Pouvoirs
Walis, présidents de communes, régions, préfectures, qui fait quoi ?
De la planification à la gestion du quotidien, le champ d’intervention des élus est très large et diversifié.
Dans la pratique, le poids des walis et gouverneurs reste dominant.
Le représentant de l’autorité territoriale est le passage obligé pour tout ce qui concerne les dépenses des régions, préfectures et provinces.

Plus qu’une semaine, et le Maroc aura enfin tourné la page électorale de l’année 2009. A l’instar des scrutins des cinq derniers mois, l’élection des présidents des régions la semaine dernière a parfois été riche en surprises. Alliances, trahisons, échanges de fauteuils présidentiels contre d’autres et, dans certains cas, le recours à des arguments sonnants et trébuchants, auront marqué ces derniers mois. Aujourd’hui confortablement installés dans les Conseils communaux, provinciaux, préfectoraux et régionaux, ce sera loin des caméras que nos élus pourront s’atteler à un pan relativement méconnu mais non moins important de la pratique politique. Selon les structures concernées, certains élus auront un rôle, il faut le reconnaître, quasiment honorifique. D’autres exerceront une influence déterminante sur la vie quotidienne des Marocains, touchant à des aspects qui vont de l’élaboration d’une stratégie économique pour toute une région à la «protection des plantations et végétaux contre les parasites et le bétail» (sic !), de l’attribution des autorisations de construire à l’implantation de zones industrielles, en passant par le respect des règles d’hygiène dans les restaurants ou la signalisation des voies publiques.
Un rôle de stratège pour les régions
Durant les trois ans à venir, c’est à Mohamed Chafik Benkirane, dans le Grand Casablanca, M’hammed Douiri à Fès-Boulemane et leurs collègues à travers le pays qu’il reviendra de représenter les Conseils régionaux. Au nombre de 16, ces structures se distinguent par une vocation stratégique : elles ont notamment pour mission l’élaboration de plans de développement économique et social pour leurs régions respectives ainsi que des schémas régionaux d’aménagement du territoire. Habilités à adopter «toutes mesures» en matière de formation professionnelle, les Conseils régionaux devront promouvoir les investissements privés, en encourager la réalisation par l’implantation et l’organisation de zones industrielles et de zones d’activités économiques. Ils jouent aussi un rôle consultatif en matière de développement quand les actions concernées dépassent les compétences ou les moyens de leur région. Ils peuvent ainsi émettre des propositions, suggestions ou des avis à l’intention de l’Etat ou autres structures dans les domaines les concernant.
A moindre échelle, les conseils provinciaux et préfectoraux – essentiellement composés de communes rurales pour les premiers, de communes urbaines pour les seconds – joueront un rôle similaire. Appelées à promouvoir les investissements par la réalisation ou la participation à l’aménagement, l’équipement ou la promotion de zones d’activités économiques, les préfectures ou provinces peuvent conclure entre elles ou avec d’autres collectivités locales des conventions de coopération ou de partenariat pour la réalisation d’un projet d’intérêt commun. Elles peuvent aussi engager à titre propre, ou en partenariat avec l’Etat, avec la région ou avec une ou plusieurs communes rurales, toutes actions de nature à promouvoir le développement rural et à soutenir les programmes d’équipement du monde rural. Les conseils préfectoraux et provinciaux peuvent également être consultés pour les politiques et les plans d’aménagement du territoire et d’urbanisme de l’Etat ou les régions dont ils dépendent.
La gestion du quotidien pour les communes
Plus proche de nous, c’est aux Conseils communaux – l’équivalent marocain des mairies – qu’il revient d’assurer la gestion quotidienne des communes. Chargés de veiller sur les finances, les biens et la fiscalité de leurs communes, ils agissent aussi au niveau de la conservation et l’entretien de leurs biens. Leurs domaines d’intervention sont toutefois nettement plus diversifiés que chez les autres conseils. C’est à eux qu’il revient de réaliser ou de participer aux programmes de restructuration urbaine et de résorption de l’habitat précaire. Ils interviennent aussi dans la gestion des services publics communaux (approvisionnement en eau potable, distribution d’électricité, transport public, circulation, etc.), ainsi que dans la réalisation d’équipements à caractère industriel et commercial, comme les marchés de gros, les abattoirs ou les gares, etc. Les conseils communaux veillent également à la préservation de l’hygiène, de la salubrité et de la protection de l’environnement.
