faisant d’une pierre deux coups : le concours d’accès à la fonction publique et les études doctorales. Elle affirme : “Toute personne handicapée ne doit pas baisser les bras”, souligne cette jeune qui aspire gravir les échelles et être nommée à un poste de responsabilité. Et c’est au sein de la fonction publique qu’elle conçoit bâtir toute sa carrière.