Pouvoirs
USFP, enfin la révolution ?
Des congressistes désignés selon la performance électorale, des membres du
conseil national en contact avec le terrain, un premier secrétaire désigné par
le conseil national ou le congrès.
Si les propositions de changement passent, l’équilibre des pouvoirs au sein
du parti sera chamboulé.
Un début de réponse à partir du conseil national du 12 avril.

L’USFP s’offrira-t-il enfin une véritable réforme pour son prochain congrès, prévu du 29 mai au 1er juin ? Début de réponse… le 12 avril, à l’occasion de la réunion du prochain conseil national du parti de la rose. Mais, déjà , ce samedi 5 avril, à Rabat, la commission de préparation du congrès se réunira au grand complet pour faire le point sur l’état d’avancement de ses travaux, le premier bilan d’un chantier en cours depuis février dernier. Si la commission chargée de la logistique du congrès ne devrait véritablement entamer ses travaux qu’à partir de la mi-avril, la sous-commission politique, elle, semble avoir bien avancé, certains annonçant déjà une première mouture de sa plateforme pour le 10 avril. «Pour le moment, les débats se poursuivent à un rythme soutenu et portent sur tous les sujets. Un projet de synthèse sera rédigé et soumis à la commission préparatoire», explique Ali Bouabid, membre de la sous-commission politique. Mais encore ? «Ce document de synthèse doit former le socle commun entre tous les socialistes en termes de valeurs et de projet de société. C’est notre marqueur doctrinal et identitaire. Il s’agit donc davantage d’un document stratégique. Il n’a pas vraiment vocation à délivrer une ligne politique mais plutôt à identifier les enjeux sur lesquelles celle-ci doit se prononcer. Il appartiendra aux candidat(e)s à la direction du parti de décliner et de proposer aux militants une ligne politique sur la base d’un contrat», ajoute-t-il.
Les élections sont le critère le plus fiable de la représentativité
Pendant ce temps, la sous-commission organisationnelle, elle, semble encore loin d’avoir finalisé sa copie, un retard dû non pas à l’absence de débat mais plutôt aux fortes implications de ce dernier pour le déroulement du congrès lui-même. Premier point, et non des moindres, la cellule envisage aujourd’hui de sélectionner les futurs participants au congrès de l’USFP non pas en fonction du nombre de militants inscrits dans les différentes sections du parti, mais sur la base de la moyenne de leurs performances aux élections législatives de 2002 et 2007, mais également aux communales de 2003. «Il s’agit d’une moyenne de correction, qui ne changera pas grand-chose a priori», prévient Mohamed Benyahia, président de la commission préparatoire du congrès, notant que «l’essentiel, c’est le critère adopté : au congrès, les régions les plus représentées seront effectivement celles o๠l’USFP a remporté le plus de voix, ce qui limite le risque d’abus».
Une petite réforme aux grandes implications pourtant, puisqu’elle implique la distribution des congressistes sur des bases plus transparentes – les résultats électoraux, publics, étant plus fiables que le nombre de militants, difficile à déterminer avec certitude – mais aussi plus à même de susciter une émulation entre les sections du parti aux prochains rendez-vous électoraux.
Le clivage entre partisans et détracteurs de Mohamed Elyazghi est dépassé
«Nous allons commencer par appliquer cette approche aux élections des congressistes car il faut que le congrès soit représentatif de la cartographie de la présence de l’USFP dans les différentes provinces ou communes», explique Larabi Jaà¯di, membre du conseil national de l’USFP, qui ajoute que «le seul indicateur valable de la représentativité de l’USFP, c’est celui qui est donné par le résultat des urnes : vous pouvez avoir beaucoup de militants dans une région, mais qui sont inactifs. Vous pouvez avoir peu de militants dans une autre, mais qui sont très actifs. En même temps, cela permet d’éviter toute surenchère, comme il arrive souvent dans les congrès, lorsque, dans la course à la représentativité, les responsables locaux et régionaux se mettent, à la veille d’un congrès, à vendre des cartes, peut-être à des sympathisants, mais peut-être aussi pour gonfler leur représentation».
Impact collatéral non négligeable de la mise en place des nouveaux critères de sélection des congressistes, l’on risque fortement aujourd’hui d’assister à une redistribution des forces du congrès, et, par ricochet, à un changement du rapport de force au sein des structures dirigeantes de l’USFP. Et ce n’est pas tout, puisque ce changement, qui semble déjà bénéficier d’un soutien important au sein de la commission préparatoire, pourrait n’être qu’un prélude à une série de réglages en cours de discussion. En effet, le débat bat aujourd’hui son plein entre partisans du statu quo – qui acceptent tout au plus un renforcement de la marge de manÅ“uvre des instances régionales du parti- , et ceux d’une réforme plus profonde du mode d’organisation du parti, qui proposent différentes réformes touchant aussi bien au mode de désignation du premier secrétaire de l’USFP qu’à celui de son bureau politique ou du conseil national du parti, sans oublier une révision des relations existantes entre ces différentes structures.
Revenir à la base pour mieux rebondir dans les structures
On peut penser que ce sont les prémices d’une véritable révolution que l’on sent venir. La commission préparatoire réussira-t-elle à imposer cette réforme, qui chamboule l’équilibre entre organes de pouvoir du parti et lisse les influences individuelles ? Mise en place au lendemain des conseils nationaux des 11 et 26 janvier dernier pour préparer le VIIIe congrès de l’USFP, en pleine tempête consécutive à la débâcle des législatives, cette commission est, selon plusieurs de ses membres, aujourd’hui parvenue à dépasser le clivage entre partisans et critiques du premier secrétaire sortant, Mohamed Elyazghi.
