Pouvoirs
VIIe congrès de l’USFP, la rencontre de tous les dangers
La Jeunesse Ittihadia rue dans les brancards. Depuis quelques semaines, le ton est à la contestation.
Sur le front syndical, le danger pointe. Les militants craignent que le syndrome amaouiste (le syndicat contre le parti) ne renaisse de ses cendres.
Le VIIe congrès national risque d’offrir un air de déjà vu.

La Chabiba Ittihadia (organisation de jeunesse de l’USFP) réclame un quota pour les jeunes au sein de la commission préparatoire au VIIe congrès national de l’USFP qui devrait se tenir d’ici à l’été 2005. C’est mal parti. Une opération de reprise en mains est entamée. Une grosse bagarre est en vue.
L’USFP devra se faire une raison, sa jeunesse ne sera jamais tout à fait normalisée. Depuis quelques semaines, le ton est à la contestation. Pourtant, les premières salves sont venues de quelques membres du bureau politique et pas des jeunes : Driss Lachgar et Abdelhadi Khaïrate. Après le départ impromptu de Soufiane Khaïrate (secrétaire général de la Jeunesse, parti poursuivre ses études supérieures en France), le bureau politique a refusé d’introniser Hassan Tariq à la tête de l’organisation. C’est sous diverses pressions que celui-ci a accepté d’assumer la charge de secrétaire général par intérim, sans en avoir le titre.
Or, le tenant du titre n’a pas respecté les règles du jeu. Il a publié un article dans un hebdomadaire francophone de la place et l’a signé ès qualité. Un article où il réclame un nouveau contrat entre la monarchie et les partis. Une position qui a le défaut de n’émaner d’aucune instance nationale de l’USFP. Cet article a perturbé les jeunes, d’autant plus que Soufiane Khaïrate n’a pas été retenu dans la commission préparatoire du VIIe congrès.
Au final, sept membres de la Chabiba ont été intégrés à cette commission lors de la réunion de la commission administrative du parti, samedi 11 décembre. Ce qui n’a satisfait la jeunesse qu’à moitié.
Celle-ci avait pris les devants, il y a quelques semaines. Elle avait réclamé l’instauration d’un quota de 20% pour les jeunes dans toutes les instances nationales du parti à l’occasion du débat sur l’avant-projet de loi relatif aux partis politiques. Une position nouvelle chez la Jeunesse ittihadie. Celle-ci n’est pas dans une culture de discrimination positive et a même, pendant longtemps, recherché des formes d’autonomie organisationnelle par rapport au parti.
La jeunesse ne sait plus à quel saint se vouer
L’argumentaire est pourtant solide : si l’on veut améliorer l’encadrement de la jeunesse, il faut assurer la mobilité au sein des partis politiques. Cela met dans l’embarras les cadors du parti qui ont déjà «concédé» quatre places aux femmes au sein du bureau politique. Les jeunes demandent le même traitement : 20%. Pas moins !
Pour le moment, le bureau politique n’a pas réagi mais il sait que le thème est mobilisateur au sein de la jeunesse et d’une partie des cadres du parti, qui voient là une brèche dans le système bien huilé de la cooptation en vigueur.
En tout cas, le bras de fer a déjà été lancé à l’occasion d’une élection législative partielle à Sbata (Casablanca), pour laquelle l’un des membres du bureau national de la Chabiba s’est porté candidat. Soutenu par sa section, il a été blackboulé par le bureau politique. La Jeunesse a mal encaissé, surtout que l’argument avancé est que Mohamed Talbi, le jeune en question, était désargenté.
Puis, la Chabiba a été surprise par le comportement de deux membres de son bureau national, considérés comme proches de Driss Lachgar : Aïcha Guellaâ et Jalal Kandali, qui ont opéré un véritable coup d’Etat à Settat. Ils ont
« flingué» un bureau et fabriqué un autre dans la pure tradition qui prévalait dans le temps jadis. Or, Settat n’est pas une région quelconque. Abdelhadi Khaïrate, l’oncle de Soufiane, y a perdu son siège de député, trahi par les partisans locaux, selon lui. De là à voir dans le coup de force chez les jeunes le début de la reconquête de Khaïrate, il y a un pas que beaucoup ont franchi. Des problèmes ont aussi surgi à Fès et l’on s’attend à des mouvements ailleurs.
