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USFP : un VIIe congrès sans surprises ?

2 500 militants se réuniront à Bouznika du 10 au 12 juin.
Si les préparatifs n’ont pas connu de troubles majeurs, des dissensions latentes pourraient éclater au grand jour lors du congrès.
Le clan des ministres redoute l’émergence d’un bureau totalement acquis à El yazghi.

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Les troupes socialistes sont fin prêtes pour la grand-messe du parti. Prévu pour les 10, 11 et 12 juin, le VIIe congrès de l’USFP devait ouvrir ses portes ce vendredi, au Centre international des conférences à Bouznika. Les différents responsables du parti promettent une grande fête socialiste où, pour la première fois, les ittihadis ne s’offriront pas en spectacle en s’étripant publiquement. A preuve, les travaux de la commission préparatoire se sont, semble-t-il, déroulés de manière exemplaire. Selon Driss Lachgar, président du groupe de l’USFP à la première Chambre, «l’élection des congressistes par les militants s’est passée dans la transparence la plus totale. D’ailleurs, il n’y a aucune contestation à ce sujet».
Pour ce qui est de la future équipe dirigeante, les observateurs avertis estiment que le prochain bureau politique va exhaler les même fragrances que celui de mars 2000, à quelques têtes près. Vu sous cet angle, le congrès ressemblera donc à une partition déjà jouée…
Les congrès sont propices à la fronde
Pas tant que ça, rétorquent certains militants. Quelques fausses notes pourraient glisser sur le pupitre du maestro. « Les mécontents de la gestion actuelle sont nombreux, même s’ils préfèrent mettre en sourdine leurs reproches», nous confie un congressiste. Il est vrai que les flèches décochées par Mohamed Lahbabi, ténor du parti et actuel membre du comité central, à la direction du parti ne sont pas passées inaperçues. Celui-ci, depuis plusieurs mois, se livre, au nom de la sauvegarde de l’héritage de Abderrahim Bouabid, à une véritable guérilla médiatique dont l’unique cible est Mohamed El Yazghi, premier secrétaire de l’USFP depuis une année et demie. Nous avons d’ailleurs essayé de joindre ce dernier, à ce sujet, sans succès (voir interview de M. Lahbabi en page 34). «Mohamed Lahbabi ressemble à un sniper isolé et qui ne sait pas que la guerre est finie depuis longtemps. De toute façon, à force de tirer comme ça, il sera bientôt à court de munitions», commente, taquin, un proche d’El Yazghi. Mais si Lahbabi n’a pas de courant propre au sein du parti, et de ce fait ne présente pas de danger pour le premier secrétaire, ses balles pourraient causer des dommages collatéraux… par ricochet. «Les congrès sont généralement propices à la fronde… Il faut juste allumer un feu et laisser faire le vent », assure un habitué des assises socialistes.
De fait, même si tout semble ficelé, il ne faut pas négliger quelques signes de malaise, fussent-ils minces. Badiaâ Sqali, première femme de l’USFP à décrocher la députation et membre du bureau politique, boycotte les réunions de cette instance depuis quelque temps déjà. «Je ne suis pas très impliquée dans le processus à la fois par lassitude et pour marquer une position politique ! », avoue-t-elle. Impossible d’en savoir plus, mais l’image presque parfaite que Driss Lachgar veut renvoyer du VIIe congrès prend soudainement quelques rides.
Autre signe d’incertitude : le clan qui avait nargué El yazghi, au moment où s’est posée la question de la succession de Youssoufi, n’a pas encore affiché ses intentions. Jusque-là sur la défensive, ce clan pourrait déclencher les hostilités, «si les amis d’El Yazghi continuent à les traiter en quantité négligeable», fait remarquer un ex-ministre USFP. Ce clan est principalement constitué des ministres que la politique extrémiste du «si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous», prônée par les francs-tireurs yazghistes, effraie. Ils appréhendent un bureau politique qui pourrait être transformé en bunker où le premier secrétaire régnerait en maître absolu, entouré de ses lieutenants. La paix signée entre eux et le premier secrétaire risque de voler en éclats au moindre faux mouvement. L’arme qu’ils brandissent est Abdelwahed Radi. Ils répètent d’ailleurs à qui veut l’entendre que le président de la première chambre est beaucoup plus populaire que le premier secrétaire. Ils rappellent également, non sans perfidie, que, lors du VIIe congrès de l’USFP, Radi est arrivé en tête dans les élections de la commission administrative quand El Yazghi, lui, ne s’est classé que dixième. Idem pour le choix des membres du bureau politique. Radi a été classé premier devant Youssoufi et Mohamed Guessous, deuxièmes ex-æquo, tandis qu’El Yazghi ne s’est positionné qu’en troisième place. Evoquer ce classement à la veille du prochain congrès ne peut relever de simples et innocents plaisirs arithmétiques.
Le message est bien reçu de l’autre côté. «Le congrès procédera au renouvellement du 1/4 des membres dans chacune des instances du parti», rappelle Driss Lachgar. Les suffrages des militants s’appliqueront à tout le monde, même aux ministres impopulaires… Tu me tiens, je te tiens par la barbichette.

Des dysfonctionnements au cours de la période préparatoire
Sur un autre registre, plusieurs militants ont fait part de dysfonctionnements pendant la période préparatoire. Les uns ont parlé d’achat massif de cartes du parti, les autres de parachutage dans certaines régions. Certaines sections du parti ont même comptabilisé deux fois des militants. Une fois comme appartenant à la section et une autre fois comme actifs dans des secteurs affiliés au parti… Ce qui a abouti parfois à des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. A Agadir, par exemple, le secrétariat provincial a comptabilisé 8 000 militants encartés. «C’est vrai, reconnaît un membre de la commission préparatoire, mais ce chiffre a été ramené à 6 000 après les vérifications d’usage». Le contrôle du nombre des militants se fait au siège du parti et est totalement informatisé. Ainsi, selon les derniers résultats, Casablanca compte environ 10 000 militants encartés, devant Fès qui en totalise 4 000. Rabat, un des fiefs de l’USFP, n’enregistre que 3 000 militants, alors que Chaouen surprend avec 2 500 militants. L’USFP totaliserait en tout et pour tout un peu moins de 60 000 militants actifs.
Sur la base de ces chiffres, les congressistes seront au nombre de 2 200, auxquels il faudrait ajouter 250 autres places accordées aux provinces comme bonus, en fonction des voix recueillies lors des dernières élections législatives. D’après les membres de la commission préparatoire, les organismes provinciaux du parti bénéficieront de plus de représentativité dans les organes de l’USFP. « Il faut jouir d’une assise locale importante pour pouvoir prétendre à un rôle national», insiste Driss Lachgar.
Malgré les rites socialistes où les compromis se mêlent aux jeux de clans et où les réconciliations succèdent aux disputes, le VIIe congrès promet quelques rebondissements. Une chose est sûre, ils ne seront pas aussi mélodramatiques que ceux qu’a connus, il y a cinq ans, le VIIe congrès .

VIe congrès de l’USFP, mars 2001. Mohamed Guessous, Abdelwahed Radi, Abderrahmane Youssoufi, Mohamed El Yazghi et Mohamed Lahbabi. Les anti El Yazghi joueront-ils la carte Radi à la septième manche ?