Cherchant à répondre au sentiment général d’urgence, cette dernière est amenée à réfléchir à la manière d’adapter le parti au contexte dans lequel il évolue aujourd’hui, à commencer par remédier à son caractère fermé, hérité des années de plomb. L’USFP devrait ainsi s’ouvrir à son environnement, cesser de se concentrer sur ses problèmes internes et aller davantage vers ses électeurs. Une opération qui passe notamment par le renforcement de la transparence au niveau de la gestion, de la désignation aussi bien du premier secrétaire que du petit chef de section, et qui passe aussi par l’émergence de leaders aussi bien à l’échelle locale que nationale, souligne Omar Elyazghi, membre de la commission structurelle du parti.
Au-delà , parmi les changements qui s’imposent aujourd’hui, un certain nombre de militants font état de la nécessité de revoir la logique de fonctionnement du leadership du parti, en lui donnant une légitimité sur des bases non pas historiques, comme dans le cas des dirigeants de l’USFP, mais plutôt sur la base d’un contrat. Une manière d’éviter l’écueil de «la privatisation de la ligne politique par le premier secrétaire, affranchi d’une exigence de compte rendu régulier avec tout ce qu’elle implique en terme d’engagement de sa responsabilité», explique Ali Bouabid ; et cela, selon lui, tout en accordant au dirigeant du parti «une marge de manÅ“uvre suffisante au sein du bureau politique pour le soustraire aux pièges d’un consensus permanent et souvent paralysant».
Rien d’étonnant donc à ce que bon nombre de propositions formulées touchent au mode de nomination du premier secrétaire et des instances qui ont pour mission de le soutenir. Ainsi, face aux partisans de la structure actuelle qui veut que le premier secrétaire soit désigné par le bureau politique, certains se prononcent pour qu’il soit élu par le congrès. D’autres vont encore plus loin, proposant que les candidats à la direction du parti se présentent avec des colistiers, destinés à intégrer le bureau politique en cas de victoire, et que chaque liste présente ses objectifs aux militants qui l’éliront à la direction du parti. A l’image du système adopté aujourd’hui au niveau du bureau politique, cette option, qui permettrait de sélectionner le chef du parti non plus sur la base de sa simple personne mais aussi sur celle de ses idées et de l’équipe qu’il aura su réunir autour de lui. Une formule qui aurait aussi pour avantage de permettre, au congrès suivant, de lui demander des comptes par rapport à ses engagements, le chef du parti ne pouvant plus se réfugier derrière d’éventuels blocages causés par le bureau politique.
Maires et membres des conseils régionaux au conseil national ?
Ce système, qui rappelle fortement celui en vigueur au Parti socialiste unifié (PSU), est aujourd’hui soutenu par les partisans de l’ouverture de l’USFP aux courants politiques, certains y voyant déjà l’outil qui permettra au parti de la rose de devenir le rassembleur de la gauche marocaine. «Aujourd’hui, si des politiques comme MM. Sassi et Benatiq expriment le souhait d’intégrer l’USFP, ils seraient obligés pour cela de dissoudre leurs formations sans garantie d’exister en tant que collectif d’idées. En revanche, avec un système de listes, ils pourraient venir avec leurs listes, se présenter, et s’assurer une présence au bureau politique en fonction de ce qu’ils représentent», explique ce cadre de l’USFP.
Au-delà de ces changements concernant le premier secrétaire, le conseil national fait également l’objet de plusieurs propositions de réglages, notamment au niveau du mode de sélection de ses membres. En effet, certains membres de la commission proposent d’y réunir non pas les membres du congrès élus par leurs pairs, comme c’est le cas aujourd’hui, mais les élus du parti, les maires des grandes villes, ou encore les responsables régionaux de l’USFP, de manière à imposer à ses dirigeants un contact permanent à la fois avec les bases du parti et le terrain. «Dans le nouveau système, vous avez un conseil national qui plonge ses racines dans la réalité. En étant membre du conseil national, un membre du conseil régional d’Agadir, de Marrakech ou de Meknès apporte toujours ce contact direct avec la population, parce qu’il est présent sur le terrain. De même, quand on est maire d’une ville et membre du conseil national, l’on apporte un autre aspect de ce contact avec la population», explique ce cadre.
«Parmi les problèmes de l’USFP, il y a le cas d’un certain nombre de dirigeants qui sont là depuis 1975 et qui ne bougent pas à cause du système actuel. En effet, du moment qu’ils sont membres du conseil national, ils deviennent automatiquement membres du congrès suivant, ce qui leur permet de se faire réélire au conseil national voire au bureau politique, et cela sans avoir aucun lien avec la base. Autrement dit, cela fait 20 ans que certains individus n’ont pas de relations directes avec la base, mais ils reviennent toujours dans les instance dirigeantes par le haut», renchérit-il. Pour remédier à cette situation, certains proposent désormais que ces membres du conseil national fassent automatiquement partie des congressistes, encore une fois, mais que, à l’avenir, ils passent par la base du parti.
Ainsi, après être passée par une période pour le moins difficile, l’USFP a-t-elle fini par prendre le taureau par les cornes ? «La commission va transmettre tout ce débat aux régions. A partir du mois prochain, le débat ne se limitera plus à Rabat mais aura lieu partout au Maroc. Dans chaque région, l’on va se faire une idée du système qui convient et c’est le congrès qui tranchera», indique, optimiste, Mohamed Benyahia. Au sein du parti, la plupart des personnes interrogées font état d’une «tendance lourde» au changement, mais l’on ne peut manquer de remarquer le silence, plutôt inquiétant, des ténors du parti qui, jusqu’à présent, n’ont pas pris position dans le débat.