Face à cette situation, le groupe originel de l’actuelle Chabiba, le fameux groupe des 33, reconstitue son noyau dur. Hassan Tariq, leader incontesté de cette génération et véritable meneur de la bataille contre Mohamed Sassi et Mohamed Hafid (anciens secrétaires généraux de la Chabiba), garde la tête froide. Il ne veut pas emballer la machine. La bataille contre les «grands» n’est pas son credo. Mais, il fera mieux que se défendre. Depuis le départ de Soufiane Khaïrate, que le bureau politique avait imposé en lieu et place de Hassan Tariq, il a mis en place un plan d’action et s’y tient.
Taïeb Mounchid, n’est pas si inféodé qu’on le croyait
La proposition du quota est stratégique. Fin politique, il en a fait un élément du débat autour de la loi sur les partis et tente de mettre en place un réseau des jeunesses partisanes en faveur de cette mesure. Fatalement, ce débat s’imposera lors de la préparation du congrès du parti. Sans avoir l’air d’y toucher…
La Jeunesse ne réclame pas seulement plus de place mais aussi un plus large débat politique. Le discours de Mohamed Elyazghi, lors de la dernière session de la commission administrative du parti (11 décembre 2004), ouvre cette perspective mais rien n’est assuré car… le ver est dans le fruit.
Mais ce n’est pas le seul front de contestation auquel doit faire face le bureau politique de l’USFP. Taïeb Mounchid, secrétaire général de la FDT (Fédération démocratique du travail, centrale syndicale usfpéiste) et membre du bureau politique du parti – malgré les statuts -, tisse sa toile. Patiemment, il a placé ses hommes au niveau régional. Son emprise sur divers secteurs est réelle, la dualité syndicat/parti est en train de renaître de ses cendres.
Traumatisés par les blocages de l’ère Amaoui, les militants ittihadis affichent ouvertement cette crainte. Les rapports entre Mounchid et Abdelhadi Khaïrate, par exemple, sont exécrables. Le syndicaliste s’est affranchi de toute tutelle, lui qui a longtemps été comptabilisé «yazghiste».
Actuellement, il joue sur du velours. L’organisation de l’USFP est malade, la machine est grippée. La sienne fonctionne tant bien que mal. Le syndrome Amaoui – «les troupes sont à moi» – n’est pas loin.
Pour l’instant, cette bataille demeure feutrée. Elle est même niée publiquement. Mais, dans les cercles initiés, les langues se délient et prêtent à l’homme beaucoup d’ambition et des moyens. En tout cas, au sein du bureau politique, il ne fait pas qu’entériner.
Ce nouveau contexte aura nécessairement un impact sur le congrès et sa préparation, sauf si la politique, la vraie, la grande, l’emporte. Les enjeux sont énormes. Si l’USFP n’entame pas sa mue, il ne pourra pas tenir le choc des élections générales de 2007. Or, qui peut imaginer un gouvernement des forces démocratiques sans l’USFP ? La construction démocratique empruntera alors des chemins sinueux à l’issue incertaine. C’est ce que la jeunesse USFP veut éviter
Si l’on veut améliorer l’encadrement de la jeunesse, il faut assurer la mobilité au sein des partis politiques. Un argument solide qui met dans l’embarras les cadors du parti. Ces derniers ont déjà «concédé» quatre places aux femmes au sein du bureau politique. Les jeunes demandent le même traitement : 20%. Pas moins !
Les enjeux sont énormes. Si l’USFP n’entame pas sa mue, elle ne pourra pas tenir le choc des élections générales de 2007.
On croyait qu’à l’issue du VIe congrès de l’USFP, en mars 2001, les problèmes étaient réglés. Il n’en est rien et l’USFP semble repris par ses vieux démons.