Pour sa part, le président du Conseil communal dispose aussi de pouvoirs non négligeables. Présidant le Conseil communal, le «maire», représente la commune dans tous les actes de la vie civile, administrative et judiciaire, dirige l’administration, conserve et administre les biens de la commune. Chargés d’exécuter les décisions des Conseils communaux, ces présidents disposent aussi d’attributions propres. Ils exercent ainsi de plein droit les attributions de police administrative communale et les fonctions spéciales reconnues par la législation et la réglementation en vigueur aux pachas et caïds, à l’exclusion de certains domaines comme le maintien de l’ordre et de la sécurité publics ou encore l’attribution des passeports. Le président du Conseil communal exerce ainsi des pouvoirs de police administrative (autorisations de construction, de lotissement, certificats de conformité, etc.). Il est également officier d’état civil.
Une tutelle de l’Intérieur omniprésente
Reste que le pouvoir des Conseils communaux, à l’instar des autres collectivités locales, n’est pas absolu. Représentées par les gouverneurs ou les walis selon les cas, les autorités territoriales sont omniprésentes dans leur gestion, du niveau local au régional. Une surveillance très marquée sur le plan financier. Budget, emprunts, garanties à consentir, ouvertures de comptes, concessions, tout acte des Conseils communaux, provinciaux, préfectoraux ou régionaux qui touche au porte-monnaie de ces structures doit invariablement obtenir l’aval du gouverneur ou du wali, aussi bien dans le cas d’une simple commune rurale que celui d’une région. La tutelle, critiquée par les élus, s’étend toutefois bien au-delà de cet aspect financier, quoique de manière variable, selon les collectivités concernées. «Les Conseils communaux, sur le plan juridique, disposent de la personnalité morale. Ils sont autonomes au niveau de la prise de décision et disposent d’une instance délibérative mais aussi d’un organe exécutif qui est son président. Dans le cas des provinces, préfectures et régions, l’exécutif est partagé entre le gouverneur et le président de l’assemblée, ce qui fait que c’est le gouverneur et non pas le président de l’assemblée qui joue le rôle d’ordonnateur», explique Ahmed Bouachik, professeur à l’Université Mohammed V, Souissi-Rabat. En face, les autres conseils sont nettement moins bien lotis. En effet, si le Conseil régional a un président qui le représente auprès d’autres établissements, ce dernier, pour l’exercice de ses compétences, doit se tourner vers le gouverneur du chef-lieu de la région pour faire exécuter les délibérations du Conseil régional et représenter la région en justice. Par ailleurs, si un contreseing du président est demandé au gouverneur pour entreprendre certaines actions au nom du Conseil régional, il lui est facile, passé un court délai, de passer outre et ordonner l’exécution desdites mesures.
Une clarification des tâches est nécessaire
Le gouverneur peut également accomplir les actes légalement impartis au président de la région si ce dernier refuse ou s’abstient de le faire. Même situation du côté des Conseils préfectoraux et provinciaux où c’est au wali ou au gouverneur de la préfecture ou la province d’exécuter les délibérations du conseil. La tutelle sur les conseils préfectoraux et provinciaux va jusqu’à leur imposer de soumettre au ministre de l’intérieur leurs projets de conventions de coopération ou de partenariat avec d’autres structures, même si ces derniers ne justifient pas la création d’une personne morale de droit public ou privé.
Face aux gouverneurs, provinces, régions et préfectures ne disposent que de voies de recours limitées. On l’aura bien compris, les Conseils provinciaux, préfectoraux et régionaux, ainsi que les conseils communaux, dans une moindre mesure, souffrent particulièrement du poids de la tutelle de l’Intérieur. Source de retards, cette dernière n’est toutefois pas le seul problème rencontré sur le terrain. «Un certain nombre d’attributions et de compétences conférées à ces institutions locales de base ne sont pas très utilisées par les élus locaux. Je dirais même que l’organe exécutif, faute de moyens, de structures fiables et peut-être de consensus politique au sein des assemblées ou d’un manque de communication entre l’agent d’autorité et le président du Conseil communal souffre d’un certain nombre de blocages», explique Ahmed Bouachik. Au-delà, l’existence de chevauchements entre les fonctions des différentes structures complique davantage la situation. «Si nous revenons aux chartes de décentralisation qui organisent respectivement la province, la commune et la région, nous pouvons dire que d’une façon particulière et précise, il existe une certaine différenciation au niveau des compétences : la province et la préfecture sont des cadres où sont exercés un certain nombre de compétences qui concernent le développement rural, la coordination entre les communes et les équipements de nature provinciale ou préfectorale. La région exerce des compétences de planification. Toutefois, 70% de leurs compétences restent très identiques», explique Mohamed Yagoubi, professeur à l’Université Mohammed V, Rabat-Souissi, qui insiste sur la nécessité de clarifier les attributions des unes et des autres
